1983. Jean-Marie Desprée est un homme brisé par le départ de sa femme. Il vit amer et reclus dans sa demeure, à la campagne, avec sa sœur et son chien. Quand une guerre commence, quelque part en Europe, ce médecin se retrouve dans un hôpital de campagne pour y soigner des soldats blessés. Au milieu de toutes ces horreurs, Desprée rencontre Harmony, une jeune infirmière trop sensible...
Quand on évoque la carrière d'Alain Delon, on pense plus spontanément à ses multiples interprétations de flics et de gangsters qu'au cinéma fantastique. Et il faut bien dire que ses apparitions dans ce domaine ont été fort rares. On peut pourtant citer son apparition dans le film à sketchs HISTOIRES EXTRAORDINAIRES de 1968, inspiré par les contes d'Edgar Poe, dans lequel il incarne le rôle-titre de l'épisode WILLIAM WILSON réalisé par Louis Malle : un homme y est harcelé par son double. On le retrouve aussi dans TRAITEMENT DE CHOC, thriller louchant vers l'horreur et l'anticipation, dans lequel Delon incarne un médecin utilisant des méthodes bien peu déontologiques pour rendre de la vigueur à ses riches patients. Dans LE PASSAGE de René Manzor, il interprète un réalisateur de dessins animés que la Mort en personne soumet à un odieux chantage.
LE TOUBIB se situe dans le domaine de l'anticipation. Tourné en 1979, avec de gros moyens et l'aide de l'Armée de Terre, il est supposé se dérouler dans un futur alors très proche : 1983. La réalisation est assurée par Pierre Granier-Deferre, avec lequel Delon avait déjà tourné LA VEUVE COUDERC d'après Simenon et le film politique LA RACE DES SEIGNEURS. Aux côtés du célèbre acteur français, on découvrait la jeune Véronique Jannot, pour son premier film au cinéma. On retrouvait le sympathique Bernard Giraudeau, alors en pleine ascension (la même année, il tournait ET LA TENDRESSE ?...BORDEL ! de Patrick Schulman...). On croise aussi des visages connus parmi les seconds rôles, tels Michel Auclair, Bernard Lecoq et même un Jean-Pierre Bacri encore chevelu.
En Europe, un conflit militaire éclate, apparemment entre des forces communistes et occidentales (d'après ce qu'on comprend d'un discours que tient à la cantine le chef de l'hôpital). Les causes de l'affrontement restent néanmoins délibérément assez floues et lointaines. Seule la situation, l'horreur quotidienne et répétitive des combats, importe. Dans cette guerre larvée, aucun des deux camps ne semble vouloir employer l'arme nucléaire, et le conflit se limite à des engagements terrestres.
LE TOUBIB se veut définitivement anti-guerre. Par certains points, il s'avère encore d'une actualité extrêmement brûlante. On y stigmatise l'usage d'armes qui, sous prétexte d'être de plus en plus élaborées, sont en fait de plus en plus barbares. Par exemple, les Sharks sont des espèces de mines qui, lorsqu'elles détectent la chaleur humaine, explosent et libèrent des centaines de petites lames de rasoir. D'autres spécialités atroces sont évoquées, tels les gaz de combat, ou les munitions empoisonnées. Cela n'est pas sans rappeler "l'inventivité" délirante dont font encore preuve les grands pays marchands d'armes (parmi lesquels la France ou les USA) pour créer des munitions toujours plus destructrices et impitoyables sur les champs de batailles.
LE TOUBIB insiste aussi sur l'horreur de la guerre au sens littéral du terme. Les blessés qui se succèdent sur la table d'opération de Desprée sont des grands brûlés, des hommes-troncs... Surtout, l'exploration d'une zone de combat dévastée nous révèle des cadavres carbonisés, dont certains, encore grimaçants de douleur, ont été soumis à de telles chaleurs qu'ils sont mêlés à l'acier fondu de leur véhicules. La visite d'un bunker révèle aussi les corps de soldats soumis à des traitements si atroces qu'ils ont été incrustés à même la pierre des murs (image que l'on retrouvera d'ailleurs dans LA FORTERESSE NOIRE de Michael Mann). LE TOUBIB s'oppose ainsi aux images assez clean de ces "guerres sans cadavres" véhiculées, par exemple, pour la récente guerre d'Irak, par des médias audiovisuels dont les sources d'images sont contrôlées par les belligérants, et qui se retrouvent ainsi réduits à de simples relais de propagande.
LE TOUBIB, c'est aussi un film d'amour entre un homme blessé et aigri, et une jeune femme pleine de sensibilité et d'idéalisme. Et là, il faut avouer que le résultat est moins probant. La faute d'abord à une interprétation un peu incertaine. On a vu Delon meilleur acteur que dans ce film, où il semble un peu trop appuyer son personnage d'homme déboussolé, jusqu'à atteindre parfois le ridicule (les couplets émus sur son chien par exemple). Véronique Jannot a la fraîcheur de son personnage, mais son jeu est tout de même assez quelconque. Qui plus est, le scénario semble resservir de nombreux clichés rabattus issus de roman-photos. A vous de voir si vous vous sentez d'humeur suffisamment romantique pour les avaler tels quels...
Ce DVD propose l'image dans son format d'origine 1.66. La copie est en excellent état, et le transfert fait preuve, dans certaines scènes de jour, d'un superbe rendu des lumières et des couleurs. Pourtant, ce DVD n'en fait pas trop et restitue avec fidélité la photographie originale, globalement plutôt terne. Les rares et minuscules tâches blanches ne sont à signaler qu'à titre anecdotique tant elles sont peu gênantes. La définition est superbe. On regrette juste une très légère impression de fourmillement et un grain cinéma assez présent dans les scènes nocturnes (rendu néanmoins de façon assez naturelle). Du très bon travail. La bande-son est proposée dans un remix 5.1 de bonne facture.
Par contre, on regrette une interactivité assez limitée. On ne trouve qu'une série de treize bandes-annonces des films de Delon sortis ou à paraître en DVD. Ce bonus est commun à tous les DVD de cette collection. De qualité technique inégale, elles sont placées à la queue leu-leu durant 27 minutes. On aurait au moins aimé avoir un menu permettant d'accéder à la bande-annonce de son choix... Seules celles du TOUBIB et du PASSAGE concernent spécifiquement la thématique de DeVil Dead.
De facture assez classique, LE TOUBIB se veut un film d'anticipation à grand spectacle, ce qui est suffisamment rare dans le cinéma français pour être remarqué. De plus, sa description de l'horreur des champs de bataille modernes est assez intéressante. On peut pourtant être plus réservé quant à la romance un peu trop mélo qui occupe la plus grande part du métrage. On regrette aussi la quasi-absence de bonus sur ce DVD, alors que le son et l'image ont été traités, eux, de façon tout à fait correcte.