En octobre 1994, trois étudiants en cinéma partent enquêter à Burkittsville à propos d'une mystérieuse sorcière. Ils disparaissent et, un an plus tard, le matériel qu'ils ont tourné est retrouvé...
LE PROJET BLAIR WITCH est mis en scène par deux jeunes cinéastes, Eduardo Sanchez et Daniel Myrick, selon des techniques originales, particulièrement pour un film d'horreur. Ce long-métrage est en effet un faux documentaire.
Réalisé avec un budget dérisoire, il est présenté au Festival du cinéma indépendant de Sundance et à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. S'ensuit un bouche-à-oreille très favorable ainsi qu'une promotion astucieuse via Internet. Nous sommes en effet au moment de la démocratisation de cette technologie. Les réalisateurs jouent durant leur promotion sur l'ambiguïté de ce pseudo-document et laissent entendre que ce film est un enregistrement de faits réels !
Cela n'a rien de nouveau puisque le classique italien CANNIBAL HOLOCAUST, de Ruggero Deodato, contient aussi une part de métrage présenté en son temps comme un documentaire authentique, tourné par de vrais journalistes disparus pendant le tournage. Tout comme LE PROJET BLAIR WITCH, la publicité de CANNIBAL HOLOCAUST s'est montrée ambiguë quant à la réalité des horreurs apparaissant à l'écran. Plus proche de la sortie du PROJET BLAIR WITCH, un autre faux documentaire d'horreur, THE LAST BROADCAST de Stefan Avalos et Lance Weiler, sort un an avant ce dernier et joue sur le même principe.
LE PROJET BLAIR WITCH connaît donc une astucieuse sortie en salles, laquelle rencontre un grand succès et en fait un triomphe de l'année en matière de cinéma d'épouvante. Aux côtés de SIXIÈME SENS de M. Night Shyamalan, qui arrive quelques semaines après.
Le succès de ces deux métrages, et celui de RING au Japon, marquent le retour en force d'une horreur au premier degré. Après la vague semi-parodique et Gore des Néo-Slashers ouverte par SCREAM, ce renouveau valorise un cinéma d'épouvante sérieuse et suggérée. Dans cette ouverture vont s'engouffrer des jeunes réalisateurs comme Guillermo del Toro (L'ÉCHINE DU DIABLE) ou Alejandro Amenábar (LES AUTRES).
La technique de tournage du PROJET BLAIR WITCH repose en grande part sur l'improvisation. Coupés du reste du monde, les comédiens interprétant l'équipe de documentaristes se rendent d'un lieu à l'autre, campent dans certains sites et errent dans la forêt tandis que les réalisateurs leur organisent des embuscades et autres "surprises" désagréables. Les acteurs manipulent le matériel de prise de vue et d'enregistrement du son. Ils filment les événements, à l'intérieur même de l'action. La spontanéité tient une grande place dans la création du film.
LE PROJET BLAIR WITCH présente dans un premier temps cette équipe, puis nous amène à Burkittsville. Des habitants rapportent des légendes sur une sorcière supposée hanter la région ainsi qu'à propos d'un Serial Killer ayant vécu dans la ville. De manière apparemment anodine et amusante, les réalisateurs nous communiquent les bases de la mythologie "Blair Witch".
Cette mythologie explore un folklore horrifique, quelque part entre le Gothique Américain classique (comme la tradition des Sorcières de Salem) et la Folk Horror appelée à (re)naître avec THE WITCH de 2015.
Nous sommes alors prêts à suivre l'expédition forestière de ces reporters de l'épouvante. Pour faire peur, il est essentiellement fait appel à la suggestion de l'horreur si chère à Jacques Tourneur (LA FÉLINE). Plutôt que de provoquer l'effroi avec des scènes sanglantes, le film inquiète à l'aide d'effets fins (des bruits à peine perceptibles, une atmosphère légèrement changée). Il sollicite l'imagination du spectateur et le place face à ses craintes profondes. Paradoxalement, ce qui nous fait peur au cinéma est alors ce que ne voyons pas.
Bien utilisé, ce procédé assure une efficacité maximale dans des titres comme LA FÉLINE de Jacques Tourneur ou LA MAISON DU DIABLE de Robert Wise. Dans LE PROJET BLAIR WITCH, certaines séquences parviennent à être effrayantes : la fin dans la maison abandonnée, les hurlements de Josh...
Toutefois, ces moments authentiquement inquiétants sont rares. Le film joue trop souvent la carte minimaliste, sans toujours convaincre. Nous avons du mal à partager la panique qui s'empare des documentaristes chaque fois qu'ils entendent un craquement de brindille ou qu'ils découvrent un tas de cailloux.
De même, les branches assemblées de manière à former un personnage ne créent pas forcément une grande angoisse. LE PROJET BLAIR WITCH ne devient vraiment un film d'horreur qu'à partir d'une cinquantaine de minutes. Auparavant, nous subissons de longues disputes peu intéressantes entre des personnages interprétés avec beaucoup de conviction, mais aussi beaucoup d'amateurisme et de naïveté.
Si LE PROJET BLAIR WITCH n'est pas le chef d'œuvre de l'épouvante que certains y ont vu en son temps, son originalité formelle et atmosphérique ainsi que quelques moments réussis en font une œuvre qui vaut encore le coup d'œil.
Après son succès, il engendre rapidement une suite, BLAIR WITCH 2 : LE LIVRE DES OMBRES, qui abandonne largement la notion de Found Footage / Film Retrouvé. Il ne convainc ni la critique, ni le public. Une autre suite très tardive arrive en 2016 avec BLAIR WITCH d'Adam Wingard - dans l'indifférence.
Le succès du LE PROJET BLAIR WITCH entraîne d'abord des imitations à micro-budget. Mais elles restent le plus souvent limitées à des sorties sur le marché de la vidéo et du DVD. Ce genre renaît vraiment quelques années plus tard avec les succès du convaincant CLOVERFIELD de Matt Reeves en 2008 (la destruction de New York par un monstre géant est captée en direct). Puis par le médiocre PARANORMAL ACTIVITY d'Oren Peli, dont le succès planétaire en 2009 ramène à l'écran les exorcistes et autres maisons hantées.