En Irlande, au début du vingtième siècle, Angus
Shaw (Rufus Sewell,
vu dans DARK
CITY) dirige péniblement une petite attraction supposée
présenter à un public bien naïf des soi-disant monstres
de foire. De la sirène en passant par le colosse cannibale, tout
n'est bien entendu que pipotage. Aussi, quand un vieux fou décide
d'inviter Angus dans son château afin de lui présenter
une véritable sirène, le sang du bonimenteur ne fait qu'un
tour. Il enlève alors la créature pour s'embarquer immédiatement
avec sa femme Lillian (Carla
Gugino, vue dans SNAKE EYES) dans un bateau direction New
York où l'exhibition de la femme-poisson devrait le rendre riche.
Bien évidemment, l'étrange sirène va rapidement
montrer sa véritable nature pour un huis clos maritime éprouvant.
SHE CREATURE est un nouvel opus de la série Creature Features dirigée par Stan Winston, Lou Arkoff et Colleen Camp. Le but de cette franchise est de rendre hommage aux vieilles productions du mythique Samuel Arkoff, tout en imposant le studio de Stan Winston comme le plus grand créateur de monstres du marché. Promis à une diffusion télé aux USA, puis à une exploitation vidéo, les films se doivent d'être tournés en un temps très court (16 jours) avec un budget hyper serré (3,5 millions de dollars). Il est à noter que la série est également déclinée sous une collection de figurines reprenant les monstres des différents films (la collection est dirigée par Todd McFarlane, déjà responsable des célèbres Movie Maniacs).
Si avec SHE CREATURE nous sommes donc assurés d'un festival d'effets spéciaux tout en latex, on peut cependant se demander si le reste tiendra la route. Et bien, oh surprise, le film est une totale réussite. La bonne idée des producteurs est d'avoir engagé Sebastian Gutierrez (on se souvient d'un JUDAS KISS d'excellente mémoire) au double poste de scénariste et réalisateur. Le bonhomme n'a ici qu'une idée en tête : rendre hommage aux racines du fantastique. SHE CREATURE cite abondamment les productions de la Hammer, mais aussi Poe et Lovecraft, et ce pour notre plus grand plaisir. Là où n'importe quel tâcheron aurait transformé ce périple maritime avec un monstre à bord en une vague resucée d'ALIEN, Gutierrez choisit plutôt l'option du film d'ambiance autour de la fascination / répulsion inspirée par la sirène sanguinaire. Et ça marche superbement bien !
Si ce SHE CREATURE
nous tient tant en haleine avec son script, il faut aussi saluer le
travail des comédiens du film. On est pour ainsi dire peu habitué
à une interprétation aussi solide dans des budgets aussi
riquiquis. C'est ce qui permet au métrage de faire fonctionner
des rapports complexes et ambigus entre les différents protagonistes,
comme cet étrange lien qui unira Lillian et la sirène.
Bien entendu, les effets spéciaux de maquillage de l'équipe
de Stan Winston
sont impeccables, mais ça, on n'en doutait pas. Que les aficionados
se rassurent, le monstre du film ne se limite pas à une nana
topless à queue de poisson. Lors d'un final mémorable,
notre sirène bien aimée se transformera en un démon
Lovecaftien
du plus bel effet (on en achèterait presque la statuette !).
D'un point de vue technique, le DVD offre une image absolument parfaite. Ce qui est des plus appréciables pour un film nous proposant une photographie aussi travaillée. Si les pistes audio sont en 5.1, il ne faut pas non plus s'attendre à un déluge d'effets surround à faire pâlir ses voisins. Vos arrières seront plutôt sollicités à rendre minutieusement le moindre craquement du bateau, attention au mal de mer !
En guise de bonus, le gros morceau reste le commentaire audio de Stan Winston et Shane Mahan (technicien en chef des effets du film). Les deux hommes reviennent sur la production du film (on apprend au passage que le titre initial devait être WAR OF THE COLOSSAL BEAST, avant que le script définitif de Gutierrez n'oblige à se tourner vers autre chose), rendent hommage avec plus ou moins de bonheur au travail du réalisateur et des acteurs, et bien entendu décortiquent avec force détails le moindre plan d'effets spéciaux.
Outre une galerie de photos et de croquis, nous avons aussi droit à un ridiculement court making of (deux phrases de Sebastian Gutierrez, plus trois plans de sculpteurs au travail et c'est tout). Dans la section bande-annonce, nous trouvons un trailer Creature Features nous présentant trois films de la série, ainsi que les trailers des très dispensables ANACONDA et GODZILLA (version Emerich bien entendu). Une poignée de filmographies, plus l'habituel petit livret de l'Ecran Fantastique et le tour est (déjà) fait.
A l'instar des autres productions de la maison, SHE CREATURE n'a donc rien à voir avec son homonyme datant de 1956... Encore moins avec WAR OF THE COLOSSAL BEAST. Cela n'empêche que le téléfilm de Gutierrez est une excellente surprise et qu'il constitue le haut du panier de la série de Winston et consorts, et prouve par la même occasion qu'inédit vidéo ne rime pas forcément avec daube des Carpates (comprenez par là : tourné en Roumanie). Le reste de la production de ces Creature Features reste cependant plus inégal, et nous vous conseillons d'aller faire un tour sur les critiques de HOW TO MAKE A MONSTER et THE DAY THE WORLD ENDED pour plus d'informations éclairées.