Après avoir été internée pour problèmes psychiatriques, Dora, qui a assisté au suicide de son compagnon, héroïnomane notoire, revient vivre dans leur maison. Elle est accompagnée par son nouveau mari, Bruno, et son jeune fils Marco, issu de son premier mariage. Bruno est absent toute la journée, fort occupé par son emploi de steward, et Dora gère seule l'éducation de son fils ; celui-ci se met à agir de manière insolite et semble pourvu de pouvoirs télékinésiques. Tous les événements étranges ont-ils un lien avec la cave, dont le mur en briques possède un singulier pouvoir d'attraction sur Marco ?
SHOCK est une réalisation bicéphale où Mario Bava laisse peu à peu la place à son fils, Lamberto. Il n'est pas besoin de présenter ni Mario Bava (LE CORPS ET LE FOUET, DIABOLIK, 6 FEMMES POUR L'ASSASSIN…) auteur d'une bonne vingtaine de chefs-d'œuvre fantastiques ou fantaisistes, ni son fils, qui lui a succédé avec moins d'inventivité. Ce dernier n'a pas réglé son pas sur celui de son père mais plutôt sur celui d'un illustre parrain, Dario Argento, avec qui il a collaboré à de nombreuses reprises, et dont l'influence dans SHOCK est flagrante. La mainmise grandissante du réalisateur de la trilogie des animaux (L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL, LE CHAT A NEUF QUEUES et QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS) sur le film d'horreur italien se fait sentir dans le rythme et les plans de SHOCK (1977) ; c'est surtout à LES FRISSONS DE L'ANGOISSE (1975) que se réfère la dernière réalisation de Mario Bava. Il faut dire que les liens thématiques et humains unissant les deux principales figures du giallo (Bava comme initiateur, Argento comme rénovateur) se tissent de plus en plus, dès L'ÎLE DE L'ÉPOUVANTE : ils finiront même par travailler ensemble sur quelques séquences de INFERNO (1980) (selon Argento, puisque Mario Bava n'est pas crédité au générique).
Si Lamberto Bava emprunte à l'univers d'Argento la trame générale de l'histoire et synthétise cet univers à la perfection, il avoue également une dette à Stephen King (surtout pour "Shining"), qui de son côté s'est attaqué à la rénovation du roman horrifique : un enfant aux pouvoirs paranormaux, une famille happée par une maison qui semble hantée, des événements étranges et la folie meurtrière, voilà pléthore de thèmes que l'auteur de "Carrie" ne cesse de développer à travers ses premiers romans.
Bien sûr, la maison n'a rien de l'hôtel de "Shining", Daria Nicolodi n'a rien non plus de Jack Nicholson, mais, dans son scénario co-écrit avec Dardano Sacchetti (LE CHAT A NEUF QUEUES, L'ENFER DES ZOMBIES, L'AU-DELA…), Lamberto Bava mixe heureusement (et de façon un peu démagogique tout de même) les meilleurs éléments des romans de King à l'ambiance des films de Dario Argento. La définition des films du réalisateur de SUSPIRIA faite par J.B. Thoret dans son ouvrage "Dario Argento, Magicien de la peur" (cahiers du cinéma), s'applique d'ailleurs parfaitement à SHOCK : «un espace illogique et sans fond (le cellier, la cave), un déchiffrement constant, l'importance démesurée accordée au détail et surtout, une mémoire qui pèse comme un cadavre dont on ne parvient jamais à faire le deuil».
Nourri de ces influences, le film est cependant l'un des meilleurs de Mario Bava dans les années soixante-dix, période durant laquelle il s'égare dans le très surréaliste LISA ET LE DIABLE et dans un thriller réussi (CANI ARIBBIATI), deux réalisations très personnelles qui auront connu de nombreux problèmes.
Mais si le film porte si fort la marque de fabrique de Mario Bava, c'est surtout dû à l'usage de plus en plus poussé du gros plan, des mouvements incessants de caméra et à l'emploi d'inserts fréquents ; il multiplie encore les accroches du regard et les effets de profondeur par miroir dans de nombreux plans, ou bien génère un hors-champ qui amplifie le sentiment d'inquiétude, comme dans ces deux plans :
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Cependant, pour renforcer la nouvelle atmosphère voulue par l'équipe, pour accentuer aussi la tonalité tragique du scénario, les couleurs sont bien plus glacées, beaucoup moins chatoyantes que dans les précédents films de Bava, comme s'il renonçait à une chaleur rassurante toute latine : le second degré, le recul n'est plus envisageable. Fini le rêve, bienvenue dans les cauchemars de Dora !
Car SHOCK est une grande réussite pour Mario Bava, mais c'est aussi une prestation remarquable de Daria Nicolodi, dans le rôle de Dora (qui jouera par la suite dans LA VENERE D'ILLE, une adaptation télévisuelle de Mérimée, réalisée par Mario et Lamberto Bava, et dans INFERNO) ; elle compose un véritable festival d'émotions violentes. La caméra ne la quitte pratiquement pas durant tout le métrage car la clef du scénario repose sur ses épaules, clef qui est (sans vouloir casser le plaisir de ceux qui n'ont pas encore vu le film) diablement efficace. Le point de vue interne est pratiquement conservé dans la narration du début à la toute fin du film ; on subit les peurs et les doutes du personnage féminin, ses cauchemars et hallucinations, et cela accroît la tension dans de nombreuses scènes et multiplie le choc de la révélation finale.
La bande son est évidemment pour beaucoup dans le fait que le film réussit très souvent à susciter la peur. Tendue, sourde, elle ne dénote pas du tout dans cette ambiance qui plaira aux argentophiles puisqu'elle émane d'une branche parallèle des Goblin (I Libra, avec Martino et Pennisi), le groupe attitré d'Argento (LES FRISSONS DE L'ANGOISSE, SUSPIRIA, LE SANG DES INNOCENTS…).
Le DVD édité par Anchor Bay est de très bonne facture. L'image en 16/9ème est présentée dans un ratio légèrement supérieur à 1.77:1, alors que le format annoncé sur la jaquette est 1.85:1., qui était le format d'origine.
Le transfert son est un mono Dolby Digital très propre sur les trois pistes son. Le souci principal durant le visionnage du film reste la bande son en version française qui se décale petit à petit, au point qu'au bout d'une heure, les paroles ont pris deux bonnes secondes d'avance sur les lèvres des acteurs ! Il faut pour éviter cet inconvénient se rabattre sur la version italienne ou sur la version anglaise, malheureusement toutes deux non sous-titrées.
Les bonus, quant à eux, sont peu nombreux mais de choix : la bande annonce italienne peut se voir sous-titrée en anglais, elle est accompagnée par deux bandes annonces américaines qui rappellent que le film a connu dans ce pays une sortie sous le titre BEYOND THE DOOR II. Les producteurs espéraient ainsi lui faire bénéficier du succès du DEMON AUX TRIPES (BEYOND THE DOOR, 1974) de Ovidio Gabriele Assonitis, ersatz de L'EXORCISTE qui met en scène Richard Johnson (LA MAISON DU DIABLE, L'ENFER DES ZOMBIES). Les deux films n'ont pourtant pas grand chose en commun, à part leur pays d'origine et le jeune acteur qui joue Marco, David Colin Jr. Une autre bande annonce présente le film de Bava en double programme avec THE DARK, commencé par Tobe Hooper et terminé par John 'Bud' Cardos en 1979.
Le véritable bonus est l'interview de Lamberto Bava qui fait un éclairage sur quelques effets spéciaux employés dans le film, retrace succinctement la genèse de SHOCK et évoque les rapports professionnels qui les liaient lui et son père ; le tout sous-titré ou non en anglais.
Le disque édité par Anchor Bay, ressorti depuis en double programme avec POSSESSION de Zulawski, fait une nouvelle fois la preuve de la grandeur passée de cet éditeur américain réduit à faire les fonds de tiroir de son catalogue depuis le départ de Bill Lustig pour Blue Underground. Il procure en effet une édition très correcte, la meilleure (?) pour revoir ce chef-d'œuvre de la famille Bava.