Critique du film
et du DVD Zone 2
L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR
1954
Après la découverte d'un fossile, une expédition se rend en Amazonie pour y débusquer des trouvailles archéologiques. La créature que vont trouver les chercheurs n'a pourtant rien de fossilisée !
LA MOMIE s'inspirait de la découverte du tombeau de Toutankhamon et L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR suit un peu le même chemin dans l'inspiration archéologique comme vous allez pouvoir le constater. Cela commence de façon plutôt farfelue par un dîner ou William Alland apprend d'un cinéaste sud-américain l'existence de créatures mi-hommes mi-poissons au fin fond de l'Amazonie. Aussitôt rentré chez lui, il laisse vagabonder son imagination sur cette étrange affirmation et en tire un synopsis dont il assurrera la production et dont le scénario sera retravaillé plus tard par d'autres scénaristes plus chevronnés. Ces derniers vont injecter la découverte d'un fossile qui fait allusion à un fait réel. Celui de la découverte du coelacanthe, une espèce présumée disparue depuis des milliers d'années avant que l'on n'en découvre un vivier dans l'archipel des Comores. Ce qui nous amène tout naturellement au postulat de départ de L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR.
L'enthousiasme n'est pas partagé par tout le monde. Que ce soit Harry Essex, l'un des scénaristes à qui l'on confie la réécriture, ou Julie Adams, l'actrice principale. L'idée même de travailler sur un tel film ne les emballe pas, particulièrement l'actrice qui s'aperçoit qu'elle va tourner dans un film portant le nom de L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR. Mais à ce moment-là, Hollywood fonctionne toujours avec un système de contrat qui attache la plupart des techniciens ou acteurs aux différents studios. En gros, ils n'ont donc pas trop le choix ! En dépit de ces a priori, L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR n'est pourtant pas une série Z et le film est même devenu un véritable classique du genre. Jusqu'à engendrer deux suites LA REVANCHE DE LA CREATURE et LA CREATURE EST PARMI NOUS dont on peut voir des extraits dans le documentaire inclus sur le DVD.
Le film reprend en grande partie le thème qui revient le plus dans la série des films d'épouvante de la Universal. Celui de LA BELLE ET LA BETE ou de l'amour impossible. Cela reprend d'ailleurs aussi en gros la trame de KING KONG avec lequel le film partage beaucoup de points communs. Une expédition découvre une créature qui tombe sous le charme d'une charmante personne. Pour L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR, on ne saurait la blâmer puisque la belle passe son temps à nager en tenue sexy (pour l'époque) dans les eaux claires de son lagon. La créature finit d'ailleurs par esquisser un ballet aquatique plutôt poétique à son insu que beaucoup considèrent de manière bien peu innocente puisque suggérant l'acte sexuel, ce que vous pourrez découvrir dans le documentaire. Cette histoire de créature aquatique est aussi une réflexion sur l'homme face à la nature puisque la fameuse bête à écailles n'est en fait pas du tout maléfique. Au contraire, a l'issue du métrage et à force de la voir évoluer dans les eaux de son habitat où des hommes la traquent, elle finit par attendrir de la même façon que le gros gorille pouvait se transformer en victime de l'humanité dans KING KONG. La filiation avec KING KONG est d'ailleurs avouée dans le commentaire audio de l'édition DVD...
Pour mettre en scène L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR, on fait appel au réalisateur Jack Arnold qui a réalisé quelque temps auparavant LE METEORE DE LA NUIT pour Universal. Ce film comporte d'ailleurs, en plus de l'acteur principal et du producteur à l'origine du projet, un point commun avec L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR ce qui a du faire pencher la balance en sa faveur, à savoir l'utilisation du relief sur lequel nous reviendrons plus tard. Il embrayera ensuite sur LA REVANCHE DE LA CREATURE mais surtout TARANTULA et, son plus grand film qui parle de l'infiniment petit, L'HOMME QUI RETRECIT. Après ces titres de gloire, il réalisera encore quelques films tels que LA SOURIS QUI RUGISSAIT (dont la suite est LA SOURIS SUR LA LUNE) avant de se tourner à part entière vers la télévision.
Pour revenir sur le relief, LA CREATURE DU LAC NOIR est le premier film (et le seul ?) qui se soit vu diffuser à la télévision française en 3D à la grande époque de "La Dernière Séance" d'Eddy Mitchell. Ce qui ne fut pas sans poser quelques menus problèmes pour se procurer les lunettes à même de reproduire l'effet tridimensionnel. Paré de celle-ci, le soir de la diffusion, il faut bien avouer que ce fut loin de remplir tous les espoirs. Sur le DVD qui nous est proposé, le film est présenté en version plate. Dénué de relief ! Nous aurions apprécié ce petit "plus" surtout que depuis, les techniques vidéo permettent d'obtenir des images de grande taille à la maison plus à même de reproduire l'effet désiré !
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En dehors de quelques tout petits défauts de pellicule, le film ne fait pas son âge. Le transfert en plein cadre noir et blanc est ainsi d'excellente facture si l'on excepte quelques soucis mineurs de compression. Mais après comparaison avec l'édition américaine, on s'aperçoit que la précision de l'image a un contraste bien plus agressif donnant à l'image un aspect éclatant. Toutefois, la précision de l'image n'est pas aussi aboutie que sur celle du disque américain et, plus gênant, il manque un poil d'image sur chacun des côtés. Néanmoins, cette perte infinitésimale n'a pas une grande incidence sur les cadrages et ne devrait gêner que les fans les plus pointilleux. Enfin, la piste anglaise d'origine ne souffre pas vraiment de défaut. Ce qui est appréciable ! Par contre, Universal n'a semble t'il pas voulu s'ennuyer à trouver le doublage français qui est totalement absent de cette édition DVD !
En s'adonnant aux joies du commentaire audio , l'historien Tom Weaver nous donne un maximum d'informations sur L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR. Aucun temps mort et c'est à un rythme soutenu qu'il enchaîne sur les acteurs, le réalisateur, la technique ou diverses anecdotes. Un petit bonheur pour tous les fans de la créature du lagon noir.
Le documentaire n'est pas en reste puisqu'en plus de nous parler des séquelles, il revient sur la création du film avec des interviews récentes de Julie Adams et divers historiens qui sont manifestement des spécialistes dans le domaine de la créature amphibie. C'est ainsi que l'on peut apprendre la genèse artistique de la créature, qui serait inspirée à la base du fameux Oscar, récompense suprême du cinéma américain, agrémenté d'écailles et de branchies. L'opportunité de découvrir une première créature recalée avant de se voir remodeler le visage pour obtenir la version définitive. Une petite partie nous parle aussi du tournage en relief et des problèmes posés lors des projections. Un bon petit documentaire duquel on ressort tout content avec l'impression de connaître l'essentiel sur un film devenu culte !
Comme tous les autres titres de la collection, les notes de production et filmographies des éditions américaines se sont fait la malle pendant leur traversée de l'Atlantique. Ne reste plus, à l'arrivée, que la bande-annonce d'origine accompagnée d'une petite galerie d'affiches et photos d'époque.
L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR est un classique auquel ce DVD rend hommage, même si l'on peut regretter l'absence du doublage français. Un oubli qui espérons-le n'empêchera pas les plus anciens d'emmener les nouvelles générations sur les traces de la créature du lagon noir telle que nous avons pu la découvrir, nous-même, il y a bien longtemps. Ce qui ne nous empêche pas de la redécouvrir, nous même, toujours avec autant de plaisir !