Header Critique : KNIGHTS OF THE ROUND TABLE (CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, LES)

Critique du film et du DVD Zone 1
KNIGHTS OF THE ROUND TABLE 1953

LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE 

Au VIème siècle, le jeune Arthur devient Roi des anglais et unifie le pays, alors menacé par des envahisseurs barbares. Dans sa tâche, il est aidé par les chevaliers du royaume, parmi lesquels le loyal Lancelot du Lac. Mais ce dernier s'éprend de Guenièvre, reine d'Angleterre et épouse d'Arthur...

Pour les majors d'Hollywood, les années 1950 commencent sous de mauvais auspices. D'abord, une loi antitrust les contraint à abandonner leurs réseaux de cinémas, qui leur permettaient de contrôler la vie d'un film de sa production à sa distribution. Qui plus est, la télévision domestique est lancée avec un succès fracassant après la guerre : en 1951, il y a déjà dix téléviseurs pour cent américains ! Un vent de panique souffle alors sur les studios ! Afin de proposer des spectacles impossibles à restituer sur un petit écran, on se met à exploiter plus systématiquement certaines possibilités techniques du cinéma. La couleur se généralise (bien que le Technicolor trichrome était déjà utilisé depuis que le film BECKY SHARP de 1935 l'ait utilisé pour la première fois sur la durée d'un long-métrage) et les grandes firmes proposent des oeuvres en relief (Warner avec L'HOMME AU MASQUE DE CIRE, Universal avec LE MÉTÉORE DE LA NUIT, Fox avec PANIQUE SUR LA VILLE...). Surtout, on commence à réaliser des films destinés à être projetés sur des écrans de plus en plus larges : c'est le triomphe du Cinémascope promu par la Fox avec son péplum LA TUNIQUE, rapidement suivi par 20.000 LIEUES SOUS LES MERS de Disney ou LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE de la Metro-Goldwyn-Mayer.

Évidemment, il faut des sujets adaptés à ces nouvelles formes de spectacle. Ainsi, les grands films d'aventures des années 1920-30 fournissent de nombreuses sources d'inspiration. Par exemple, le film antique, dans la tradition des DIX COMMANDEMENTS version 1923 ou du BEN-HUR de Niblo, refait surface : MGM ouvre la danse avec son QUO VADIS? de 1951, transposition d'un roman déjà adapté par les italiens avec succès au temps du muet. MGM offrira dès lors certains des plus beaux films d'aventures de son temps, en alignant, au cours des années 1950, de somptueux chefs-d'œuvre en couleurs, comme LES MINES DU ROI SALOMON (aventure africaine), SCARAMOUCHE (cape et épée dans la France du XVIIIème siècle), IVANHOÉ (aventures médiévales), LE PRISONNIER DE ZENDA (aventures dans l'Europe centrale de la fin du XIXème siècle), LES CONTREBANDIERS DU MOONFLEET (cape et épée crépusculaire)... En la matière, son réalisateur le plus productif est Richard Thorpe et, parmi ses acteurs-vedettes, se détachent deux comédiens : Stewart Granger, britannique arrivé chez MGM à l'occasion de son interprétation d'Allan Quatermain dans LES MINES DU ROI SALOMON ; et Robert Taylor, jeune premier révélé par le studio au milieu des années 1930, et dont ce cinéma d'aventures, auquel il participe dès QUO VADIS?, fera rebondir la carrière.

C'est justement Robert Taylor qui avait interprété le rôle-titre d'IVANHOÉ réalisé par Richard Thorpe. Ce succès de 1952 encouragera MGM à persévérer dans le style médiéval. Le studio réunit donc à nouveau Thorpe et Taylor pour LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, inspiré, bien sûr, par la légende du roi Arthur. Ce personnage est ici interprété par Mel Ferrer, charismatique et cruel gentilhomme dans SCARAMOUCHE. Pour être la reine Guenièvre, la présence aristocratique d'Ava Gardner (PANDORA) s'impose d'emblée. Le méchant Mordred a les traits d'un ombrageux Stanley Baker (ZOULOU). Pour son premier film en CinémaScope, MGM fait tourner son équipe dans des studios londoniens et sur des extérieurs britanniques, afin de garantir l'authenticité de l'atmosphère et le dépaysement des spectateurs américains.

Au Vème siècle après Jésus-Christ... Suite à l'effondrement de l'Empire romain d'occident, l'île d'Angleterre est livrée au chaos. A la mort du roi Uther Pendragon, Mordred s'autoproclame monarque du pays, déchiré par des guerres claniques. Arthur, véritable héritier du trône, confié dès l'enfance par son royal géniteur Uther à Merlin l'enchanteur, vient réclamer la couronne. Pour prouver sa légitimité, il extrait la légendaire épée Excalibur de l'enclume dans laquelle elle était magiquement scellée. Seul un authentique Roi d'Angleterre pouvant accomplir un tel exploit, le jeune roi rallie aisément à sa cause les meilleurs chevaliers du royaume. Après avoir maté les rebelles menés par Mordred, Arthur pardonne ses anciens ennemis et les invite à l'aider dans son travail de gouvernement. Il installe sa cour à Camelot, où il réunit ses plus loyaux guerriers : les chevaliers de la Table Ronde. Parmi eux, le plus fort, le plus brave et le plus dévoué à son Roi et le plus brave est sans doute Lancelot. Hélas, ce guerrier et Guenièvre, épouse d'Arthur, vont tomber amoureux. Par devoir envers l'Angleterre et son monarque, les deux amants vont tenter de se séparer et de vivre contre leurs sentiments. L'infect Mordred, de son côté, entend bien encourager cette idylle afin de faire vaciller l'autorité d'Arthur...

La légende des chevaliers de la Table Ronde est en fait basée sur de nombreux écrits relatant la naissance de la royauté britannique au Vème et au VIème siècle de notre ère. S'il n'est même pas vraiment sûr qu'Arthur ait bien existé, il n'en reste pas moins que ce personnage entraînera la rédaction de nombreux chefs-d'œuvre de la littérature médiévale, voire même plus tardive. En France, on connaît bien sûr les oeuvres rédigées au XIIème siècle par Chrétien De Troyes. Mais le film LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE s'inspire, si l'on en croit son générique, de "La mort d'Arthur", rédigé par l'aventurier anglais Thomas Mallory au XVème siècle. D'ailleurs, EXCALIBUR de John Boorman revendique aussi cet ouvrage comme source principale. Ces légendes étaient appelées à influencer d'autres domaines que la littérature, notamment au XIXème siècle, au cours duquel on se passionne pour les mythes et l'archéologie du Moyen-Age. Ainsi, Wagner s'inspire du cycle Arthurien pour les livrets des opéras de sa "Tétralogie". Suivent des Arts plus populaires, comme la Bande-dessinée (avec "Prince Vaillant") et le cinéma (par exemple, UN YANKEE A LA COUR DU ROI ARTHUR, de 1921, d'après le roman de Mark Twain).

Ici, l'action ne met pas le Roi Arthur au premier plan. L'œuvre dépeint surtout la destinée du chevalier Lancelot. Dans le cycle de la Table Ronde, il est chargé d'aller libérer la reine Guenièvre, épouse de son roi et ami Arthur. Il s'exécute, mais, sur le chemin du retour, il s'éprend d'elle. Dès lors, il vit son amour malheureux comme une malédiction l'empêchant à jamais d'atteindre l'idéal de la chevalerie qui a toujours guidé son existence. Au cinéma, ce personnage avait eu droit au rôle-vedette, dès 1910, où l'on trouve déjà un LANCELOT ET ELAINE. D'autres films lui seront consacrés, comme LANCELOT CHEVALIER DE LA REINE de Cornel Wilde en 1963, ou LANCELOT DU LAC de Robert Bresson ; il héritera même des yeux bleus de Franco Nero dans la comédie musicale CAMELOT, ou des traits de Richard Gere dans LANCELOT de Jerry Zucker.

LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE a donc tendance à mettre au premier plan la romance le liant ce chevalier à Guenièvre, quitte à tricher un peu avec la "véritable" histoire (la fin de Mordred par exemple). Tiraillé entre sa loyauté pour son Roi, renonçant à son aspiration au bonheur, Lancelot est condamné au mieux, à renoncer à l'amour de sa vie, au pire, à déclencher l'effondrement du royaume. Personnage tragique, marqué par le destin et le chagrin, Lancelot se voit tout de même offrir, dans le superbe épilogue du métrage, l'espoir d'une rédemption, apportée par Perceval. Aux côtés de celui-ci, incarnation de la chevalerie parfaite, il lui est en effet révélé qu'il n'a jamais démérité de la noble compagnie de la Table Ronde.

Escamotant pratiquement toute forme de surnaturel, LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE baigne constamment dans une ambiance courtoise, reflet d'un Moyen-Age idéalisé, correspondant sans doute plus aux temps de Chrétien De Troyes qu'aux Ages sombres au cours desquels se sont déroulées les aventures Arthuriennes. En ce qui concerne les somptueux costumes et décors, les sources iconographiques datent visiblement de la fin du Moyen-Age. Comme le HENRY V de Laurence Olivier, autre classique médiéval en couleurs, les influences picturales principales semblent ainsi être des oeuvres datant des XIVème et XVème siècle (presque mille ans après le temps de la Table Ronde, donc !) : les miniatures illustrant le célèbre manuscrit "Les Très Riches Heures du Duc de Berry" et les non moins célèbres "Batailles" du peintre florentin Paolo Uccello, par exemple.

Peu importe le réalisme historique puisque, de toute façon, la MGM et Richard Thorpe cherchent avant tout à proposer un beau film d'aventures aux couleurs éclatantes et aux décors disproportionnés. Voulant satisfaire tous les publics, le film aligne scènes de romance, combats et numéros musicaux, en employant des moyens d'un luxe inouï. Les séquences d'action sont fort nombreuses, bien que parfois un peu lourdes. Le duel entre Lancelot et Mordred, ou encore le combat de Lancelot contre les soldats venus le surprendre en compagnie de Guenièvre, sont néanmoins éblouissants. Si la reconstitution est fastueuse, le résultat plastique est pourtant un peu moins convaincant que le superbe SCARAMOUCHE ou LES MINES DU ROI SALOMON. De même, la réalisation semble un peu raide, ce qui peut s'expliquer si l'on considère que l'emploi du format scope en était encore à ses tâtonnements. D'autre part, Robert Taylor n'est sans doute pas le plus intéressant des acteurs du cinéma d'aventures hollywoodien : moins enthousiaste que Douglas Fairbanks, moins charismatique qu'Errol Flynn, moins bon comédien que Stewart Granger, moins athlétique que Burt Lancaster, il parvient tout de même à nous convaincre de la noblesse et de la galanterie de son personnage.

Alors, oui, LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE ne vaut pas les plus grands classiques du cinéma hollywoodien en la matière. Et, à sa sortie, la critique américaine ne lui a guère fait de cadeaux. Un peu empesé et inégal, il n'en reste pas moins la description fastueuse et touchante d'une superbe histoire d'amour. Pour l'anecdote, signalons que sa post-production s'est faite dans une certaine précipitation, la Fox ayant elle aussi un film d'aventures dédiés à l'univers du roi Arthur à mettre sur le marché : PRINCE VAILLANT, l'adaptation de la bande-dessinée ! Finalement LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE de MGM gagnera la course et sortira trois mois avant ce concurrent.

Déjà publié au temps du Laserdisc, en plein écran et en scope respecté, LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, joyau de la MGM, sort en DVD... chez Warner. Cette firme a en effet acquis plusieurs catalogues de titres classiques hollywoodiens "anciens". Anciens en nombre d'années bien sûr, des films comme SCARAMOUCHE ou LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE gardant à jamais une fraîcheur et une vitalité que pourraient leur envier bien des films chronologiquement plus "jeunes" !

Premier long métrage de la MGM en Cinémascope, il est présenté ici dans le ratio utilisé alors pour ce format : 2.55 (avec option 16/9). On note aussi que, sur ce film, MGM utilise le récent procédé "monopack" Eastman color (lancé en 1952), permettant de filmer en couleurs en impressionnant une seule pellicule sur laquelle plusieurs émulsions ont été déposées. Le Eastman Color allait remplacer progressivement le Technicolor trichrome employé à Hollywood depuis 1935, qui exigeait l'exposition simultanée de trois films dans la caméra lors du tournage. Le Technicolor entraînait donc l'usage de caméras extrêmement encombrantes et peu commodes, particulièrement pour les extérieurs (on imagine l'enfer qu'a du être le tournage des MINES DU ROI SALOMON avec ce procédé, en pleine Afrique sauvage !).

L'image est ici dans un état assez inégal. On trouve quelques saletés, des passages granuleux et des moments dans lequels la définition paraît nettement en retrait. Quant aux plans truqués (fondus par exemple), ils sont inratables tant ils sont accompagnés par une perte de qualité d'image évidente. Heureusement, ces défauts sont ponctuels et, la plupart du temps, l'image est de très bonne tenue pour un film des années 50. Les couleurs sont presque toujours éclatantes et stables. Le résultat n'est donc pas déshonorant et vaut largement les habituelles diffusions télévisées de ce film. Mais il nous semble qu'un travail de restauration encore meilleur aurait pu être fait.

Afin de satisfaire les salles qui n'étaient pas encore équipées en format Scope, une version 1.37 du film avait été tournée. Pour une fois, il aurait été réellement intéressant de mettre cette version "4/3" sur l'autre face du DVD, ce qui n'a hélas pas été fait...

La bande-son a été originellement conçue pour être proposée en "stéréo", codée sur quatre pistes magnétiques, placées sur la pellicule, à droite et à gauche des perforations. Le son est en 2.0 sur ce DVD et propose un excellent travail, d'une très grande propreté et d'une excellente cohérence sonore. Le film peut être sous-titré en français, en anglais ou en espagnol.

Pour l'anecdote, rappelons que, sur les premières copies de film en CinémaScope, la bande-son optique traditionnelle n'était pas incluse. Toutefois, certains exploitants refusant de s'équiper avec des systèmes lisant les pistes magnétiques, il fallut caser la piste optique sur la pellicule : c'est pourquoi le format CinémaScope passa du ratio de présentation 2.55 à une image un peu plus étroite, en 2.35, au cours de la seconde moitié des années 1950.

Les bonus proposent d'abord une (trop) courte introduction récente au film par Mel Ferrer (environ une minute). Puis on accède à sept minutes d'images de la Première du film à Hollywood. Elles ont été récupérées apparemment dans des actualités cinématographiques d'époque, et dans des rushes non montés.

Le bonus le plus intéressant est sans doute le court-métrage de neuf minutes (une bobine) OVERTURE TO THE MERRY WIVES OF WINDSOR, dans lequel l'orchestre de la MGM, filmé en CinemaScope, interprète l'ouverture des "Joyeuse commères de Windsor" du compositeur Otto Nicolai. Ce document (qui reçut un Oscar) était montré dans les salles avant la projection des CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE. Warner, apparemment très pressé de mettre son DVD sur le marché, propose ce film sans commentaire, ni explication à son sujet !

On trouve encore un court essai écrit sur les différentes représentations du roi Arthur au cinéma, ainsi que les bandes-annonces des CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, CAMELOT et EXCALIBUR. Somme toute, l'interactivité semble avoir été un peu bâclée, même si elle n'est pas complètement dénuée d'intérêt.

LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE est un grand film d'aventures, dont les petits défauts sont largement compensés par la noblesse tragique dont il est emprunt. Cette édition Warner aurait gagné à être un peu plus peaufinée, mais elle reste tout de même un excellent moyen de redécouvrir ce titre à un prix raisonnable... et avec des sous-titres français.

PS : "L'écran fantastique" numéro 4 (troisième série) propose un (relativement) petit dossier "Le fantastique chez les chevaliers de la Table Ronde", constituant une excellente première approche de la légende du roi Arthur et de ses adaptations en bande dessinée et au cinéma. Par ailleurs, en ce qui concerne les évolutions techniques de l'âge d'or d'Hollywood (couleur, son, format large...), les anglophones sont invités à visiter l'indispensable American Widescreen Museum.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
50 ans
1 news
667 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
On aime
Un bon film de chevalerie
On n'aime pas
...
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Notes des lecteurs
Votez pour ce film
Vous n'êtes pas connecté !
-
1 votes
Ma note : -
L'édition vidéo
KNIGHTS OF THE ROUND TABLE DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h56
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Espagnol
  • Supplements
    • Introduction de Mel Ferrer (1mn34)
    • Premiere des Chevaliers de la Table Ronde (8mn20)
    • The Merry Wives of Windsor (9mn02)
      • Bandes-annonces
      • Les Chevaliers de la Table Ronde
      • Camelot
      • Excalibur
    • King Arthur at the Movies (texte)
    • Cast & Crew (fiche technique)
    Menus
    Menu 1 : KNIGHTS OF THE ROUND TABLE (CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, LES)
    Autres éditions vidéo
      Aucune autre édition répertoriée.