Un avion transportant toute une clique de touristes américains s'écrase sur une île perdue du Pacifique. A peine remis de leurs émotions, les survivants s'aperçoivent que les lieux sont le point de ralliement d'une bande de terroristes internationaux prêts à lancer une offensive d'envergure sur les Etats-Unis. Pour sauver leur peau ainsi que le monde libre, nos bons citoyens vont prendre les armes et refaire le Vietnam à eux tous seuls !
Le film de guerre, s'il sert la plupart du temps un noble discours humaniste, a engendré dans le milieu des années 80 une vaste progéniture de séries B et Z improbables où une poignée d'explosions peinait à cacher un nationalisme de pacotille. C'est ce que l'on appelle «l'effet RAMBO 2». La boîte de production Troma, bien connue pour son état d'esprit branque et gentiment anar, n'allait pas rester les bras croisés devant le succès planétaire de ces pitoyables nanars et de leur non moins pitoyable modèle. Le bien nommé TROMA'S WAR débarqua donc dans la foulée, en 88, avec pour mission de remettre certaines pendules à l'heure !
Le style Troma, malgré son aspect bordélique et improvisé, est basé sur un mélange d'humour bien défini. Ce dernier est composé de parodie, d'ironie, de caricatures, d'autodérision, de décalages en tous genres, le tout volontairement enfoui sous une bonne couche de gore et de blagues scatos. Passés à cette moulinette implacable, les muscles luisants de l'icône guerrière US immortalisée sous les traits de Sylvester Stallone vont perdre de leur superbe. L'excellente idée de TROMA'S WAR est ici de mettre en scène des citoyens lambdas en position de super soldat. Un beau gosse, un petit nerveux, un groupe de glam rock, une mère de famille, un pilier de bar bedonnant, une jolie aveugle et même une grand-mère, tous vont se retrouver dans la peau d'un commando de choc glorifié à outrance par une réalisation qui ne perd pas une occasion de se moquer du genre (voir à ce titre le superbe ralenti sur la mémé dégommant tout ce qui bouge à la mitrailleuse lourde !).
Si RAMBO 2 et sa vague d'ersatz dégénérés ne se privaient pas de nous dépeindre des ennemis à l'ethnie sur-caricaturée, TROMA'S WAR va là encore s'en moquer en nous présentant une milice aux allures d'auberge espagnole : un chef néo-nazi, des brutes communistes, un savant fou sud-américain judicieusement nommé «Senior Sida» (et dont le passe-temps favori est le viol de prisonnières), même des strip-teaseuses… Bref, tout ce qui ne cadre pas avec «le modèle» Américain. Toute productrice de séries Z qu'elle soit, Troma consolide donc avec ce film son statut de firme iconoclaste et rejoint les rangs d'une contestation rigolarde dont la série animée SOUTH PARK se fera plus tard l'étendard planétaire.
Aussi bon esprit soit-il, TROMA'S WAR n'en reste pas moins un (très) petit budget aux ambitions un peu hors de prix. Les fusillades d'envergure et les explosions à grande échelle en pâtissent quelque peu, ces dernières étant noyées dans une cinématographie franchement brouillonne. Heureusement, les deux réalisateurs et aussi pères fondateurs de Troma (Michael Herz et Lloyd Kaufman, ici caché sous le pseudo de Samuel Weil) en sont parfaitement conscient et ne cherchent pas à faire passer des vessies pour des lanternes. Les scènes de guerre, pour pallier leurs limites financières, sont sauvées par de l'autodérision. Ainsi, un plan d'un tir au bazooka est repris à l'identique trois fois de suite en guise de ressort comique. Ce recours systématique à l'humour fatiguera vite les réfractaires tout comme il satisfera les adeptes, comme souvent avec Troma.
TROMA'S WAR constitue donc le haut du panier de Troma, bien qu'il ne s'en situe pas au sommet. Même si l'on se prend vite au jeu de cette gue-guerre parodique et que l'humour du film fasse très souvent mouche (comme ce soldat dont le camouflage est trahi par un pet !), on sent malgré tout que le film ne va pas tout à fait au bout de son délire et de sa charge tous azimuts. Peut-être est-ce parce que le budget alloué est plus imposant que d'habitude, et que nos duettistes ont eu peur de perdre trop de spectateurs en y allant trop fort ? Ou plus vraisemblablement, Troma n'avait peut-être pas trouvé à cette époque le bon équilibre entre esprit branque et respect du genre (équilibre réussi plus tard avec CITIZEN TOXIE et TERROR FIRMER). TROMA'S WAR n'en est pas moins un film convivial et rafraîchissant, touchant parfois au sublime lorsqu'il met en scène son commando de ménagères intergénérationnelles arrivant à la rescousse de leurs bœufs d'hommes en pleine bataille. Absolument hilarant.
TROMA'S WAR fait partie de la deuxième vague de sorties Troma en DVD chez nous. Les spécificités restent grosso modo les mêmes que les autres disques de la collection : image plein cadre d'origine (honnête mais pas extraordinaire), et son stéréo en version originale uniquement (une version française n'existant pas). On regrette cependant un défaut image intervenant à trois reprises pendant le film : un gigantesque drop dû à une pliure de bande (visiblement le master vidéo dont est tiré le DVD). Bien que l'on s'en serait volontiers passé, il faut néanmoins reconnaître que cela ne gêne pas plus que ça la vision d'un tel film.
Les bonus sont quant à eux plus fournis que d'habitude (ce que ne laissait pas présager une jaquette encore une fois très floue sur le contenu des suppléments) : une bande-annonce, un faux reportage sur le film avec des fragments d'interviews des acteurs, un épisode de TROMAVILLE CAFE (une pseudo sitcom sur l'univers de Troma), une courte discussion avec Rick Washburn (comédien et également spécialiste des armes sur le film), ainsi qu'une poignée d'autres petits modules aussi drôles qu'inutiles.
L'éditeur ne misant visiblement pas très gros sur ces sorties Troma, ce dernier n'a pas jugé utile de sous-titrer les suppléments (à l'exception de la bande-annonce). Est-ce pour cette raison que le commentaire audio réputé hilarant de Lloyd Kaufman présent sur le zone 1 manque à l'appel ? La confidentialité du titre ainsi que le prix de vente réduit de ce disque, aussi bienvenu soit-il, explique sans aucun doute ce manque d'investissement.
Avec TROMA'S WAR, la célèbre firme s'attaque au film de guerre bœuf et bêtement patriotique pour en tirer une parodie maison. En transformant en Rambo des chanteurs de glam rock ou des petits vieux, Troma accouche d'un excellent divertissement, convivial et toujours iconoclaste. Une très bonne production maison, bien que cette dernière aurait pu aller encore un peu plus loin dans son délire.