Un petit bateau, alors en croisière au large de la Floride, percute
un gigantesque cargo fantôme. Forcé d'abandonner son navire,
l'équipage se réfugie sur une île hébergeant
une armée de zombies ultra vindicatifs, soit des soldats allemands
transformés en morts-vivants fous furieux depuis d'obscures expérimentations
nazies durant la seconde guerre mondiale.
SHOCK WAVES fait surtout l'événement parce que son édition DVD a fait partie de la première vague de sorties d'un tout nouvel éditeur : Blue Underground. Spécialisée dans le Bis, au sens noble du terme, cette nouvelle boîte va s'ingénier à sortir de l'ombre des tonnes de films oubliés ou invisibles pour le plus grand plaisir du cinéphile alternatif. Un dernier point, et le plus important, Blue Underground n'est ni plus ni moins que la propre société d'édition DVD de Bill Lustig. Réalisateur spécialiste de l'urbain crapoteux des années 80 (MANIAC, VIGILANTE, la série des MANIAC COP) le bonhomme a depuis quitté les plateaux de cinéma pour se consacrer corps et âme à la galette numérique que nous chérissons en ces pages. En free-lance, Lustig avait déjà bossé d'arrache pied avec Anchor Bay et Elite pour des éditions prestigieuses qui ont fait la joie des fous de séries B.
SHOCK WAVES (LE COMMANDO DES MORTS-VIVANTS chez nous) est un passable petit film de zombies, pur produit à budget minuscule de la fin des années 70. Si le métrage est aujourd'hui édité en lancement par Blue Underground, ce n'est donc pas pour réhabiliter les qualités du film (il n'en a pas beaucoup), mais tout simplement parce que ce dernier reste malgré tout un titre qui a trouvé une florissante carrière à l'époque de la VHS (grâce à sa jaquette hyper prometteuse) et qui est resté depuis totalement invisible. Le négatif du film ayant totalement disparu, il ne restait absolument aucun moyen de revoir SHOCK WAVES en dehors de vieilles cassettes vidéos vieilles de vingt ans. Contre toute attente, Blue Underground va déterrer une copie oubliée du film, la restaurer pour enfin redistribuer le métrage sous son meilleur jour. Autant d'honneurs fait peine à croire !
SHOCK WAVES est le premier film d'un certain Ken Wiederhorn qui connaîtra plus tard une confidentielle heure de gloire avec le daté et raté RETOUR DES MORTS-VIVANTS 2, pour s'effacer ensuite dans l'indifférence générale. Très inexpérimenté sur le plateau, et peu connaisseur du genre, Wiederhorn ne va franchement pas transcender la poignée de dollars de son petit budget tout en s'assurant d'un résultat final très correct. En défaveur du film, on note notamment un gros, très gros problème de rythme mettant très vite en évidence l'anémie des trois lignes et demie du scénario. En effet, plus de la moitié du film est consacrée à "la montée du suspens", c'est-à-dire à une interminable enfilade de dialogues mollassons !
C'est la paupière très lourde que le spectateur attaquera enfin la dernière partie du film qui sert de survival plutôt rondement mené. L'image (abusivement) récurrente des zombies s'extirpant de l'eau fonctionne à merveille, d'autant plus qu'elle nous change du cliché du mort sortant de terre. Le sous-genre "zombie" a donc été (presque) repensé, à commencer par le look des monstres en uniformes nazis et lunettes de soudeur ! Autre bon point, les morts-vivants sont ici super nerveux ce qui donne une orientation complètement différente aux scènes de sièges et de poursuites. La lumière crue du film, associée à la musique synthétique et minimaliste de Richard Einhorn (on lui doit le score de THE PROWLER, autre série B éditée chez Blue Underground ) concourt très vite à installer lors des séquences chocs une ambiance poisseuse ultra efficace malgré une absence totale de gore (sûrement par économie d'effets spéciaux).
Outre les monstres, l'autre
curiosité de cette bobine reste son casting aux forceps. Série
B limite Z soucieuse d'attirer l'attention du chaland, le budget rachitique
de SHOCK WAVES se paye néanmoins le luxe de deux stars
histoire de mettre du nom connu sur sa jaquette. Le bénévolat
ayant ses limites, les deux stars en question ne sont ici qu'un prétexte
et assurent une performance à la hauteur de leur cachet, c'est-à-dire
minimale. En capitaine de bateau, nous retrouvons donc cette vieille
trogne de John Carradine.
Torturé par l'arthrite, le bougre marmonne péniblement
ses dialogues et attend que ça se passe en prenant divers calmants.
A noter que sa diction est plus ou moins aléatoire selon les
scènes, ce qui nous permet de reconstituer très précisément
le planning de tournage en fonction des doses de plus en plus massives
d'antalgique ou d'alcool qu'il pouvait ingérer. Bien entendu,
sa présence ne sert pas à grand chose, et c'est dans l'indifférence
générale que son personnage disparaît dans la nature.
Un peu plus digne que John Carradine, Peter Cushing interprète le scientifique allemand responsable des expériences nazis qui ont donné naissance à l'élite zombiesque. Affublé d'une balafre généreuse et d'un accent germanique laissé à l'appréciation de chacun, Cushing cachetonne ses deux scènes et demie dans la plus pure tradition des films de savants agités de la carafe. Le cliché veut que le personnage se fende d'une tirade mégalomaniaque sur son horrible création avant que le héros ne le pointe du doigt en décrétant : "Mais vous êtes fou !". En bon professionnel, Cushing s'exécutera avant de périr (comme de bien entendu) des mains de son abomination. A noter que les scènes avec le comédien ont visiblement été condensées en une ou deux journées isolées du planning des autres comédiens histoire de rentabiliser au maximum la présence de la star. La plupart du temps, Cushing est filmé indépendamment récitant ses dialogues, puis inséré dans la scène avec le reste des acteurs via "la magie" du montage. Une méthode qui ne berne plus grand monde de nos jours ! Heureusement, la délicieuse Brooke Adams (DEAD ZONE, L'INVASION DES PROFANATEURS...) vient sauver de son honorable présence l'interprétation inégale de ce petit film, qui n'a finalement de prétention que celle de se laisser voir.
Il faut reconnaître que Blue Underground fait avec cette édition un excellent boulot, même si quelques points se doivent d'être précisés. En effet, SHOCK WAVES ayant été tourné en 16mm afin d'être ensuite gonflé en 35mm, l'image souffre d'un grain visible et abondant. De plus, la copie possède un défaut de colorimétrie qui fait varier légèrement l'image d'une teinte rouge à verte, et ce en permanence. Ces défauts, sans être trop gênants quant à la nature du film, ne doivent à aucun moment occulter le fait que l'éditeur a accompli un gros travail. On rappelle que le négatif du film était perdu et que c'est en restaurant une copie de fortune que SHOCK WAVES peut enfin remontrer le bout de son nez. De plus, l'image présente est anamorphosée à la satisfaction des possesseurs d'écrans 16/9 alors que l'image originale était composée sous le ratio 4/3. Une initiative qui risque de laisser sur les fesses les connaisseurs du film en VHS. Niveau son, pas de remix intempestif mais un mono efficace et clair, tout simplement idéal.
Question bonus, là aussi l'éditeur marque le coup, à commencer par récupérer toute la matière existante autour du film. Nous trouverons donc la bande-annonce originale, un spot TV et deux spots radio (mais où sont-ils allés chercher ça ?). Une copieuse galerie d'images fixes nous proposera également différents posters, documents d'archives, dessins préparatoires et photos de tournage (photos prises par un Fred Olen Ray alors débutant dans l'univers du cinéma indépendant).
Pour les bonus fabriqués spécialement pour cette édition, nous trouvons une interview avec Luke Halpin, comédien révélé par la série télé Flipper Le Dauphin et vague premier rôle masculin de SHOCK WAVES. Un entretien pertinent où l'acteur se montre peu avare en anecdotes. Mais pour en savoir vraiment plus, le commentaire audio de Ken Wiederhorn, Alan Ormsby (responsable des maquillages) et Fred Olen Ray va s'assurer de lever le moindre bout de voile sur le film. Concentrant leurs paroles sur le tournage et non sur une pseudo analyse pesante de leur série B, le commentaire se montre très vite convivial et retiendra l'attention sans effort.
Petite bobine gentiment horrifique de la fin des années 70, SHOCK WAVES ne doit sa résurrection en DVD qu'à son statut d'ancienne gloire de la location VHS depuis tombée dans une relative invisibilité. La nouvelle société Blue Underground, chapeautée par Bill Lustig, se fend d'un petit tour de force en redonnant naissance à ce film via cette édition classieuse compte tenu du contexte. A réserver néanmoins aux fanas de cinéma Bis, sous peine de s'ennuyer gentiment.