Inspecteur de police et catholique, Peter Nicolas est appelé lorsqu'un tireur fait un carton dans les rues de New York sur une dizaine de passants. Il entame un brève conversation avec le tueur qui lui donne une raison toute simple pour expliquer son geste avant de se donner la mort. Manifestement, l'homme est un illuminé puisque Dieu lui a demandé de tuer ! L'histoire pourrait s'arrêter là sauf que Peter Nicolas se retrouve face à d'autres cas de meurtres à répétition où chacun des assassins donne la même raison…
Larry Cohen a une telle envie de faire du cinéma que lorsqu'il commence à écrire des scénarios, il les propose gratuitement, histoire de se faire connaître. Son approche fonctionne puisqu'il se met finalement à écrire pour diverses séries télévisées. Il est même à l'origine de plusieurs d'entre elles, dont la plus connue n'est autre que LES ENVAHISSEURS. Il fait son entrée dans le cinéma en écrivant le scénario du RETOUR DES 7, probablement remarqué pour son travail sur des séries télévisées telles que BRANDED. Après encore pas mal de scénarios vendus ici ou là, il met en scène lui-même son premier film sur une trame interraciale : BONE. C'est la grande époque de la Blaxploitation et Samuel Z. Arkoff ayant apprécié BONE lui donne de l'argent pour tourner BLACK CAESAR, LE PARRAIN DE HARLEM, un film de gangsters. Le succès est tel qu'il en réalise son inévitable suite HELL UP IN HARLEM tout en continuant à travailler pour la télévision. Son film suivant, tourné en même temps que le précédent, en tant que réalisateur sera lui aussi un succès mais dans un genre totalement différent. LE MONSTRE EST VIVANT emprunte la route du film d'épouvante avec son bébé monstrueux. Il récidive dans le fantastique ensuite avec GOD TOLD ME TO connu en France sous le titre de MEURTRES SOUS CONTROLE.
Déjà dans LE MONSTRE EST VIVANT, Larry Cohen détournait l'image inoffensive d'un nouveau né pour produire un film terrifiant. GOD TOLD ME TO suit le même chemin puisque cette fois, c'est à la religion que le scénariste s'en prend. Outre le fait que des quidams se mettent à tuer sous l'injonction du tout puissant, le film détourne les symboles catholiques pour un récit qui donne une interprétation très particulière de Dieu. Mais au delà de la conclusion de GOD TOLD ME TO, le film mène à s'interroger sur l'existence de Dieu tel que l'on peut la percevoir ! Il n'y a d'ailleurs rien d'innocent dans le fait que le personnage principal qui enquête sur les meurtres soit un catholique, ce qui le mène à se poser les mêmes interrogations que les spectateurs tout en remettant en cause sa propre foi. Un tel sujet ne pouvait susciter que des controverses. C'est d'ailleurs pourquoi le film fut re-titré quelque temps après sa sortie. En changeant le titre par DEMON, l'association directe avec Dieu dans la phrase originale («Dieu m'a dit de le faire» ou «Dieu me l'a ordonné») se voyait ainsi détourné. Le contenu du film restait quant à lui inchangé.
Tourné avec un petit budget, GOD TOLD ME TO réussit quelques tours de force comme la séquence de la parade dans les rues de New York. De ce manque d'argent, Larry Cohen tire son parti en tournant souvent à l'arrachée, ce qui donne à son film un aspect brut de décoffrage limite documentaire. L'ouverture du film avec de simples passants abattus sans raison dans la rue alors que tout paraît si normal en est le meilleur exemple, tout comme les nombreuses séquences de la parade. Toujours pour des raisons budgétaires et donc ne pouvant se payer d'extraordinaires effets spéciaux, la plupart d'entre eux sont réalisés sur le plateau avec seulement des spots de lumière. Et dans le pire des cas, il a recours à des stock-shots dont certains sont extraits carrément de la série COSMOS 1999 ! Hormis cela, le film gagne ainsi un côté «véridique» qui participe grandement à l'ambiance très étrange de GOD TOLD ME TO.
Après un différend avec un premier acteur, Larry Cohen se voit obligé de trouver rapidement un remplaçant. Il se souvient alors de l'interprétation de Tony Lo Bianco dans LES TUEURS DE LA LUNE DE MIEL et lui propose le rôle. Etrangement, ce seront les deux plus grands films dans lesquels l'acteur tiendra le haut de l'affiche. Pour le reste de sa carrière, il la fera au théâtre ou en interprétant des seconds rôles dans un grand nombre de films plus ou moins importants (F.I.S.T., HAUT LES FLINGUES…). A ce propos, pendant le tournage de GOD TOLD ME TO, il reçut des propositions pour bosser à Broadway. Ne pouvant être là tout le temps, il fut donc remplacé pour certaines séquences par une doublure, une pratique courante, et Larry Cohen nous signale d'ailleurs ces tours de passe-passe dans son commentaire audio.
Le look général de l'image a un côté très seventies qui pourra sembler un peu vieillot et même granuleux. Mais le transfert délivré par ce DVD est d'excellente facture et retranscrit bien le film. Enregistré en mono à l'origine, GOD TOLD ME TO dispose de quatre pistes sonores. L'originale mais aussi trois remix : Stéréo surround, Dolby Digital 5.1 (EX) et DTS 6.1 (ES). Rien que ça ! Toutefois, il faut se rendre à l'évidence, quelle que soit la piste choisie, le rendu a un côté un peu daté et n'est pas spécialement extraordinaire. On peut alors se demander quel peut être l'intérêt de proposer autant de pistes sonores là où une seule aurait suffit pour donner une meilleure spatialisation de l'ensemble !
En éditant GOD TOLD ME TO sur DVD, Blue Underground sort l'un des deux meilleurs films de Larry Cohen en tant que réalisateur, en attendant une sortie éventuelle du MONSTRE EST VIVANT chez Warner, dans d'excellentes conditions. Toutefois, le plaisir de revoir le film ne sera réservé qu'à ceux qui comprennent l'anglais puisque ce disque ne comporte aucun sous-titrage pas plus que de doublage en français. Difficile d'en vouloir à l'éditeur cependant puisque ce disque est produit pour le marché nord-américain.
En plus de la bande-annonce, des spots TV et de la galerie photos, le DVD contient un excellent commentaire audio de Larry Cohen qui discute tout au long du film avec William Lustig. Les deux hommes se connaissent bien puisqu'ils ont collaboré sur MANIAC COP et ses suites et ont tous les deux la même passion pour le cinéma. D'où une piste sonore bourrée d'informations et sur un ton assez décontracté où l'on apprend entre autre que Tony Lo Bianco a remplacé Robert Forster après deux jours de tournage pour une question de chewing gum, ce qui amuse William Lustig puisqu'il n'a pas rencontré les mêmes problèmes en travaillant avec l'acteur sur VIGILANTE. On peut aussi y apprendre que GOD TOLD ME TO fut le dernier film visionné par Bernard Herrmann la veille de son décès en vue d'en écrire la musique ou comment Larry Cohen persuada Richard Lynch, acteur ayant passé la majorité de sa filmographique à incarner des psychopathes ou des personnages maléfiques, de continuer sa carrière cinématographique toute naissante ! De même, Larry Cohen donne quelques anecdotes sur Andy Kaufman, qui interprète un tout petit rôle dans le film, et dont Milos Forman réalisera une biographie dans MAN ON THE MOON.
Le tout petit budget de GOD TOLD ME TO se fait un peu plus ressentir depuis que les années ont passé. Mais le film de Larry Cohen garde toujours une aura étrange, partagé entre l'épouvante et le très bizarre, et contient assez de rebondissements inattendus pour être vus encore de nos jours comme une réussite dans son genre atypique !