En pleine folie meurtrière, un gang décime au hasard ce
qui passe sous le canon de ses armes. Pour venger la mort de sa petite
fille fauchée de plein fouet par une balle, Lawson (Martin West)
tue à son tour l'un des membres du gang avant de se réfugier,
hagard et traumatisé, dans un commissariat en cours de désaffectation
hébergeant pour l'occasion des prisonniers en transit. Pour venger
à leur tour leur frère d'armes, le gang encercle le commissariat
telle une armée, obligeant policiers comme détenus à
coopérer pour optimiser leurs chances de survie.
ASSAUT est avant tout connu pour être le premier film de John Carpenter, ou tout du moins le véritable premier film du cinéaste en dehors des frontières de la fac de cinéma où ce dernier a traîné ses guêtres. Parmi ses coups d'éclats, Carpenter avait bossé en tant que co-scénariste, monteur et compositeur sur le court THE RESURRECTION OF BILLY BRONCO de James Rokos, court qui recevra l'Oscar en 1970. Cette glorieuse expérience donnera l'impulsion à Carpenter ainsi qu'une poignée de copains de classe (dont Dan O'Bannon, futur scénariste d'ALIEN) de monter DARK STAR, film de fin d'études transformé en long-métrage, suite à l'ajout à l'arrachée de quelques scènes supplémentaires, afin d'atteindre une durée réglementaire. Mais si DARK STAR est officiellement le premier long-métrage de Carpenter, ce film est avant tout un exercice plus qu'une véritable uvre, cette expérience ayant tout d'abord servi à forger le caractère ultra combatif du cinéaste (Carpenter dut fermement batailler avec son école pour récupérer les droits de DARK STAR en vue d'une exploitation en salle, le fin mot de l'histoire restant à ce jour encore un peu flou).
Le très modeste retentissement de DARK STAR oblige cependant Carpenter à gagner sa vie en tant que scénariste faute de proposition de réalisation. C'est en vendant le script de EYES à Barbra Streisand (qui deviendra plus tard LES YEUX DE LAURA MARS sous l'interprétation de Faye Dunaway), que Carpenter attire à nouveau le regard des producteurs. Parmi ces derniers, Joseph Kaufman et J. Stein Kaplan (déjà producteur associé sur DARK STAR) propose au jeune homme la réalisation de deux films à petit budget. Désireux de rendre hommage à son maître Howard Hawks, Carpenter ambitionne quant à lui tourner rien de moins qu'une suite à RIO BRAVO. Se rendant vite compte que l'idée de réaliser un western est financièrement impossible, les forces en présence accouchent d'un compromis : Carpenter transposera son hommage à notre époque par mesure d'économie tandis que les producteurs rassembleront la totalité de l'argent prévu pour les deux films sur cette seule production.
ASSAUT, tel que nous le percevons aujourd'hui, fait figure de note d'intention en vue de la future longue carrière du cinéaste. Car avec ce film, Carpenter nous énonce très clairement son souhait de cinéma en passant concrètement à la réalisation : le metteur en scène veut s'ancrer très profondément dans un courant de représentation ultra cinématographique et foncièrement classique. En clair, Carpenter ne désire pas jouer une seule seconde la carte du réalisme (courant qui sera néanmoins majoritairement adopté dans le cinéma de genre jusqu'à la découverte des pirouettes Hong-Kongaises), mais bel et bien la carte de la sublimation. Dans ASSAUT, chaque action s'effectue dans un périmètre spatial et dramatique très précis, chaque réplique du film claque comme un slogan définitif et surtout, chaque personnage incarne une véritable icône dont la noblesse en ressortira grandie par le siège du commissariat.
De cette manière, Carpenter brosse avec ce film et le personnage de Napoléon Wilson (Darwin Joston) le véritable portrait robot du héros typique de ses futurs films. Bad guy au passé uniquement suggéré (il est en passe de griller sur la chaise électrique sans que l'on sache pourquoi), Wilson est néanmoins capable de défendre bec et ongle une cause qu'il trouve juste, même si cette même cause l'amène à certains paradoxes (il fera alliance avec les forces de l'ordre qui l'ont condamné à mort). De ce personnage, alter ego fantasmé auto-proclamé par le cinéaste, découlera bien entendu les Jack Crow, Desolation Williams et surtout Snake Plisken qui inspireront les esprits pour les années à venir (pour exemple, voir comment le japonais Hideo Kojima met en scène de manière à peine déguisée le personnage de Snake dans ses uvres vidéo ludiques révolutionnaires comme la série des METAL GEAR SOLID).
Carpenter
s'appuie donc beaucoup sur le western (genre qu'il affectionne) et sur
Howard Hawks pour
construire non seulement son histoire mais aussi ses situations et ses
personnages. L'emprunt à RIO BRAVO est ici plus qu'évident
(Carpenter troque
même son nom pour celui du personnage de John
Wayne pour signer le montage), mais il n'empêche pas le cinéaste
de piocher dans d'autres films de son maître comme LE GRAND
SOMMEIL ou encore LE PORT DE L'ANGOISSE (voir la séquence
de la cigarette entre Wilson et Leigh) pour compléter son hommage.
Cela n'occulte cependant pas une autre grande influence du film à
savoir LA
NUIT DES MORTS VIVANTS de Romero,
film qui guidera Carpenter
dans sa représentation du siège. S'écartant encore
une fois des sentiers du réalisme, le gang est montré
comme une entité invisible et indivisible afin de mieux mettre
l'humanité des héros du film à l'épreuve
des règles sans concession du survival horrifique.
Il serait cependant erroné de croire qu'ASSAUT n'est qu'une redigestion de classiques ultra rodés. Il est totalement évident que pour un (presque) premier film, un auteur en devenir doit recourir à l'inspiration et l'influence d'autres afin de s'aider à mettre en place l'esquisse de ses thèmes. Que cela ne fasse aucune ombre à l'apport totalement audacieux, voire provocateur de Carpenter. Que ce soit dans sa structure narrative en deux parties, dans le non-usage délibéré du son dans les scènes de fusillade (le gang utilise des silencieux), dans l'épure du découpage dans les scènes d'action, ou encore dans le meurtre frontal d'une petite fille blonde à couettes (interprétée par une petite actrice connue pour ses rôles dans les productions Disney), le jeune Carpenter se montre décidé à marquer le coup d'une entrée définitive et fracassante dans le cinéma de genre que ce dernier affectionne.
Tous ceux qui attendaient cette édition Zone 2 de pied ferme auront franchement de quoi faire la tête tant le disque se montre ultra décevant, pour ne pas dire totalement indigne par rapport au support. Le principal problème vient de la qualité de la copie, absolument abjecte. Image surexposée, manque flagrant de définition, pas de compatibilité 16/9 contrairement à l'indication de la jaquette, le pauvre utilisateur aura vite l'impression de visionner pour la énième fois sa vieille copie VHS enregistrée lors de son passage sur La Cinq. Encore plus grave, la version présentée ici est la version censurée de l'époque Giscardienne. Il manque une scène au début du film où des membres du gang organisent un "pacte de sang" autour de caisses d'armes (cette scène apparaît sur le disque de bonus sous l'appellation de "scène coupée"). Et si l'éditeur réintègre une autre séquence censurée à l'époque (la balle frappant la petite fille), ce dernier oublie les secondes suivantes où l'on peut voir la victime s'écrouler et le marchand de glace se prendre une balle. Côté son, un remix multi canaux visiblement peu travaillé attend les fans de la version française tandis qu'un modeste mono contentera les ambassadeurs de la version originale.
Pour justifier son appellation Collector, et peut-être aussi pour faire passer la pilule de la qualité du film, l'éditeur se fend d'un second disque de bonus plutôt bienvenu. Outre le culot de présenter la scène censurée en France comme une véritable scène coupée, le disque nous offre une interview de Christophe Gans à propos du film. Quoi qu'on pense du cinéaste, il paraît difficile de nier que le bonhomme se montre incroyablement passionnant et érudit dès qu'il aborde la question du cinéma de genre. En résultent une trentaine de minutes sans temps mort, performance d'autant plus étonnante que le sujet ne comporte aucun montage. Malheureusement, la qualité technique du bonus minore une nouvelle fois le rendu final puisque Gans s'exprime sans micro-cravate mais au travers du faible micro associé à la caméra. Vous devrez donc sérieusement monter le son pour entendre quelque chose, avant de vous rendre compte que l'on entend finalement mieux le moteur de la caméra que les propos du cinéaste.
Plus anecdotique, une interview de Carpenter nous est proposée. Même si cette dernière comporte des moments intéressants, elle pêche du fait que l'éditeur nous propose ici un "rush" et non un produit monté. L'utilisateur devra encore une fois prendre sur lui et supporter les reprises de point et de diaphragme du cadreur, ou bien les questions tombant à plat du journaliste afin de guetter un échange pertinent. Fatigant. Outre la bande-annonce d'époque et une poignée de photos à l'intérêt limité, l'éditeur nous concocte toute une série de bonus écrits autour d'ASSAUT et de Carpenter. Très complet, les textes sauvent ce qui reste à sauver de cette pauvre édition. C'est déjà ça.
Premier vrai film de Carpenter, et donc déclencheur de l'univers d'un cinéaste hors norme, ASSAUT est un indispensable malheureusement pas assez souligné de nos jours. Ce n'est en tout cas pas cette pauvre édition zone 2 qui risque de faire sortir le film de son ghetto culte. Qualité technique pitoyable au service d'une copie poussiéreuse et censurée, le disque ne tient aucunement ses promesses, obligeant le fan de Carpenter à espérer une nouvelle édition digne du film. En espérant que cette dernière arrivera bien avant les nombreuses promesses de remakes plus ou moins avoués de la part de nos réalisateurs hexagonaux (sic !).