Après BRAINDEAD, et alors qu'il prépare CRÉATURES CÉLESTES qui sortira en 1994, Peter Jackson soumet un synopsis de deux pages à divers producteurs. Il atterrit entre les mains de Robert Zemeckis, qui vient d'enchaîner toute une série de comédies fantastiques à succès depuis le milieu des années quatre-vingts : RETOUR VERS LE FUTUR et ses deux suites, QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ? et LA MORT VOUS VA SI BIEN. Ayant apprécié le film de marionnette trash de Peter Jackson LES FEEBLES, il accepte de produire ce nouveau métrage, FANTÔMES CONTRE FANTÔMES, ouvrant ainsi les portes de Hollywood au jeune réalisateur néo-zélandais.
Celui-ci tourne d'abord CRÉATURES CÉLESTES, inspiré d'un vrai fait divers, et montre ainsi un nouveau visage de son cinéma, tourné vers le drame et la psychologie féminine. L'ex-sale gosse des antipodes récolte alors un Lion d'Argent à la Mostra de Venise, remis par un jury présidé par David Lynch. Il sort ainsi du ghetto du cinéma Gore.
Après CRÉATURES CÉLESTES, il retourne à la comédie horrifique avec FANTÔMES CONTRE FANTÔMES. Mais il s'agit d'une comédie horrifique plus calme que ses précédents excès. Il déclare ainsi viser une classification PG-13 (bien que la commission américaine lui imposera un plus sévère classement R).
Il réalise donc cette histoire de fantômes avec en vedette Michael J. Fox, la star de RETOUR VERS LE FUTUR ayant été contacté par Robert Zemeckis et ayant apprécié CRÉATURES CÉLESTES. Peter Jackson peut tourner son film tranquillement dans son pays, loin de Hollywood, avec sa propre équipe d'effets spéciaux. Soutenu par son producteur lui-même pionnier des trucages numériques (sur RETOUR VERS LE FUTUR 2 et LA MORT VOUS VA SI BIEN en particulier), il met sur pied un atelier avec lequel il peut expérimenter des effets optiques alors innovants.
Il recrute de nombreux comédiens connus des amateurs de film d'épouvante : John Astin (Gomez dans la première série de «LA FAMILLE ADDAMS»), Dee Wallace Stone (LA COLLINE A DES YEUX de Wes Craven) et surtout Jeffrey Combs (vedette du RE-ANIMATOR de Stuart Gordon, influence notoire de la période Gore de Peter Jackson).
Frank Bannister a le pouvoir de communiquer avec les morts. Il monte quelques escroqueries avec des amis fantômes et se prétend "détective psychique". Tout va bien jusqu'à ce que le fantôme d'un Serial Killer sème la terreur dans la ville...
Avec cette comédie fantastique, ponctuée de scènes d'action et d'effets spéciaux, Peter Jackson se rattache à une tradition remontant au classique FANTÔME À VENDRE, tourné en Grande-Bretagne en 1935 par le français René Clair. Cet influent métrage a essaimé dans le cinéma américain où se sont ensuite multipliées les comédies avec des anges (HONNI SOIT QUI MAL Y PENSE, LA VIE EST BELLE), des fantômes (L'AVENTURE DE MADAME MUIR), des sorcières (MA FEMME EST UNE SORCIÈRE), des sérums rajeunissants (CHÉRIE, JE ME SENS RAJEUNIR), le Diable lui-même (LE CIEL PEUT ATTENDRE)...
Cet âge d'or de la comédie fantastique s'est surtout déroulé dans les années quarante, mais il connaît des échos plus tardifs. Par exemple au début des années quatre-vingts avec S.O.S. FANTÔMES et ses chasseurs de spectres farfelus, lesquels ont sans doute influencé FANTÔMES CONTRE FANTÔMES. Le genre connaît d'autres succès marquants quelques années avant FANTÔMES CONTRE FANTÔMES, avec BEETLEJUICE de Tim Burton ou LA FAMILLE ADDAMS de Barry Sonnenfeld.
FANTÔMES CONTRE FANTÔMES est une vraie réussite pour Peter Jackson, qui prouve ici qu'il peut maîtriser un film au budget conséquent. Basé sur un excellent scénario, réalisé avec beaucoup de soin, très bien interprété, ce métrage montre que ce réalisateur est capable de beaucoup de professionnalisme. Il intègre parfaitement des effets spéciaux en images de synthèse dans son récit, nous présentant une impressionnante grande Faucheuse.
Celle-ci s'inscrit dans la tradition de celles présentées par Terry Gilliam dans LES AVENTURES DU BARON MUNCHAUSEN, et aussi dans un sketch bergmanien vu dans MONTY PYTHON, LE SENS DE LA VIE. Les Monty Python ont toujours été, nous nous en rappelons, une influence revendiquée par Peter Jackson pour son humour macabre et absurde. FANTÔMES CONTRE FANTÔMES propose aussi des fantômes très crédibles, même si certains de ses effets ont rapidement vieilli (l'enfer).
Les fans de la première heure de Peter Jackson regrettent tout de même que la réalisation se soit faite plus lisse et propre par rapport à ses premiers films. La musique très hollywoodienne de Danny Elfman (compositeur alors attitré de Tim Burton) est ici envahissante.
Néanmoins, Peter Jackson sait garder son sens de l'humour délirant qui faisait tout le charme de BAD TASTE ou BRAINDEAD. Il confie à Jeffrey Combs le rôle d'un agent du FBI spécialisé dans le paranormal, souffrant d'une santé mentale très endommagée ! Jackson se régale en le laissant cabotiner dans de longues scènes hilarantes. De même, les passages concernant les amis fantômes de Bannister sont très drôles (notamment Judge, vieux spectre perdant régulièrement des os).
Réussi, porté par le parrainage prestigieux de Robert Zemeckis et technologiquement innovant, FANTÔMES CONTRE FANTÔMES a tout pour offrir un succès international à Peter Jackson. Le film est pourtant accueilli tièdement, aussi bien en ce qui concerne la critique que le public.
Peter Jackson envisage ensuite de réaliser pour Universal (studio producteur de FANTÔMES CONTRE FANTÔMES) un nouveau remake de KING KONG, titre qui aurait alors rejoint la vague des relectures des grands mythes du cinéma fantastique apparue après le succès de BRAM STOKER'S DRACULA. La réception mitigée de FANTÔMES CONTRE FANTÔMES a sans doute joué dans l'abandon – temporaire – de ce projet. Mais Peter Jackson le concrétisera une dizaine d'années plus tard, avec son KING KONG de 2005.
A l'époque de FANTÔMES CONTRE FANTÔMES, il a déjà dans sa besace un autre projet, avec le studio Miramax : celui d'adapter un grand classique de la littérature anglo-saxonne dont le titre est alors top secret. Il s'agit bien sûr du projet fou de transposer au cinéma LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, projet qui se concrétisera finalement chez le studio New Line et apportera à Peter Jackson la consécration mondiale.