REQUIEM est encore une production Bee Movies, filiale créée par la compagnie française Fidélité Productions afin de mettre sur le marché des films de genre français. Fidélité persévère donc dans cette voie et sort cette oeuvre après UN JEU D'ENFANTS et BLOODY MALLORY. Toutefois, REQUIEM ne fait pratiquement pas appel au fantastique. Il s'agit avant tout d'un thriller, baignant dans l'atmosphère indéniablement gothique d'un monastère médiéval.
Ce film est réalisé par Hervé Renoh qui, contrairement à la plupart des réalisateurs des oeuvres citées ci-dessus, peut se prévaloir d'un Curriculum Vite bien rempli. Il collabore déjà aux AMANTS DU PONT NEUF de Leos Carax, en 1991, et travaille ensuite comme assistant-réalisateur, réalisateur de seconde équipe, tourne des vidéos et des publicités, avant de réaliser lui-même un court-métrage. Il bénéficie donc d'une solide expérience lorsqu'il convainc Fidélité de financer la réalisation de son scénario REQUIEM. Cela se fera dans les habituelles conditions économiques des Bee Movies : petit budget de 9 millions de Francs, 30 jours de tournage seulement...
Ce qui frappe en premier, c'est assurément la qualité technique de REQUIEM, aussi bien au niveau de la réalisation (variée et dynamique), que des éclairages (toujours très soignés) ou du montage (nerveux et fluide). On trouve ici un niveau de professionnalisme absent des productions "de genre" financées par Fidélité jusqu'ici. Renoh semble avoir évité les écueils qui ont fait du tort aux autres réalisateurs : absence de scénario pour PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS ; réalisation fade pour UN JEU D'ENFANTS ; ambitions disproportionnées par rapport au budget pour BLOODY MALLORY ; intentions incertaines et démagogie maladroite pour SAMOURAÏS. Le jeune réalisateur croit en son film et en l'histoire qu'il raconte, et cela se sent. On n'a donc jamais l'impression d'avoir affaire à du cinéma au rabais.
Cela est encore renforcé par un casting varié et très compétent. On y retrouve des figures connues du cinéma français, comme Marc Chapiteau (second rôle chez Téchiné, Sautet, Corneau...) ou Jacques Seiler (notamment vu dans des films d'aventures tournés par Bernard Borderie ou André Hunebelle au début des années 1960). On reconnaît aussi des visages associés à des films plus récents, comme Moussa Maaskri (assistant de VIDOCQ dans le film du même nom) ou Jo Prestia (FEMME FATALE de De Palma...).
C'est dans la première demi-heure de REQUIEM que s'illustrent le mieux les qualités de ce film. La narration, élaborée, mêlant plusieurs lieux et plusieurs époques, progresse habilement, sur un bon tempo, et parvient à donner une impression de diversité et de mouvement notamment grâce à la fluidité de sa réalisation. Certes, le film ne manque pas de défauts. Une fois que le huis-clos dans le monastère commence, la tension a du mal à se maintenir. L'abus d'ironie et de "bons mots" à la Audiard brise maladroitement la tension. Certains dialogues trop écrits sombrent parfois dans le ridicule, désamorçant immanquablement des scènes qui se voudraient traumatisantes (lorsque Marcus lache un "Ne m'appelle pas ton fils car tu n'es pas mon père !" au supérieur du monastère, par exemple). La gratuité déplacée de certaines scènes violentes (le meurtre du jeune moine) et la caractérisation parfois trop caricaturale des protagonsites peinent à relancer l'action qui stagne un bon moment. Heureusement, le dernier quart d'heure nous propose un dénouement, certes prévisible, mais néanmoins très efficace, porté par l'énergie des interprètes et de la réalisation.
REQUIEM est proposé dans son format 1.85 d'origine. Toutefois, la qualité d'image est un peu décevante. Les noirs manquent souvent de profondeur, tirant souvent sur le vert ou le jaune. Ce film jouant souvent sur le clair-obscur, ce défaut est assez ennuyeux. Dans le même style, les scènes brumeuses et enfumées posent des problèmes de compression parfois visibles. A côté de cela, la définition et la luminosité sont tout de même de bonne tenue. Le soin manifeste porté à l'éclairage de ce film aurait quand même mérité un traitement plus soigné.
La bande-son est proposée, de son côté, en français, dans un Dolby Digital 5.1 de bonne facture, sans aucun sous-titrage. Dommage pour les spectateurs malentendants...
Dans la section bonus, on trouvera d'abord la bande-annonce de REQUIEM, ainsi que celles des autres Bee Movies BLOODY MALLORY et UN JEU D'ENFANTS. Plus intéressant, on trouve un commentaire audio du réalisateur Hervé Renoh et de ses deux acteurs principaux : Patrick Dell'Isola et Moussa Maaskri. Ce commentaire sympathique donne quelques informations sur le tournage et la production du film, mais se contente, la plupart du temps, d'analyser la mise en scène et l'interprétation. Enfin, on trouve un making of de vingt minutes : malgré une certaine volonté didactique (la présentation des séquences par Renoh), l'ensemble n'est pas très informatif, ni très construit. On trouve néanmoins, dans les dix dernières minutes de ce document, une intéressante série de scènes coupées correspondant à une sous-intrigue retirée au montage.
REQUIEM n'est certes pas un film parfait, et l'on regrette un peu qu'il ne parvienne pas toujours à maintenir un niveau de tension suffisant. Pourtant, il prouve que, même avec un budget limité et dans des conditions de tournage difficiles, il est possible, en France, de proposer un thriller artistiquement viable. Il mérite donc largement le coup d'oeil...