VAUDOU est un film peu connu. Pourtant, il nous apparait comme bien
plus abouti que LA FELINE.
Ce dernier étant devenu une reference incontournable au fil des ans.
Encore une fois, le fantastique n'est pas ici présenté de manière claire.
L'histoire joue donc sur un doute. Le personnage de Jessica est-elle
une morte-vivante ? Rien dans l'histoire ne viendra réellement répondre
à cette question jusqu'au dénouement tragique. Baignant dans un univers
où la superstition locale est omniprésente, tout ce qui arrive ne pourrait
être que le résultat d'une auto-suggestion collective. Ainsi, l'histoire
retournerait à un simple drame où amour, jalousie et histoires de famille
s'entrechoquent.
La force du récit est donc de jouer avec ce doute et d'amener un dépaysement certain dans une histoire universelle. Et à ce jeu-là, Jacques Tourneur est passé maître. Maniant l'image et les éclairages avec une grande précision. Affichant des ombres appuyées ou furtives plutôt qu'en montrant sans équivoque une réalité qui prive le spectateur de sa propre imagination, il instaure un climat étrange et inquiétant. Tout comme le personnage principal, l'infirmière, on découvre un monde déjà bien établi. Venu tout droit des Etats-Unis, le personnage se place comme le spectateur tel un candide. Chaque élément de puzzle qui constitue l'histoire se révèle de manière naturelle le long de son évolution au centre de son nouvel environnement. Les sentiments enfouis qui opposent les deux demi-frêres, la bourgeoisie du colonialisme et le vaudou.
Généralement, le vaudou est
présenté d'une manière péjorative au cinéma. Pourtant, dans ce film,
c'est un peu l'inverse. Aucun véritable jugement n'est porté à l'encontre
de cette religion. Elle n'est donc pas présentée comme un mal. Au pire,
certains personnages n'y voient qu'obscurantisme et s'en servent de
manière à manipuler (toujours dans le bon sens) ceux qui y croient.
Les esprits étroits verront pourtant d'un oeil inquiet ce qui se déroule
au lieu des cérémonies vaudou. Tout comme la présence de Carre Four
qui a tout du véritable zombie.
Parlons justement des zombies. A l'heure actuelle, l'évocation du mot "zombie" aura tôt fait d'amener l'image d'une créature assoiffée de sang (ou de cerveeeaaaaau !). Pourtant, l'origine du zombie est assez différente. Il s'agit bel et bien d'un mort ramené à la vie. Mais sous l'emprise d'une personne dont il devient le pantin ou l'outil. VAUDOU nous présente donc une vision assez proche des véritables croyances.
Parmi les neuf classiques de la RKO que les Editions Montparnasse ressortent prochainement, VAUDOU est le seul qui peut encore s'enorgueillir d'être véritablement inquiétant. La rencontre nocturne dans le moulin de Jessica, le chanteur à la taverne et, bien entendu, la promenade avec la présumée zombie (I Walked With A Zombie) au clair de lune. Autant de passage qui s'intègrent magnifiquement dans le reste du métrage qui n'est pas en reste. De la philosophie de Holland sur le bateau ou la fin du film qui s'achève en drame et "Happy End", VAUDOU est un film à redécouvrir.