Un serial killer (Cameron Mitchell), équipé d'une exhaustive boite à outils, enchaîne les meurtres sauvages. S'immisçant dans l'appartement de jeunes et jolies femmes, le tueur met à profit ses talents de bricoleur dans des carnages à la perceuse ou au tournevis, jusqu'au jour où il décide d'épargner l'une de ses victimes en vue de la séquestrer à son domicile. Tandis que la police piétine, le frère de la disparue va mener sa propre enquête.
Tronçonneuse, débroussailleuse, four à micro ondes, couteau à huîtres électrique… Le cinéma d'exploitation s'est toujours montré très concerné quant à l'utilisation des objets du quotidien en vue de les rendre plus menaçants qu'ils n'y paraissent. Sponsorisé par Castorama, voici que nous arrive le Monsieur Bricolage du gore, l'homme qui réduit en charpie de pauvres innocentes comme il monte des étagères Ikea : quatre coups de marteau, deux tours de perceuse, le tout bâché en quelques minutes ! Réalisé dans la fin des années 70 par Dennis Donnelly (un réalisateur télé à qui l'on doit des épisodes de DROLES DE DAMES, DALLAS, L'AGENCE TOUS RISQUES…), THE TOOLBOX MURDERS est comme de bien entendu un autre titre de l'éditeur fou Blue Underground. Si la récente (re)découverte de THE PROWLER nous avait paru un peu laborieuse, autant se montrer clair de suite : THE TOOLBOX MURDERS est une excellente surprise !
THE TOOLBOX MURDERS est au départ un pur produit commercial visant à profiter de l'aura du traumatisant MASSACRE A LA TRONCONNEUSE. Le film de Hooper avait prouvé au monde du cinéma que l'on pouvait frapper fort avec très peu d'argent en poche, à condition de trouver un excellent concept, soit ici la dérogation barbare d'un outil banalisé sur fond de fait divers. Nous retrouvons donc dans le film de Donnelly une inspiration réelle (dont la véracité reste tout du moins à vérifier) ainsi que l'argument choc de l'instrument meurtrier (ici repris jusque dans le titre, à l'image de MASSACRE). Mais au lieu de se borner à une pâle photocopie de l'influence en vogue, THE TOOLBOX MURDERS va se démarquer du slasher ou du survival pour flirter efficacement avec une espèce d'horreur urbaine plutôt ténue.
En adoptant une structure narrative inhabituelle (le film s'ouvre sur vingt minutes de tuerie quasi non-stop avant que ne débutent les véritables enjeux de l'histoire), THE TOOLBOX MURDERS provoque immédiatement un sentiment de malaise. Non seulement les meurtres sont formidablement réalisés (avec une brillante dichromie entre sadisme ultra graphique et bande sonore composée de chansons guillerettes), mais cette volonté de compresser toutes les séquences gores au début a pour effet de littéralement rendre le spectateur k.o. pour mieux lui asséner le portrait bien branque de son tueur fou. Car le véritable sujet de THE TOOLBOX MURDERS est bien là : c'est la description d'une folie à la fois monstrueuse et pathétique, avec ses évidentes contradictions et ses malheureuses raisons.
Loin du manichéisme primaire des films du genre, THE TOOLBOX MURDERS se démarque donc aussitôt via cette volonté adulte de raconter son histoire de serial killer. Pour interpréter ce rôle à double tranchant, nous retrouvons cette vieille trogne de Cameron Mitchell. Débutant sa carrière dans le milieu des années 40, Mitchell est le type même du comédien ayant alterné avec un bonheur inégal grands films hollywoodiens et bisseries fortes en bouche. Acteur de premier plan dans les années 50, Mitchell joue entre autres sous la direction de John Ford, Raoul Walsh, Samuel Fuller (et plus tard de Mario Bava)... Il joue également aux côtés de Marilyn Monroe dans COMMENT EPOUSER UN MILLIONNAIRE de Jean Negulesco. Et pourtant, l'homme est également à l'affiche d'une flopée de films "autres", comme du Viking italien, de la science fiction fauchée, du slasher vaseux ainsi que de l'actionner du pauvre matiné d'arts martiaux Vandammesques.
Devenu par la force des choses une icône bis, Cameron Mitchell est "la star" de THE TOOLBOX MURDERS. Visiblement peu cynique, le comédien se fend d'une performance très honorable car à mille lieues du cabotinage en règle que semble imposer ce genre d'interprétation. Mitchell appuie le pathétisme de son personnage avec une subtilité pas toujours très fine (voir le long monologue dit "de la sucette") mais au final suffisamment efficace pour que l'on puisse y croire. C'est tout à l'honneur de THE TOOLBOX MURDERS, qui se révèle donc plus intéressant que le limité concept de tueur à la perceuse promis par l'affiche. Et si le film se montre un peu plus tâtonnant quant à l'enquête parallèle du jeune frère recherchant sa sœur, ou alors lorsque l'histoire tente un audacieux twist final, ce petit film oublié est une redécouverte hautement recommandée pourvu que l'on apprécie un tant soi peu l'horreur à vocation réaliste (ou le bricolage !).
Qui dit Blue Underground, dit éditions top impeccables ! Non seulement le disque de THE TOOLBOX MURDERS ne va pas contredire ce nouveau proverbe, mais il va en plus renforcer la réputation sans faille de l'éditeur. Car la restauration du film atteint ici des sommets. On a du mal à admettre, en visionnant la copie, qu'il s'agit d'une petite péloche d'exploitation vieille de 25 ans ! L'image est tout bonnement superbe, et seul Steve Austin et ses yeux bioniques pourra y déceler quelques micro poussières de pellicule. Sans surprise, le son est un mono clair et assez dynamique.
Le niveau éditorial des bonus est comme toujours poussé au maximum. Le film bénéficie bien entendu d'un commentaire audio. Si le réalisateur n'est pas de la partie, l'exposé réunit le producteur Tony DiDio, l'actrice Pamelyn Ferdin (qui joue la jeune fille kidnappée), et le directeur de la photographie Gary Graver (à noter que ce dernier mène en parallèle une carrière de réalisateur de films canailloux sous le pseudonyme de Robert Mc Callum). En lieu et place d'une analyse, nous avons ici droit à une plaisante discussion où chacun revient abondamment sur l'étonnante bonne humeur sur le plateau lors du tournage. La généreuse personnalité de Cameron Mitchell sert de fil rouge à cet agréable bavardage, pourvu que l'on arrive néanmoins à supporter la voix de bécasse de Pamelyn Ferdin !
Une featurette de huit minutes donne la parole à Marianne Walter (alias Kelly Nichols, devenue depuis actrice porno, décidemment !). Pourquoi ce sujet sur cette comédienne qui ne doit apparaître qu'une poignée de minutes dans le film ? Tout simplement parce que sa scène est la plus forte du film. On y voit la femme (nue !) se faire agresser à son domicile par le tueur armé d'un pistolet à clous. Le sadisme de cette séquence, allié à un érotisme branque (le meurtrier cèdera t'il à la pulsion de viol ?) en a fait s'esclaffer plus d'un, dont Stephen King qui déclara à l'époque qu'il s'agissait de la meilleure séquence de meurtre qu'il ait jamais vue (dans un slasher). L'actrice revient avec beaucoup d'humour sur sa performance, qui lui offrira même une place de choix sur le poster du film. Un très bon moment qui permet de prolonger le plaisir de cette excellente scène.
Toujours exhaustif, Blue Underground achève sa section avec des bonus plus habituels mais non moins fournis. L'éditeur propose la sempiternelle bande annonce cinéma, mais aussi des spots télé et radio. La très copieuse section de photos promotionnelles est toujours au rendez-vous, et l'éditeur a eu l'initiative de proposer une biographie de Cameron Mitchell. Loin de se borner à quelques phrases précédant une filmographie sélective, le texte brosse toute la carrière de Mitchell avec informations et respect. Un bonus écrit éclairant et donc bienvenu.
Petite bobine d'exploitation d'obscure mémoire, THE TOOLBOX MURDERS n'en est pas moins une très bonne surprise. Grâce à son ton adulte, sa mise en scène maîtrisée, un Cameron Mitchell convaincant et digne (malgré son statut d'ancienne gloire tombée dans les abysses de la série B), et surtout grâce à son impressionnant enchaînement de séquences meurtrières plutôt corsées, la copie excellemment restaurée de ce titre est recommandée chaudement à tous les nostalgiques du genre.