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Critique du film et du DVD Zone 1
THE FOG 1980

 

Les habitants d'Antonio Bay, petit village portuaire de Californie, s'apprêtent à commémorer ce 21 Avril le centenaire de leur petite ville. C'est alors que le quotidien se dérègle soudainement et qu'un épais brouillard enserre la côte. Pendant ce temps, le père Malone (Hal Holbrook) découvre dans une pièce scellée de son église le journal de son grand-père, prêtre lui aussi, et fondateur parmi d'autres pionniers d'Antonio Bay. En lisant les vieilles pages, le père Malone apprend que la ville fut construite sur le meurtre et le vol d'une bande de riches aventuriers. Le brouillard, de plus en plus envahissant, est donc le refuge de leurs spectres décidés à exiger vengeance sur les descendants de leurs meurtriers.

THE FOG est véritablement un film charnière dans la carrière de John Carpenter puisqu'il va amorcer le passage du stade de jeune prodige au stade de réalisateur au sens plus classique du terme. Car avant de tourner THE FOG, Carpenter faisait plutôt figure de petit génie ayant bricolé dans son coin quelques coups de cinéma assez mémorables. On pense tout d'abord à ASSAUT, western urbain au scope luxueux pourtant tourné avec la moitié du quart d'une cacahuète. Mais c'est surtout HALLOWEEN qui va achever la réputation du jeune cinéaste en remportant un succès sans bornes (HALLOWEEN fut longtemps considéré comme le film indépendant le plus rentable du cinéma US, avant que LE PROJET BLAIR WITCH ne le détrône). Après ces coups d'essai coups de maître, plus deux téléfilms (MEURTRE AU 43e ETAGE et LE ROMAN D'ELVIS) histoire de se parfaire la main, on pouvait croire Carpenter armé pour de bon face à une œuvre prometteuse. Seulement voilà, si le jeune cinéaste a fait jusqu'à présent état d'un talent et d'un flair incroyable, il n'a encore jamais été confronté aux affres de la création douloureuse dont seul les grands réalisateurs sont capables de se tirer avec les honneurs.

Co-écrit avec sa complice de HALLOWEEN, Debra Hill, pour le compte de la jeune structure de production AVCO Embassy, THE FOG est alors conçu pour être un film de fantômes "classique" dans le sens où il rend hommage aux maîtres du genre (la citation d'Allan Poe en ouverture ou encore les nombreuses références à l'univers de Lovecraft) tout en se concentrant sur un sens visuel élégant et ultra travaillé (voir le travail sur la lumière, hors effet de brouillard). Armé d'un modeste budget d'un million de dollars (ceci avant l'inflation des budgets US des années 90), Carpenter et sa productrice Debra Hill posent leur caméra à Bodega Bay (ville portuaire célèbre depuis qu'Hitchcock y a tourné ses OISEAUX) afin de commencer le tournage de leur (a priori) raisonnable film de revenants. Dès lors, les soucis vont s'accumuler pour le jeune Carpenter, peu habitué à ce que les difficultés viennent des entrailles même du film.

Ce qui a donné énormément de fil à retordre à l'équipe du film fut bien entendu tout ce qui a trait aux prises de vues mettant en scène le brouillard. Prévu au départ comme un personnage à part entière, en plus de donner son nom au film, ce même brouillard est annonciateur de la présence fantomatique. Il s'immisce dans chaque décor avec une implacabilité terrifiante, révélant du même sort les silhouettes vengeresses des victimes d'Antonio Bay. Inutile de préciser qu'un tel concept est particulièrement difficile à imprimer sur pellicule à une époque où les effets digitaux n'existent même pas en rêve. Utilisant une fumée projetée sous pression par d'imposants appareils, le "brouillard" avait ainsi tendance à se disperser rapidement, ou du moins à perdre immédiatement toute densité. On passe bien évidemment sur le casse-tête des extérieurs où le fort vent des côtes Californiennes balayait le moindre effort de notre équipe en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Mais ce ne sont pas tant ces (pourtant cauchemardesques) problèmes de tournage qui rendent le cas de THE FOG intéressant dans le parcours de son auteur. Car, de l'aveu même de Carpenter, le premier montage de THE FOG était un total flop. Pour sauver son film, le cinéaste dut se résigner à en re-tourner une partie ainsi qu'à refaire totalement la bande sonore, musique (dont il est l'auteur) y compris. Cette situation est particulièrement intéressante puisqu'elle met le cinéaste face à ses propres limites, non pas que Carpenter était à ce moment-là un réalisateur à l'envergure limitée mais plutôt encore un peu "jeune" face aux enjeux contenus dans THE FOG. Car le "petit" film de fantômes prévu au départ regorge de difficultés largement plus délicates que de filmer de la fumée sous les bourrasques du vent côtier.

Abandonnant l'idée d'un véritable héros ou premier rôle, THE FOG est construit selon le parallèle entre plusieurs personnages ou groupes de personnages, parallèle se concluant par la réunification de tout le monde pour un final où chaque élément de l'histoire va se délier. Ce genre de structure est bien évidemment très difficile à mettre en place, d'autant qu'un monumental sens du rythme est nécessaire puisque le film se doit d'organiser régulièrement de petits électrochocs à son spectateur (THE FOG est un film destiné à faire peur). C'est avant tout pour affiner sa structure que Carpenter va tourner à nouveau le tiers du film, afin de mieux répartir la progression de ses personnages autour d'une montée lente de la terreur qui atteindra son apogée lors du plan final (soit la marque de fabrique du metteur en scène, ici en pleine phase d'expérimentation).

THE FOG, tel que nous le connaissons maintenant, est donc un film indispensable pour tout amateur du cinéma de Carpenter puisque explose sous nos yeux le style définitif d'un cinéaste ressorti plus que grandi par cette dure expérience. Entre modernité du regard sur le genre (nous sommes en 80) et hommage aux figures classiques chères à l'homme, THE FOG reste encore de nos jours parmi ce que le cinéma fantastique peut nous offrir de mieux. Le rythme éthéré du film pourra en perdre certain, là où ce même rythme ravira les amateurs d'ambiance au compte-goutte et de cadres formidablement composés. Et si Carpenter abandonne le temps d'un film ses héros "Hawksiens", c'est pour mieux rendre hommage à une autre figure du western à savoir Clint Eastwood. Difficile en effet de ne pas penser au travers de cette histoire de revenants vengeurs à L'HOMME DES HAUTES PLAINES du même Clint où ce dernier, fantôme, venait rendre des comptes à ses assassins. Quant à l'allusion de Carpenter aux inspirations de son pays (un pays construit sur le sang d'innocents et le pillage des richesses par des pionniers sans scrupule), le cinéaste aura tôt fait de creuser le problème dans ses futures œuvres que nous connaissons déjà tous.

DVD américain
DVD français

Amis possesseurs de l'édition Zone 2 éditée par TF1 Vidéo, gardez-la précieusement ! Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la nouvelle édition américaine affiche une image aux couleurs plus ternes et à la définition inférieure bien que le cadrage soit plus correct (un peu plus d'image apparaît sur les quatre côtés). Plutôt incroyable !
Ici, le film est présenté sur les deux faces du DVD selon un format différent, faites bien attention à lancer la version anamorphique au risque de vous retrouver face à un horrible Pan & Scan à vous traumatiser pour le restant de vos jours. Cette précaution ainsi prise, vous pourrez profiter d'une copie honnête du film de Carpenter (à condition de ne pas faire une comparaison avec le disque français).

Format 1.33
Format 2.35

Côté son, l'édition nous gratifie d'un nouveau mixage en 5.1 plutôt bien balancé question grave, surtout lorsque le brouillard fantomatique fait son apparition. Pour les puristes, le mono d'origine est bien entendu présent. A noter que pour les non anglophones, une piste mono française et surtout des sous-titres français sont disponibles.

Question bonus, cette nouvelle édition marque le coup. Les fans se rueront en priorité sur le commentaire audio du maître et de son ancienne lieutenante Debra Hill. L'habitué de John Carpenter en Laserdisc et DVD sait à quel point le réalisateur prend au sérieux l'exercice, et donc personne ne sera surpris si l'on déclare ce commentaire comme absolument passionnant pour le fan. Tout est décortiqué de A à Z sans que l'on soit à aucun moment assommé par les détails techniques ou les digressions soporifiques. Carpenter et Hill reviennent en profondeur sur les parties ayant été re-tournées, tout en explicitant au passage le moindre clin d'œil du film (comme la quasi-intégralité du casting qui est ici nommée selon les connaissances de Carpenter). Le tout se suit donc sans effort, malgré une ambiance visiblement glaciale entre les deux anciens compatriotes (on est loin de la convivialité des commentaires avec Kurt Russell ou Natasha Henstridge).

Mais les festivités ne s'arrêtent pas là. En plus d'un court documentaire d'origine, vient s'ajouter un tout nouveau reportage spécialement conçu pour cette ressortie. Visionner les deux bonus à la suite est particulièrement recommandé car, outre la toujours désopilante ironie de faire prendre 20 ans à une équipe entière en quelques secondes, leur pertinence est parfaitement complémentaire (que ce soit dans les anecdotes relatées ou tout simplement concernant l'impact du film en tant que tel). Plus ludique, le DVD nous propose une petite compilation "d'Outtakes", soit des prises ratées ou bien des fonds de bobines ayant servi à immortaliser les intervenants alors présents sur le plateau. On retient de ces quelques petites minutes une ambiance communicative, doublée d'un véritable régal jubilatoire de découvrir les laborieux balbutiements de plans au final pourtant hyper efficace. Pour achever la section, nous trouvons une comparaison film / storyboard sur une scène du film (bonus d'autant plus étonnant lorsque l'on connaît l'aversion de Carpenter vis-à-vis du storyboard), ainsi que la collection complète des bandes-annonces ou spots TV dédiés à la promotion du film. Pour finir, il est à noter la présence à l'intérieur du boîtier d'un fascicule introduit par une lettre de Carpenter à l'attention des utilisateurs du disque.

Pour tous les fans de Carpenter, soit pour tous les fans de fantastique, soit pour tous les fans de cinéma, l'édition américaine de THE FOG n'est donc pas encore la version tout ce qu'il y a de définitif. Il n'y a donc plus qu'à attendre l'édition ultime, Studio Canal prépare un DVD pour l'année prochaine, de ce film imparable, entre classicisme autoproclamé et hyper modernité du point de vue sur le genre (voir pour s'en convaincre comment le médium vidéoludique s'est récemment réapproprié l'univers du film via Silent Hill et sa formidable suite).

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
THE FOG DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h30
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Espagnol
  • Supplements
    • Commentaire audio de John Carpenter et Debra Hill
      • Documentaires
      • Tales From the Mist (2002 - 27mn50)
      • Fear On Film (1980 - 7mn36)
    • Outtakes (4mn06)
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