Un groupe d'hommes et femmes se réveille à l'intérieur d'une mystérieuse pièce carrée, soit l'une des innombrables chambres d'un gigantesque complexe de cubes, reliés entre eux par des sas sur chacune de leurs faces. Comment sont-ils arrivés là ? Et surtout pourquoi ? Ce que le groupe découvre rapidement en revanche, c'est que chacun possède un talent complémentaire qui, mis en commun, devrait les amener à trouver la sortie tout en évitant les pièces équipées de pièges mortels.
Il est bien connu que pour économiser son maigre budget, il faut dès la rédaction du script penser à réduire sérieusement le nombre de décors (et par voie de conséquence, le nombre de personnages). Le concept très malin de CUBE part donc de là : Comment imaginer un survival avec le budget et le casting d'un huis-clos ? L'astuce du film consiste à mettre en scène un labyrinthe de pièces identiques. Bien pratique, cette idée n'oblige que la construction d'une seule pièce (et de la moitié d'une autre pour une meilleure fluidité de découpage). De ce fait, les personnages passent leur temps à voyager, tandis qu'ils ne font réellement que rentrer à l'infini dans le même décor (un jeu sur la couleur des éclairages vient perfectionner l'illusion).
Le moindre fragment de CUBE est ainsi frappé du sceau de la débrouillardise conceptuelle et du bricolage haut de gamme. Car concrètement, CUBE n'a rien de révolutionnaire. C'est une course contre la mort classique (les personnages doivent sortir du complexe avant de mourir de faim et de soif tout en évitant d'être coupés en morceaux par des pièges), l'hystérie de groupe faisant monter le reste de pression autour de l'énigme de la situation. Sauf qu'ici, le talent des jeunes auteurs du film vient immédiatement tirer le tout vers le (très) haut, via des choix de narrations extrêmement audacieux.
Les détracteurs de CUBE ne pardonnent pas au film de ne jamais donner la moindre réponse aux (très) nombreuses questions qu'il pose. Bien que l'argument totalement original du métrage soit cet enchevêtrement de pièces cubiques, le film n'explicitera jamais le pourquoi du comment, laissant le spectateur dans un mélange d'incrédulité et de fascination. Alors que n'importe quel réalisateur se serait ingénié à mettre en avant toutes révélations quelles qu'elles soient, Vincenzo Natali choisit pour sa part de travailler sur la cohésion de ses personnages, laissant les détails de son univers dans un arrière plan diffus destiné à attiser l'inconfort du spectateur.
La colonne vertébrale de CUBE est donc son groupe de personnages, tous différents les uns des autres, mais dotés de compétences particulières et surtout complémentaires. Le français Rennes est un ex-taulard roi de l'évasion (capable d'astuces pour dénicher les cubes piégés), Leaven est une étudiante en maths de haut niveau (et peut déchiffrer les lois mathématiques du labyrinthe des cubes et s'y repérer), Kazan est un autiste qui a pour sa part le talent de pouvoir effectuer le calcul de complexes équations de tête (et complète ainsi le travail de Leaven). Outre le fait d'alimenter en souterrain le mystérieux fonctionnement du cube (ces individus ont visiblement été soigneusement choisis), cette idée de complémentarité du groupe met d'autant plus en avant le gâchis provoqué par le pourrissement psychologique de certains personnages. Car théoriquement, le groupe est parfaitement armé pour survivre au Cube.
Que ce soit donc clair, Vincenzo Natali n'a que faire de fomenter des histoires de complots extra-terrestres ou gouvernementaux pour justifier son film. CUBE n'est ni plus ni moins l'histoire d'un groupe de personnages ne pouvant s'empêcher de s'entretuer tandis que leur seul espoir de survie tenait dans leur collaboration. Natali met en scène la claustrophobie, l'incompréhension, la paranoïa, et surtout la peur de chacun vis-à-vis de ce lieu mortel dont ils ne comprennent pas les tenants et les aboutissants. On se croirait presque revenu au temps de la QUATRIEME DIMENSION de Rod Serling, ou chaque histoire fantastique était le sujet d'une petite fable sur la nature humaine.
CUBE est par conséquent un excellent film et, restera sans aucun doute dans le genre comme une date importante. Parfaitement écrit, bénéficiant d'un excellent sens du tempo (parfait équilibre entre scènes intenses plutôt gores et séquences narratives), et doté d'une interprétation solide, le film de Natali est une merveille de fantastique oppressant et adulte dont le regard sans concession sur la régression de nos comportements fait froid dans le dos. L'excellente réponse internationale à CUBE provoquera d'ailleurs la mise en chantier d'une suite concoctée par une équipe différente. Pourtant basée sur un concept mathématique intéressant (les personnages sont enfermés dans un cube à quatre dimensions, comme le conçoivent les théories de la physique quantique), cette séquelle est une véritable catastrophe. L'une des grossières erreurs étant de donner une explication au labyrinthe, démolissant ainsi l'étouffant mystère high-tech de Natali au profit d'une espèce de sous X-FILES désolant d'inspiration.
Déjà représenté par une édition Zone 2 «Collector», CUBE se voit aujourd'hui adjoindre une nouvelle édition encore plus «Collector» que la déjà «Collector» ! Les raisons officielles de cette réédition : de nouveaux mixages en 5.1 ainsi qu'un nouveau disque de bonus. On peut aussi imaginer que cette réédition prépare, d'une façon somme toute assez logique, le terrain pour CYPHER, le nouveau film de Natali bientôt en DVD, tout en coïncidant avec la sortie en salles de CUBE 2 (d'où une section consacrée à la séquelle dans le deuxième disque).
Mises à part les deux nouvelles pistes audio en 5.1 (bon renforcement des ambiances sans pour autant bouleverser les anciens mixages en Surround 2.0), le premier disque est identique à la première édition. La copie image du film n'a visiblement pas bougé, ce qui ne parait pas étonnant tant la qualité initiale se montrait parfaitement satisfaisante. De nombreux bonus sont au rendez-vous. L'excellent commentaire audio de Natali, aidé par David Hewlett (le comédien jouant Worth) et par André Bijelic (le co-scénariste) est notamment l'un des incontournables de la section. Très conviviale et rythmée, la parole ne faiblit pas une seconde entre le récit des premières versions de l'histoire (dont un CUBE typé carcéral), les trucs de tournage et les approfondissements de l'histoire (sans en dévoiler pourtant le mystère). Passionnant.
Autre excellent bonus de ce premier disque, le court-métrage ELEVATED que Natali a réalisé en guise de galop d'essai à CUBE. L'histoire montre trois personnages enfermés dans un ascenseur tandis qu'une étrange menace semble émerger de l'extérieur. On y retrouve une partie des mêmes ingrédients (entre claustrophobie et délire paranoïaque) pour une vingtaine de minutes haletantes. Un commentaire audio de Natali est là encore disponible, ce dernier explicitant les relations entre le court et CUBE tout en se remémorant les conditions de financement et de tournage du film.
Le disque propose toujours trois scènes coupées (dont une séquence intéressante montrant le groupe découvrant une pièce manquante), avec et sans commentaire de Natali, des dessins de productions, des story-boards (dont certains disponibles également en comparatif image avec le film fini), une interview du réalisateur tirée de l'excellente émission Rive Droite / Rive Gauche de la chaîne câblée Paris Premiere, et enfin un texte déroulant listant les différents prix remportés par CUBE dans les festivals où il fut présenté. En plus d'un lien internet vers le site de CUBE, le disque se voit ajouter soudainement deux autres liens vers CYPHER et CUBE 2. Le plan marketing est en route !
Nous voici enfin arrivés à ce second disque bonus, qui risque notamment de faire hésiter de nombreux fans du film quant au rachat de cette édition. Le matériel principal des nouveaux suppléments est un long entretien filmé de Natali, enregistré lors du passage du réalisateur à Paris pour la promotion de CYPHER. On retrouve donc ces images pour une longue discussion avec le metteur en scène (où ce dernier brossera toute sa carrière et ses influences sur près d'une heure), pour le décorticage d'une scène de CUBE avec le superviseur des effets spéciaux Bob Munroe (lorsque les personnages escaladent la face externe du Cube), ainsi que pour le reportage «Autour du film» (qui donne également la parole au chef opérateur, à la chef décoratrice et de nouveau à Munroe).
Espérez vraiment être un gros fan du film pour pouvoir vous goinfrer tout ça, l'avalanche d'informations ajoutées aux deux commentaires audios du premier disque risque de provoquer un gros embouteillage de redondances dans votre tête. Mais bon, "tant qu'il y a la quantité" semblent se dire certains éditeurs. Enfin, la filmographie de Natali, des bandes-annonces (CUBE, CYPHER, ainsi que les prochaines sorties de l'éditeur), et la fameuse section dédiée au calamiteux CUBE 2 (on y trouve un texte déroulant genre dossier de presse et une bande-annonce), achève cette édition «collector» jusqu'à l'écœurement.
Entre thriller paranoïaque et survival typé science-fiction, CUBE impose sa réussite via un concept malin poussé à son paroxysme par un refus total d'explicitations. Une date, n'en déplaise à ses détracteurs frustrés par le flou volontairement imposé par le film. Profitant d'une actualité favorable, cette nouvelle édition de CUBE tend à pousser au rachat les consommateurs avec deux discrètes pistes en 5.1 et une avalanche de nouveaux bonus qui, donnés en brut, souffrent parfois de conflit d'intérêt.