Le réalisateur Viktor Taransky a commencé dans le milieu du cinéma d'auteur, puis a poursuivi sa carrière à Hollywood. Désormais, il est en déclin, ne supportant plus les caprices des stars et ses films ne faisant pas d'argent. Allergique aux compromis artistiques, il ne parvient pas à se glisser dans le moule du bon "director" de studio. Pourtant, un jour, un mystérieux informaticien lui remet un étrange programme, appelé "Simulation One". Il s'agit en fait d'une actrice virtuelle, Simone, dont la personnalité et l'aspect sont la synthèse de plusieurs célébrités (Greta Garbo, Lauren Bacall, Audrey Hepburn... Ernest Borgnine !). Grâce à une série de subterfuges, Viktor parvient à conserver secrète la nature virtuelle de sa nouvelle actrice. Les nouveaux films de Taransky sont des succès et Simone, que tout le monde prend pour une véritable actrice, devient une star internationale...
Le perfectionnement sensible des images de synthèse et des techniques d'incrustation a entraîné, dans le monde du cinéma, de nombreuses interrogations, notamment sur la place des acteurs. Ainsi, une publicité se permettait de réunir à l'écran Marylin Monroe et Humphrey Bogart. Dans FORREST GUMP de Robert Zemeckis, Tom Hanks discute avec John Lennon ou serre la main de John Kennedy... On en vient à se demander si on ne pourrait pas, à l'aide de ces nouvelles techniques, relancer les carrières de comédiens décédés : ainsi les rumeurs de nouveaux films mettant en scène Bruce Lee circulent régulièrement. Après le temps des pionniers (TRON, bien sûr, mais surtout, TERMINATOR 2 et JURASSIC PARK), la machine s'emballe au cours de ces dernières années. Le nombre de figurants se voit multiplié à volonté dans des films comme GLADIATOR, L'ATTAQUE DES CLONES ou LE RETOUR DE LA MOMIE, tandis que l'emploi, plus ou moins perceptible, de cascadeurs virtuels se généralise (SPIDER MAN, BLADE II, DAREDEVIL, MATRIX RELOADED...).
SIMONE envisage l'étape suivante, qui, à bien y regarder, ne semble pas si lointaine : la conception de comédiens crédibles entièrement virtuels, créés de toutes pièces par des programmeurs. Certes, la prouesse du "photo-réalisme" promise, par exemple, par l'équipe de FINAL FANTASY, n'a pas encore été réalisée. Pourtant, il est certain que dans quelques années, on finira bien par y arriver. L'évidence voudrait qu'une telle Star virtuelle apparaisse dans le cadre des grands studios. Andrew Niccol (scénariste de THE TRUMAN SHOW et réalisateur de BIENVENUE A GATTACA) se montre malicieux en plaçant cet outil dans les mains d'un auteur contrarié et malheureux à Hollywood : Viktor Taransky (Viktor pour le célèbre personnage Viktor Frankenstein, qu'on ne présente plus aux lecteurs de Devil Dead ; Taransky étant la contraction des noms des réalisateur Quentin Tarantino et Andrei Tarkovski). Celui-ci va alors entièrement mettre cet outil au service de son oeuvre, et garder soigneusement le secret de sa véritable nature. Il va tirer les ficelles de tout un jeu de dupes, en bernant ses producteurs, les médias, et même le public qui va faire de l'inaccessible Simone une star immense. Pourtant, Viktor va rapidement se trouver piégé par sa propre création et ses mensonges.
Déjà, dans THE TRUMAN SHOW, Niccol proposait une critique du divertissement audiovisuel américain, ainsi que de la célébrité, de son coût et de son commerce. C'est à nouveau ces sujets qui sont abordés ici, bien que transposés essentiellement (mais pas seulement) dans l'univers du cinéma. Niccol se prête alors à une satire pince-sans-rire de Hollywood, des comportements des acteurs, de la presse, du public ou du réalisateur lui-même lors de la naissance d'une Star. Simone est une vedette rendue d'autant plus admirable qu'elle est totalement inaccessible. Toujours élégante, gaie et charmante, elle semble évoluer dans un monde de rêves, coupé de la réalité, comme les vedettes de l'âge d'or d'Hollywood, au temps où cette colline était un Olympe mythique peuplé par Greta Garbo, Douglas Fairbanks, Clark Gable ou Marlene Dietrich.
Niccol pousse alors la stylisation de son cinéma en créant un univers abstrait, difficile à situer chronologiquement, mêlant un futurisme technologique et une esthétique rétro, comme pour BIENVENUE A GATTACA. Son Hollywood semble encore celui des années 1940-1950, et, son récit, se référant à la légende de Pygmalion, renvoie parfois à une célèbre illustration hollywoodienne de ce mythe : UNE ÉTOILE EST NÉE, version 1954. Ainsi, la villa qu'habite ici Al Pacino peut rappeler celle de James Mason dans ce célèbre film de George Cukor. L'emploi de filtres colorés donne aux images des dominantes très fortes, qui, bien souvent, donnent à SIMONE le cachet élégant et distant d'un film en noir en blanc.
Pourtant, à force de cultiver un ton en demi-teinte et un humour léger, SIMONE manque un peu de poids et de mordant. Souffrant d'une absence de rebondissements significatifs, le film suit son cours de façon assez prévisible, sans être vraiment emballant. La réalisation est discrète et fine, mais elle manque tout de même de tonus et de personnalité. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une comédie agréable, portée par une interprétation sympathique, et dont le contenu satirique, même s'il aurait pu être plus appuyé, fait assez souvent mouche.
L'image de ce DVD est d'excellente qualité et appelle vraiment peu de commentaires. A part quelques broutilles (quelques rares arrière-plans ou scènes de nuit légèrement fourmillants), c'est vraiment un sans-faute. Le son est proposé en VF (Dolby Digital 5.1 classique) et VO (Dolby Digital 5.1 EX). On regrette au passage que la piste DTS anglaise, présente sur l'édition américaine, ne soit pas proposée en France. Cela est d'autant moins explicable que les deux éditions proposent à peu près les mêmes bonus...
En bonus, justement, on trouve d'abord deux featurettes, moyennement consistantes, d'environ sept minutes chacune : la première est dédiée au film lui-même, la seconde à ses effets spéciaux. On trouve aussi un Teaser et la bande-annonce cinéma du film. Le seul bonus vraiment copieux est en fait une vaste sélection de scènes coupées et alternatives, l'ensemble durant vingt-deux minutes. On y trouve l'intégralité des scènes de cinéma interprétées par Simone (y compris le très pasolinien "Je suis une truie" !), ainsi que des séquences coupées, en général pas très intéressantes, avec notamment de nombreux détails cocasses sur les journalistes. Pas vraiment un supplément mais une autre séquence se camoufle non pas sur l'interactivité du DVD mais à l'issue du générique de fin ! Comme on le voit, la moisson de suppléments peut sembler un peu maigre... Enfin, on trouve une sélection de bande-annonces d'autres films distribués par "Metropolitan", dont LES DEUX TOURS, SCARY SCREAM MOVIE et GOLDMEMBER.
Ambitieux et impertinent, SIMONE est une comédie sympathique et agréablement satirique. Dommage que l'ensemble manque tout de même un peu de pèche, aussi bien au niveau de la réalisation que du récit.
