Header Critique : LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE (MEMOIRS OF AN INVISIBLE MAN)

Critique du film
LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE 1992

MEMOIRS OF AN INVISIBLE MAN 

Après le bide retentissant du film 20th Century Fox LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN en 1986, John Carpenter se place en marge des grands studios et tourne en toute liberté deux petites productions pour la compagnie Alive : PRINCE DES TÉNÈBRES et INVASION LOS ANGELES.

Peu onéreux (chacun coûte environ quatre millions de dollars), ces films s'avèrent tout à fait rentables. Carpenter reprend confiance et après plusieurs années d'inactivité, réalise une grosse production de commande (quarante millions de dollars de budget) pour la Major Warner Bros : LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE.

Ce métrage est l'idée de l'acteur Chevy Chase. Venu de l'émission télévisée «SATURDAY NIGHT LIVE», ce comique connaît au début des années quatre-vingts des gros succès au cinéma comme LE GOLF EN FOLIE ! de Harold Ramis et surtout BONJOUR LES VACANCES du même réalisateur, qui possède trois suites au cinéma. L'étoile de Chevy Chase pâlit au début des années quatre-vingt-dix, avec notamment TRIBUNAL FANTÔME de Dan Aykroyd, qui est un fiasco.

Chevy Chase acquiert les droits du roman «Mémoires d'un homme invisible» de Harry F. Saint dès 1986. Il est convaincu que John Carpenter est le réalisateur idéal car avec STARMAN, ce dernier a mêlé avec succès fantastique et romance. Or, Chase envisage de changer d'image de marque. Las de jouer les rigolos, il veut un rôle sérieux, dramatique. Outre Chevy Chase, le casting met en vedette Daryl Hannah (BLADE RUNNER, SPLASH) et Sam Neill (POSSESSION, CALME BLANC).

Nick Halloway est un yuppie riche et arrogant vivant à San Francisco. Il se rend à une conférence scientifique se tenant dans un bâtiment accueillant d'importantes expériences. Quelque chose se passe mal et Nick est pris dans une étrange explosion. Il se retrouve... totalement invisible !

Dès lors, il est traqué par David Jenkins et ses hommes, de sinistres agents des services secrets américains. Ils veulent utiliser Nick dans des missions d'espionnage. Il leur échappe, mais il doit désormais vivre "caché" (ce qui n'est guère difficile, vu qu'il est invisible !). Il se réfugie dans la villa d'un ami, située dans une région côtière isolée et y retrouve Alice, une amie...

A priori, la présence de Chevy Chase dans le rôle de ce nouvel homme invisible laisse présager un traitement comique du sujet. Et effectivement, nous trouvons des éléments humoristiques dans ce film. Néanmoins, sa structure est avant tout celle d'un récit d'espionnage.

Carpenter avoue avoir voulu inscrire LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE dans la tradition du classique LA MORT AUX TROUSSES d'Alfred Hitchcock. Des espions y traquaient Cary Grant et tentaient de l'assassiner car il le prenaient pour un agent ennemi. Le personnage interprété ici par Sam Neill rappelle la froide cruauté de celui incarné par James Mason dans LA MORT AUX TROUSSES.

La première demi-heure des AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE évoque donc une comédie fantastique d'espionnage, dans laquelle le thème de l'invisibilité est traité sur un ton à la fois comique (les situations sont cocasses) et aigre (elles sont aussi tragiques). Le résultat manque parfois d'originalité. Le style discret de la réalisation donne plus l'impression de regarder une œuvre de John Landis ou de Joe Dante qu'un film de Carpenter. Pourtant, cela se regarde sans ennui.

Dès lors que Nick se réfugie dans la villa, le récit bifurque vers une approche dramatique et aussi romantique. La relation amoureuse avec Alice prend le pas sur le récit d'espionnage et sur les projets de vengeance de Nick. Si bien que ces éléments restent sur une impression d'inachevé. Chevy Chase prend son public à rebrousse-poil en jouant un personnage tragique. Mais même la satire "anti-yuppie" manque de mordant - ce qui étonne de la part du réalisateur qui vient de livrer l'engagé INVASION LOS ANGELES.

En fin de compte, LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE se conclut sur quelques médiocres scènes d'action, censées ramener le spectateur dans l'intrigue d'espionnage. Mais celle-ci ne l'intéresse plus guère, lassé qu'il est d'être ballotté d'un film à l'autre au gré d'un script mal équilibré.

Certes, nous trouvons une réalisation compétente, de bons acteurs et des effets spéciaux surprenants - révolutionnaires même pour l'époque, qui est celle des balbutiements des trucages numériques.

Mais le résultat global reste quelconque. Carpenter avouera lui-même sa déception, se considérant trahi par les cadres de Warner qui ne lui ont pas donné le temps de bien faire son travail et ont remonté contre son gré certaines parties du film.

LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE est donc décevant dans l’œuvre de Carpenter. A sa sortie, il connaît un gros échec commercial, aussi dur pour Chevy Chase que pour John Carpenter.

Ce dernier se fait alors discret : il travaille avec Tobe Hooper sur un film à sketchs pour la télévision (BODY BAGS de 1993). Il faut attendre 1995 pour le voir sortir deux films au cinéma : le décevant VILLAGE DES DAMNÉS et le chef-d’œuvre L'ANTRE DE LA FOLIE.

Avec HOLLOW MAN en 2000 de Paul Verhoeven, le thème de l'homme invisible sera de nouveau traité dans une grosse production américaine, cette fois sur un ton clairement horrifique.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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