Le professeur Julius Kelp accumule pas mal de défauts. En plus d'être gaffeur, il n'a rien d'attractif au contraire. Humilié par un élève musclé, il tire la conclusion que ce qui lui manque, c'est du muscle ! Il part ainsi en quête de respectabilité vers une salle de sports avant de préférer une option plus hasardeuse, c'est à dire la chimie.
Parmi les mauvais goûts que les intellos américains prêtent aux français, il y a celui d'apprécier Jerry Lewis. Et il est vrai que l'acteur a même été nommé à l'ordre national de la Légion d'Honneur par Jack Lang en 1984. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est certainement pas la meilleure période de l'acteur puisqu'il se fourvoie à ce moment-là dans quelques productions françaises de très mauvais goût réalisées par de redoutables spécialistes du genre : Michel Gérard (RETENEZ-MOI… OU JE FAIS UN MALHEUR !) et Philippe Clair (PAR OU T'ES RENTRE ? ON T'A PAS VU SORTIR !). Mais ce n'est pas vraiment ce que les américains reprochent à Jerry Lewis. Ce serait plutôt d'adopter un humour idiot et un jeu d'acteur outrancier. Une finesse qu'ils retrouveront pourtant avec Jim Carrey plusieurs dizaines d'années plus tard ! Sans compter que Jerry Lewis n'est pas simplement un acteur puisqu'il a écrit et réalisé la plupart de ses grands films (LE TOMBEUR DE CES DAMES, LE DINGUE DU PALACE ou LE ZINZIN D'HOLLYWOOD ?). Parmi tous ceux-là, le plus apprécié reste DOCTEUR JERRY ET MISTER LOVE qui n'est pas pourtant son meilleur film. Toutefois, il fait partie de ses rares incursions dans le domaine du fantastique avec TIENS BON LA RAMPE JERRY ou MINCE DE PLANETE.
Robert Louis Stevenson est un écrivain dont l'œuvre a pas mal servi de vivier au cinéma dont deux de ses livres les plus connus ont déjà été maintes fois adaptés avec "L'Ile au Trésor" et pour celui qui nous intéresse "Le cas étrange du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde". Ainsi, lorsque Jerry Lewis s'intéresse à cette histoire, il est loin d'être le premier à le faire et encore moins le dernier. Pourtant son approche change radicalement de ce qui a été fait jusque-là, puisqu'il n'est pas question d'évoluer dans l'horreur. Même les motivations n'ont pas grand chose à voir. Il ne cherche pas à faire évoluer la science mais à satisfaire le besoin personnel de modifier son propre corps. La transformation ne le mène donc pas à devenir un être maléfique mais plutôt un séducteur goujat.
DOCTEUR JERRY ET MISTER LOVE est un film dosé de manière assez étrange. Les premières minutes démarrent à cent à l'heure donnant la part belle à la présence comique de Jerry Lewis et à des gags ridicules (donc hilarants !) avant de prendre un tournant plus sérieux et dramatique. Il ne s'agit pas vraiment d'une baisse de régime mais d'une sorte de déviation que prend l'histoire pour se resserrer sur le véritable sujet. A savoir celui de la richesse intérieure des individus dans une société qui met en avant le paraître. Plus de quarante ans après sa réalisation, le culte du physique ne s'est pas arrangé à force de pub et de la starification des top-models. Ce qui rend encore plus touchante l'histoire de ce pauvre professeur plutôt laid qui aimerait bien être vu autrement. Pas facile, tant il accumule les tares, de sa voix nasillardeà ses grosses lunettes en passant par une dentition proéminente. Le Buddy Love qu'il devient est donc son négatif, s'il devient séduisant et attractif, sa gentillesse et sa bonté d'âme s'envolent au passage.
On ne pourra aussi s'empêcher de penser à une grande partie de la carrière de Jerry Lewis où il jouait en duo avec Dean Martin. Ce dernier était le séducteur et lui son pendant comique en interprétant un personnage moins séduisant mais rigolo. Dès lors, on peut se demander si DOCTEUR JERRY ET MISTER LOVE n'est pas un peu comme une petite leçon que veut envoyer Jerry Lewis par rapport à sa carrière antérieure.
A chaque fois qu'un film en couleurs des années 50/60 débarque en DVD, c'est toujours la même question qui se pose. Mais qu'est-il arrivé au cinéma d'aujourd'hui pour nous proposer des images aussi ternes ? DOCTEUR JERRY ET MISTER LOVE est un digne représentant du Technicolor aux couleurs acidulées et magiques. Le DVD lui rend hommage même si l'on notera ici ou là de menus petits défauts. Pourtant, ils sont bien loin de nous gâcher le spectacle grâce à toutes ces vibrantes couleurs. Et dans le cas d'une utilisation avec un projecteur, cette débauche de couleurs a de quoi vous mettre le sourire aux lèvres !
La bande-son était en mono à l'origine mais Paramount propose ici un remix en Dolby Digital 5.1. En dehors des passages musicaux, cet apport n'a rien de transcendant si ce n'est celui de nous proposer un résultat clairement défini et dénué de défauts sonores. Décevant pour du 5.1, peut-être, mais appréciable pour voir et revoir ce film. Parce que si vous vous tournez vers la version française en mono, vous comprendrez tout de suite ce que l'on peut appeler une bande-son étriquée et techniquement datée.
Paramount nous a habituéd à voir apparaître la bande-annonce du film sur chacun de ses DVD ou presque. Sur ce coup-là, c'est raté ! En lieu et place, nous avons droit à un petit segment vidéo faisant l'historique des grands films produits par la Paramount dans les années 50. Seulement, il n'y a pas vraiment de rapport avec le film dont on vous parle ici. Seul point commun, l'évocation en une poignée de secondes de la série de films mettant en scène le duo Dean Martin / Jerry Lewis. En soit, nous aurions été heureux de voir ce supplément s'il avait été accompagné d'autres bonus. Là, cela fait finalement dans le hors sujet ou presque !
Le DVD de DOCTEUR JERRY ET MISTER LOVE ne s'attarde pas sur les bonus et son seul intérêt résidera dans la possibilité de nous permettre de redécouvrir le film dans de bonnes conditions. Ce qui n'est déjà pas si mal ! Cela sera aussi un bon moyen de comparer avec le remake (LE PROFESSEUR FOLDINGUE). Une comparaison qui ne risque pas d'être à l'avantage d'Eddie Murphy.