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Critique du film
INNOCENT BLOOD 1992

 

En 1983, John Landis participe au film fantastique à sketchs LA QUATRIÈME DIMENSION, co-réalisé avec Steven Spielberg, George Miller et Joe Dante. Ce projet, collaboration entre toute une génération montante de jeunes réalisateurs, se transforme en tragédie suite à un accident qui se déroule sur le tournage du sketch tourné par John Landis. Cet accident entraîne la mort de trois acteurs dont deux enfants. S'ensuit un procès au long cours, exemplaire et largement médiatisé.

Pourtant, la carrière de John Landis n'est pas enterrée car il connaît la même année un énorme succès avec la comédie financière UN FAUTEUIL POUR DEUX, interprétée par Dan Aykroyd et Eddie Murphy. Landis poursuit donc sa carrière, même s'il s'éloigne pour presque une décennie du fantastique.

Il aligne ainsi le Film Noir grinçant SÉRIE NOIRE POUR UNE NUIT BLANCHE de 1984, DRÔLES D'ESPIONS de 1985 avec Chevy Chase et Dan Aykroyd, et 3 AMIGOS de 1986, western parodique avec Chevy Chase et Steve Martin. Il participe aussi à l'inclassable et délirant CHEESEBURGER FILM SANDWICH, puis rencontre de nouveau un énorme succès commercial avec Eddie Murphy, pour UN PRINCE À NEW YORK de 1988.

Les résultats mitigés de L'EMBROUILLE EST DANS LE SAC de 1990 (remake de la comédie française OSCAR, avec Sylvester Stallone dans le rôle tenu initialement par Louis de Funès !) encourage le réalisateur du LOUP-GAROU DE LONDRES à revenir à un projet d'épouvante modeste. C'est chose faite avec INNOCENT BLOOD dans lequel il aborde le thème des vampires. Il met en vedette l'actrice française Anne Parillaud, remarquée par les Américains grâce à NIKITA de Luc Besson. A ses côtés, nous reconnaissons entre autres Chazz Palminteri (USUAL SUSPECTS), Robert Loggia (SCARFACE) et aussi quelques réalisateurs venus faire des apparitions-clins d’œil (Dario Argento, Sam Raimi ou Frank Oz).

Le début des années quatre-vingt-dix marque le retour en force des vampires. Certes, le genre a connu une belle réactualisation au milieu des années quatre-vingts. Mais il s'agissait de films à budgets relativement modestes : VAMPIRE... VOUS AVEZ DIT VAMPIRE ? de Tom Holland, AUX FRONTIÈRES DE L'AUBE de Kathryn Bigelow ou GÉNÉRATION PERDUE de Joel Schumacher.

Les choses changent quand Francis Ford Coppola prépare un coûteux BRAM STOKER'S DRACULA qui sortira quelques semaines après INNOCENT BLOOD. Les films de vampires se multiplieront alors, d'autant plus que BRAM STOKER'S DRACULA va connaître un très beau succès. Parallèlement sort un autre petit film vampirique : BUFFY, TUEUSE DE VAMPIRES, qui engendrera une série télévisée archi-populaire : BUFFY CONTRE LES VAMPIRES ! Arrivent aussi ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE de Neil Jordan, UN VAMPIRE À BROOKLYN de Wes Craven avec Eddie Murphy, puis la parodie DRACULA, MORT ET HEUREUX DE L'ÊTRE de Mel Brooks, avec Leslie Nielsen dans le rôle-titre.

Avec INNOCENT BLOOD, John Landis apporte une vision moderne du vampirisme, à la fois pour le contexte et pour l'approche de ce grand mythe du fantastique. En cela, il suit la même démarche que pour LE LOUP-GAROU DE LONDRES. Marie est une belle vampire, vivant dans une grande métropole américaine pendant les années quatre-vingt-dix. Pour se nourrir de sang, elle choisit ses victimes parmi la racaille de la ville. Quand elle apprend qu'une guerre des gangs s'amorce, elle se réjouit de cette situation qui va lui permettre un ravitaillement facile et sans remous. Une mort violente de plus ou de moins ne fera en effet pas une grande différence au milieu de ce carnage.

Dans INNOCENT BLOOD, les vampires, quasi invulnérables, ne sont détruits que par les rayons du soleil ou lorsqu'ils sont atteints au cerveau. Par contre, ils ne craignent guère les crucifix (Marie va même se réfugier dans une église), ni certaines pratiques du style "pieu dans le cœur".
 
Ici, les vampires ont autant besoin de sang que de sexe. Cette innovation permet de renforcer l'érotisme inhérent à ce style - particulièrement depuis LE CAUCHEMAR DE DRACULA de la Hammer. John Landis trouve avec Anne Parillaud l'actrice idéale pour tenir ce rôle : belle, sexy, consciente de son pouvoir de séduction, elle interprète à merveille cette femme-vampire indépendante et attachante. Nous apprécions ainsi la magnifique nuit d'amour que Marie passe avec Joe Gennaro, point culminant de l'histoire d'amour entre la vampire et le policier. Il s'agit peut-être du passage le plus réussi du film.

Marie est une vampire qui a une morale. A ce titre, elle va affronter un dangereux non-mort qu'elle a, malgré elle, lâché sur la ville : le gangster Sal "The Shark" Macelli.

En effet, un soir, elle s'en est prise à Sal, gros bonnet du quartier. Interrompue alors qu'elle le vide de son sang, elle doit fuir précipitamment. Le gangster survit et découvre progressivement ses nouvelles facultés de vampire. Conscient de ses grands pouvoirs, Sal s'en sert pour écraser les autres gangs et devenir un parrain redouté. Plus rien ne l'empêche d'assouvir son appétit de pouvoir.

Marie devient alors à la fois vampire et chasseuse de vampires, cherchant à réparer sa maladresse, c'est-à-dire à détruire Sal. Robert Loggia, excellent en parrain psychopathe, annonce déjà sa composition mémorable de Mister Eddy dans LOST HIGHWAY.

Comme pour LE LOUP-GAROU DE LONDRES, Landis s'appuie sur une solide connaissance du genre abordé et sur un grand respect de ses composantes essentielles. Ici, le sexe et le sang mènent le bal. Certes, l'intrigue est transcrite dans un univers contemporain qui a peu à voir avec les souvenirs gothiques des films Hammer ou Universal (DRACULA de Tod Browning).

Mais Landis donne à sa cité les tons noirs, rouges et ors employés avec génie par le chef-opérateur Jack Asher dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA. De plus, il multiplie, comme il en a l'habitude, les citations de classiques à travers des extraits entrevus sur des téléviseurs par exemple (DRACULA, le final du CAUCHEMAR DE DRACULA). S'il y a des éléments de comédie dans INNOCENT BLOOD, ils ne sont jamais aux dépends du mythe des vampires. Ainsi, Marie, le personnage qui incarne le plus une idée noble et authentique du vampire, n'est jamais tournée en dérision.

Néanmoins, INNOCENT BLOOD souffre de certaines faiblesses. En cherchant à mêler épouvante et parodie de films de gangsters (que Landis a déjà pratiqué avec L'EMBROUILLE EST DANS LE SAC), il a parfois du mal à à trouver un bon équilibre. Le film met beaucoup de temps à démarrer (Sal ne devient vraiment un vampire efficace qu'à la fin du film) et les univers de Marie et de la Mafia ne s'affrontent que tardivement. Le tout paraît d'un intérêt inégal et laisse un arrière-goût de frustration. Nous regrettons encore une réalisation de John Landis parfois impersonnelle, efficace certes, mais manquant d'un véritable panache visuel.

INNOCENT BLOOD est néanmoins un film riche, ambitieux et bénéficiant d'une excellente interprétation. Nous regrettons seulement un manque d'unité dans son récit.

Il connaît cependant un accueil public très mitigé. Landis s'oriente alors ensuite vers des projets non fantastiques et très commerciaux, comme les suites tardives LE FLIC DE BEVERLEY HILLS 3 ou BLUES BROTHERS 2000. Sans vraiment retrouver les faveurs du public...

Il ne reviendra à l'horreur que tardivement, avec CADAVRES À LA PELLE de 2010, relecture de l'affaire des résurrectionnistes d’Edimbourg, laquelle a déjà donné lieu à des classique comme LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES ou L'IMPASSE AUX VIOLENCES. Après INNOCENT BLOOD, Anne Parillaud renonce à travailler aux États-unis, et ne va pratiquement plus le faire que sur des projets européens.

Tout au long des années quatre-vingt dix, les vampires resteront quant à eux une valeur sûre pour le fantastique au cinéma, avec des titres aussi variés et populaires qu'UNE NUIT EN ENFER de Robert Rodriguez, qui panache Néo-Noir et épouvante, VAMPIRES de John Carpenter au fort goût de western, ou même un certain BLADE, premier long métrage d'une très longue série de films Marvel !

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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