A ce titre évocateur, on aurait pu s'attendre à découvrir
une histoire de Super Héros, de ceux que l'on découvrait
avec délices dans les Marvel Comics de nos jeunes années...
Mais non.
On aurait aussi pu croire que Jacques Tourneur, fort du succès obtenu pour LA FELINE, allait remettre le couvert en produisant une version masculine de son prédédent métrage. Il n'en est rien. Ici, le postulat de départ présente un animal lâché dans la nature et soupçonné de tuer des jeunes femmes. L'enquête de la police se tourne vers cette piste, mais le personnage principal s'oriente vers une autre alternative. Il suppose en effet que ces meurtres ne sont pas commis pas l'animal mais bel et bien par un homme. Se sentant responsable de la fuite de l'animal, il n'aura de cesse de chercher le moindre indice lui permettant de confondre le vrai coupable. Il dévoile ainsi la culpabilité qui le ronge car c'est lui qui a eu l'idée de promener le félin en laisse pour que Kiki, sa compagne, impressionne la galerie et vole la vedette à sa rivale, danseuse de flamenco.
Encore une fois, comme dans les autres films de Jacques Tourneur que nus avons eu l'occasion de visionner ces jours-ci, il est important de noter à quel point l'accent est mis sur la psychologie des personnages.En effet, chacun est en proie à des craintes, des angoisses et autres interrogations qu'il communique au spectateur. L'une s'inquiète de son avenir et consulte une diseuse de bonne aventure qui ne lui dévoilera jamais, pour ne pas l'inquiéter, ce que lui disent les cartes. La seconde jeune femme assassinée est elle aussi présentée dans sa vie de tous les jours. On nous montre sa joie de vivre, son bonheur, son entourage familial puis subitement, tout s'écroule et tourne au cauchemar. Et que dire des deux personnages principaux Jerry et Kiki, qui se montrent d'abord sous un jour peu flatteur, rivalisant d'égoïsme et d'ambition dévorante, et qui s'avèrent être, au fur et à mesure du dénouement, deux personnes de grand coeur, sensibles et altruistes.
Il est intéressant de voir à quel point en à peine une heure l'histoire est ficelée. De nos jours, le cinéma s'encombre souvent de scènes qui rallongent le métrage sans apporter grand chose à l'histoire. Ici au contraire, on va à l'essentiel tout en n'omettant pas d' intégrer des éléments humains et fantastiques. Ces derniers sont seulement suggérés, laissant au spectateur le soin d'imaginer ce qui se passe. Les techniques ayant considérablement évolué, le spectateur étant devenu de plus en plus exigeant en termes d'effets spéciaux et d'émotions fortes il n'est plus envisageable de produire ce genre de films maintenant. Ceux-ci conservent donc le charme surrané de ces objets qui appartiennent au passé, semblables à de vieux bibelots que l'on chine et auxquels il nous arrive de redonner vie.
On retrouve dans le scénario mais de manière inversée, l'idée qui inspira DOUBLE MEURTRE DANS LA RUE MORGUE de Edgar Allan Poe. Dans les deux intrigues en effet, l'idée originelle part d'un meurtre inexpliqué auquel s'ensuit une enquête qui s'oriente vers une fausse piste. Chacune de ces histoires mettant en scène un animal sauvage. Les voyages à l'étranger étant encore réservés à une certaine élite, il était facile d'éveiller la peur de l'inconnu chez les spectateurs. Jacques Tourneur exploita ce filon dès son premier film à la RKO, en réalisant LA FELINE (CAT PEOPLE), et poursuivit sur cette voie avec L'HOMME LEOPARD (THE LEOPARD MAN) et VAUDOU (I WALKED WITH A ZOMBIE). On y retrouve des ingrédients exotiques, très éloignés du quotidien des spectateurs. Cette recette est toujours appliquée de nos jours, seul le pretexte est différent.