Header Critique : BRUISER

Critique du film
BRUISER 2000

 

En 1990, George A. Romero commence à tourner LA PART DES TÉNÈBRES d'après Stephen King pour le studio Orion. Mais cette firme indépendante se déclare en faillite et la sortie du métrage se fait tardivement, en 1993, sans trouver son public.

George A. Romero se trouve ensuite réduit à une quasi-inactivité durant sept années. Il tourne bien pour la publicité (le jeu vidéo «Resident Evil 2») et travaille sur une adaptation de ce jeu au cinéma. Mais ce dernier projet n'aboutit pas pour lui. Si les années quatre-vingt-dix ont pu être chaotiques envers certains grands noms de l'horreur comme John Carpenter ou Wes Craven, George A. Romero se retrouve quant à lui mis au placard.

Il parvient enfin à réaliser BRUISER, dont il rédige lui-même le script, durant l'été 1999. Il bénéficie de l'aide d'une compagnie de production française, mais il doit se contenter d'un budget bas de seulement cinq millions de dollars.

BRUISER raconte l'aventure étrange d'Henry Creedlow, employé discret du magazine de mode Bruiser ("Brute"). Cette revue est dirigée par Milo, un parvenu tapageur, arrogant et obsédé sexuel.

Le rôle de Henry est tenu par l'expressif Jason Flemyng (UN CRI DANS L'OCÉAN, SOLOMON KANE). Milo, son ennemi juré, est incarné par Peter Stormare (FARGO, 8MM). Nous remarquons aussi la présence, dans le rôle d'un inspecteur de police, d'une figure reconnaissable de l'épouvante américaine : Tom Atkins (FOG, MANIAC COP).

George A. Romero nous dresse alors un édifiant portrait du mode de vie américain (et occidental) actuel. Henry court après un modèle de réussite typique, imposé par les médias : une belle femme, un métier qui paie bien, une grande maison, un compte en banque bien rempli et des loisirs occupés par quelques matchs de tennis avec son meilleur ami.

Ce modèle étant factice, Henry n'arrive à rien. Son compte en banque est toujours vide (grâce à sa femme et à son "meilleur ami", chargé de gérer ses finances). Sa belle maison reste à l'état de chantier inachevé. Son employeur et la plupart de ses collègues le méprisent ou l'ignorent. Quant à sa femme, elle le trompe.

Pourtant, Henry accepte tout. Il est Convaincu que sa résignation face à ces déveines est le prix à payer pour accéder à un idéal de vie... qui n'en est pourtant pas un. A force de se laisser vampiriser par des parasites, de se livrer à tous les compromis, il perd son identité.

En se réveillant un matin, il découvre que son visage n'est plus qu'un masque blanc et inexpressif. Il n'est pas innocent que Henry travaille pour un magazine de mode qui vend de l'image, qui monnaie des visages et des apparences.

Dès lors qu'il n'a plus de visage, Henry n'existe plus, n'a plus de valeur même pour lui-même. Il va devoir reconquérir son identité, son âme. Cela va passer par sa vengeance. Il va faire payer ceux qui ont gâché sa vie pour retrouver sa dignité.

Le discours de Romero n'a guère perdu de son mordant depuis ZOMBIE et ses morts-vivants ahuris errant sans but dans un centre commercial. Ici, il s'en prend en premier lieu aux médias. D'abord, il décrit sans tendresse, de façon caricaturale, le journal de mode « Bruiser » et son dirigeant, marchand d'images de corps et de visages. Romero le rapproche d'un proxénète sans scrupule.

Il s'en prend aussi aux idées sur la réussite et le bonheur que véhiculent et imposent les médias. Cette conception irréaliste et insatisfaisante de l'épanouissement, à travers la possession d'une voiture ou d'une grande maison, pousse Henry, un garçon pourtant brave, à se compromettre sous le prétexte fallacieux qu'il y a des "règles" à respecter pour « mériter » cette « réussite ».

Romero dénonce les tares du rêve américain à travers ses récits d'épouvante. Il salue au passage certains classiques du genre : le masque collé à la peau rappelle le maquillage hors du commun des YEUX SANS VISAGE. Un meurtre nous renvoie à la spectaculaire pendaison de SUSPIRIA.

BRUISER s'achève sur un bal masqué coloré évoquant LE FANTÔME DE L'OPÉRA de Rupert Julian ou son pastiche PHANTOM OF THE PARADISE. Mais c'est encore à DARKMAN, excellent film de Sam Raimi mêlant super-héros et épouvante, que BRUISER fait le plus penser (perte du visage, vengeance, références au Fantôme de l'Opéra).

Ceux qui ont exploité Henry rejettent la faute sur lui, lui reprochant sa gentillesse et sa faiblesse qui en feraient une victime trop tentante. Romero n'accepte pas ce raisonnement et considère la révolte de Henry contre son entourage justifiée. En cela, l'épilogue de BRUISER, critiqué à sa sortie, nous paraît logique.

Toutefois, BRUISER n'est pas exempt de faiblesses. La réalisation est fade. Les scènes de meurtre manquent de tonus. Le trait caricatural est trop appuyé, notamment à travers le cabotinage envahissant de Peter Stormare. Enfin, quelques lenteurs embarrassantes affaiblissent sa première moitié.

BRUISER n'est pas un film parfait et nous regrettons que sa réalisation ne soit pas plus nerveuse et rigoureuse. Il n'en reste pas moins une œuvre intègre.

BRUISER va souffrir d'une distribution quasi-confidentiel. Aux USA, il est publié directement pour le marché vidéo. En France, il sort dans un circuit réduit, en plein milieu du mois de juillet 2002, deux ans après son achèvement.

Au début des années 2000, le zombie redevient à la mode au cinéma, avec les succès de RESIDENT EVIL de Paul W.S. Anderson, 28 JOURS PLUS TARD de Danny Boyle et L'ARMÉE DES MORTS de Zack Snyder. Ce dernier titre est un remake de ZOMBIE, ce qui remet sur le devant de la scène George A. Romero. Le studio Universal, producteur de L'ARMÉE DES MORTS, lui offre alors de tourner un nouveau film de zombies : LAND OF THE DEAD, se déroulant après LE JOUR DES MORTS-VIVANTS. Cela lui permet d'amorcer une nouvelle trilogie de films de zombies, avec ensuite DIARY OF THE DEAD et SURVIVAL OF THE DEAD.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
51 ans
2 news
678 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Notes des lecteurs
Votez pour ce film
Vous n'êtes pas connecté !
5,71
7 votes
Ma note : -