Tomas est le seul survivant d'un accident d'avion. Après cet incroyable coup de chance, il est contacté par le mystérieux Federico, qui lui propose de participer à des jeux de hasard très particuliers...
INTACTO est le premier long métrage de l'espagnol Juan Carlos Fresnadillo, qui s'était auparavant distingué en réalisant le court ESPOSADOS, nominé aux Oscars. S'inscrivant, bien sûr, dans la vague du cinéma fantastique espagnol consécutive aux premiers films d'Alejandro Amenabar et d'Alex De La Iglesia, INTACTO est un thriller surnaturel, filmé entre Madrid et les Canaries. La caution internationale est apportée par l'acteur vétéran Max Von Sydow (LE SEPTIÈME SCEAU, L'EXORCISTE...), tandis que le reste du casting se compose de comédiens hispanophones, pas véritablement célèbres en France : Leonardo Sbaraglia (VIES BRÛLÉES de Marcelo Pineyro), Eusebio Poncela (LA SEMAINE D'UN ASSASSIN d'Eloy de la Iglesia), Antonio Dechent (LE JOUR DE LA BÊTE...)...
Samuel dirige un casino situé en plein désert. Il a à son service Federico, un homme de main dont les pouvoirs surnaturels lui permettent de faire perdre les joueurs trop en veine. Quand Federico annonce son intention de quitter l'établissement, Samuel, lui aussi doué de dons étranges, lui "reprend" son pouvoir et le jette dehors. Federico n'a plus qu'une idée en tête : se venger du vieil homme. Quand il apprend qu'un dénommé Tomas a eu la chance incroyable d'être le seul survivant d'une catastrophe aérienne, il se précipite à son chevet, se fait passer pour un agent d'assurance et lui remet un gros chèque. Puis, il lui propose de participer à des jeux de hasard très particuliers et lui fait des révélations incroyables : certaines personnes, comme Tomas, Samuel, ou autrefois Federico, ont le pouvoir de "voler la chance" d'autrui et de la capitaliser à leur avantage...
Survivre à un accident très meurtrier est un coup de chance invraisemblable, relevant pratiquement du surnaturel. Les auteurs du cinéma fantastique l'ont bien compris, avec des titres récents comme INCASSABLE ou DESTINATION FINALE. Auparavant, LE SURVIVANT D'UN MONDE PARALLÈLE avait d'ailleurs mis Robert Powell dans une telle situation. Une série télévisée américaine, DRÔLE DE CHANCE, avait aussi narré les aventures étranges du survivant d'une catastrophe aérienne. Ces oeuvres fantastiques ont en commun de mettre en avant des personnages principaux doués, à leur insu, de facultés surnaturelles (prescience pour DESTINATION FINALE, super-pouvoirs pour INCASSABLE...), ainsi que de jouer sur les notions de chance et, surtout, de destin.
Malgré ces similitudes avec d'autres titres, INTACTO se distingue par son approche extrêmement originale. Son point de départ consiste à admettre que certaines personnes ont le don surnaturel de voler la chance des autres, par simple contact physique. Dès lors, ils peuvent engranger cette chance et devenir de plus en plus puissants. Qui plus est, une fois la chance "volée" à leurs victimes, ces "mutants" peuvent la marchander entre eux sous la forme de photographies de leurs malheureuses proies. Samuel est, à ce jeu, l'homme le plus fort du monde. Il possède ainsi une armoire remplie des photos de centaines de "captifs" dont il détient le potentiel de chance. Ces personnages mystérieux se livrent alors, entre eux, à une compétition impliquant des épreuves délirantes, qui tourne à l'obsession pure et simple. Ils ne se soucient guère de ce qui advient à ceux qu'ils dépossèdent de leur chance, et qui sont en général rapidement victimes de déveines tragiques. Ces étranges joueurs évoluent dans un univers abstrait, en marge de la réalité, et ordonnent des complots inouïs dont les simples mortels, leurs proies, n'ont absolument aucune idée. Si certains aspects de ce récit fantastique évoquent le vampirisme, on retrouve surtout cette hantise de la machination, cette paranoïa systématique, si chère à la série TV "AUX FRONTIÈRES DU RÉEL" et au cinéma espagnol fantastique récent (OUVRE LES YEUX, LA SECTE SANS NOM, LES ENFANTS D'ABRAHAM...).
INTACTO ne sombre pas dans la caricature et parvient à peindre ses personnages de façon à la fois touchante et ambiguë, sans désigner de "grand méchant" irrécupérable. Bien au contraire, tous portent en eux le terrible sentiment d'avoir eu une chance incroyable, imméritée, que d'autres n'ont pas eue. Samuel a réchappé aux camps d'extermination nazis ; le torero Alejandro est sorti indemne d'une terrible corrida ; Sara, agent de police, a survécu à l'accident de voiture qui a tué son mari et son enfant... Certains de ces "survivants malgré eux" (Samuel et Alejandro) vont passer le restant de leur vie à provoquer la chance, à éprouver leur destin, cherchant ainsi à jouer avec la mort et à rejoindre, enfin, leur place parmi les défunts. Cette culpabilité va aussi se manifester, par exemple, chez Sara, par une volonté de se racheter, de sauver des vies à n'importe quel prix.
La plus grande qualité d'INTACTO est sans doute son excellent scénario. Très original, très judicieusement construit, nous faisant passer d'un personnage à l'autre avec beaucoup d'habileté, disséminant soigneusement des révélations significatives tout au long de son déroulement, il a, en plus, l'intelligence de contrebalancer, dans son dénouement, le pessimisme facile et puéril que semblait impliquer ses prémices. Les quelques petites imprécisions (l'arrivée précipitée de Sara au casino) ne suffisent pas à effacer les remarquables qualités de ce script. La réalisation est assez fine, même si elle manque parfois un peu d'énergie et de variété. Heureusement, les "jeux de hasard", toujours très habilement mis en scène, sont de véritables tours de force.
Exploitant admirablement un thème fantastique extrêmement original, du moins sur grand écran, INTACTO est donc une réussite supplémentaire pour le cinéma fantastique espagnol. Très remarqué aux Goya 2002 (cérémonie espagnole équivalente à nos Césars), il sera ensuite distribué dans les salles Françaises, en 2003, sans grand succès. Après une belle édition espagnole, le voici donc qui arrive en DVD dans nos contrées, sous la bannière de Metropolitan.
L'image est proposée dans son format 2.35 d'origine (16/9), et n'appelle pas vraiment de commentaire : propreté quasi-parfaite de la copie, gestion de la lumière et des couleurs très bonne, excellente définition... Seuls quelques plans sombres truqués numériquement posent des petits problèmes, mais c'est un défaut d'origine.
La bande-son est proposée en Dolby Digital 5.1, en français ou en espagnol (avec sous-titres imposés). Là encore, le résultat est tout à fait à la hauteur de ce qu'on peut attendre de ce film récent qui, de toute manière, n'emploie que rarement ses éléments sonores à des fins spectaculaires.
La section bonus est entièrement sous-titrée en français. On y trouve un commentaire audio du réalisateur Juan Carlos Fresnadillo, qui s'attarde surtout sur le fonctionnement du scénario et de sa mise en scène, ne lâchant que très peu d'anecdotes ou de remarques techniques. Un "Making Of" espagnol (15 minutes environ) propose une petite featurette incluant quelques morceaux d'interviews. Une autre petite featurette de 2 minutes détaille rapidement les plans bénéficiant de trucages numériques. Des galeries proposent des photographies de tournage, des dessins de production, quelques pages de story-board, ainsi que du matériel promotionnel espagnol (affiches, dossier de presse, photos d'exploitation...). On trouve encore des filmographies des acteurs Leonardo Sbaraglia, Eusebio Poncela, Mónica López et Antonio Dechent. On peut aussi accéder à un montage d'interviews (13 minutes) de Leonardo Sbaraglia, Juan Carlos Fresnadillo et Max Von Sydow. Enfin, on peut consulter la bande-annonce d'INTACTO, ainsi que celles d'autres DVD Metropolitan (parmi lesquels CYPHER).
A notre connaissance, seule l'édition espagnole semble rentrer en concurrence avec ce DVD français. Un rapide comparatif avec le double-DVD hispanique nous fait constater que le DVD français reprend sensiblement le même matériel. Il manque tout de même les deux courts-métrages du réalisateur : ESPOSADOS et PSICOTAXI. Par contre, les 13 minutes d'interviews sont exclusives à l'édition française. Enfin, signalons que le DVD espagnol, s'il propose bien des sous-titres français pour le film, n'en fournit pas pour son interactivité.
Bien interprété, original et remarquablement écrit, INTACTO mérite d'être découvert, surtout après son exploitation française en salles, qui s'est faite dans la quasi-indifférence du public et de la presse. Cette édition DVD est tout à fait recommandée pour la plupart des spectateurs français, seuls les hispanophones pouvant réellement apprécier l'interactivité du DVD ibérique.