Herbert West, brillant étudiant en médecine, poursuit ses recherches à l'université Miskatonic d'Arkham. Daniel Cain, un autre étudiant, lui loue une partie de sa maison. Herbert West se montre très intéressé par la cave. Un soir, le chat de la famille est retrouvé mort dans le frigidaire de West...
Stuart Gordon ne commence pas sa carrière de metteur en scène directement au cinéma. Avant son premier film, il dirige avec son épouse Carolyn Purdy-Gordon des troupes de théâtre, notamment à Chicago où il fait l'essentiel de sa carrière avec l'Organic Theater. Constatant que certains de ses acteurs travaillent pour le cinéma, il décide de tourner lui aussi un long-métrage.
Comme de nombreux réalisateurs du genre horreur des années soixante-dix et quatre-vingts, il ne se lance pas dans l'épouvante par goût, mais parce qu'il s'agit d'un genre peu onéreux et facilement rentable.
Sur le conseil d'un ami, il s'intéresse à «Herbert West, Réanimateur», une nouvelle de Lovecraft, en fait sa première production rémunérée. Il s'agit d'une relecture Pulp de «Frankenstein», que Lovecraft considérait comme une de ses œuvres les plus déplorables. A part la mention de la ville imaginaire d'Arkham et de son université Miskatonic, elle n'a aucun rapport avec la mythologie de Cthulhu et autres Grands Anciens qui ont fait la notoriété posthume de l'ermite de Providence.
Stuart Gordon rentre en contact avec un producteur disposant d'une somme d'argent à investir : il s'agit de Brian Yuzna, avec lequel il s'entend bien. Le film devra être distribué par la compagnie Empire de Charles Band, déjà bien engagée dans le cinéma fantastique de série B.
Gordon va ainsi bénéficier de l'aide de techniciens expérimentés ayant déjà œuvré sur d'autres films Empire comme PARASITE, FUTURE COP ou GHOULIES. Gordon a donc le support du chef-opérateur Mac Ahlberg, qui va en fait prendre en charge l'essentiel de la partie technique du métrage. Le superviseur des effets spéciaux est John Carl Buechler, appelé à devenir une célébrité de son métier à partir de RE-ANIMATOR.
Richard Band, frère de Charles, compose une musique pastichant de manière excentrique celle de Bernard Herrmann pour PSYCHOSE. Il pose ainsi le ton humoristique du métrage dès le générique. Pour incarner Herbert West, savant fou réanimateur de cadavres, il rencontre Jeffrey Combs, alors cantonné au théâtre et à de petits rôles de cinéma. L'acteur va devenir un visage familier de l'horreur grâce à RE-ANIMATOR. Gordon découvre aussi Barbara Crampton, cette dernière allant être une vedette récurrente des productions de Charles Band et des films de Stuart Gordon.
Roger Corman est le premier à voir en Lovecraft une source d'inspiration pour le cinéma, en adaptant «L'affaire Charles Dexter Ward» en 1963, sous la forme de LA MALÉDICTION D'ARKHAM avec Vincent Price. D'autres tentatives suivent dans les années d'après, mais seul THE DUNWICH HORROR de Daniel Haller, malgré ses défauts, s'en sort honorablement, en cherchant à être fidèle à la nouvelle «L'abomination de Dunwich».
RE-ANIMATOR arrive donc à un moment où les adaptations de Lovecraft au cinéma n'ont pas encore fait leur preuve, que ce soit artistiquement ou commercialement. La notoriété de l'écrivain est pourtant déjà bien établie.
Par rapport à «Herbert West, Réanimateur», RE-ANIMATOR se montre irrévérencieux. Certes, il respecte l'aspect Gore du texte, mais il ajoute une forte dose d'humour noir.
Ce sens de l'absurde et du mauvais goût fait la valeur du métrage. Ce n'est pas tous les jours qu'une tête coupée ressuscitée pratique un cunnilingus sur une jeune fille ligotée ! Et que dire de ces intestins baladeurs qui enserrent leurs victimes comme de gros serpents !
La réalisation de Stuart Gordon et le travail de son monteur Lee Percy (qui officie la même année sur TERMINATOR) donnent au film une pèche impressionnante. Nous sommes proche des dessins animés de Tex Avery dans lesquels les personnages explosent, volent ou tombent en petits morceaux.
N'oublions pas de mentionner l'interprétation extraordinaire de Jeffrey Combs dans le rôle d'un Herbert West hystérique, froid, maniaque toujours prêt à lâcher une remarque cinglante : "Personne ne croira une histoire racontée par une tête coupée, alors allez vous chercher un boulot dans un cirque !" lance-t-il à un médecin concurrent, décapité et ressuscité, qui menace de lui voler sa découverte.
La seule présence de Jeffrey Combs fait de RE-ANIMATOR un régal pour les amateurs de comédie macabre. Malgré l'astuce des effets spéciaux, les limites financières de cette petite production sont parfois sensibles. Certains trucages sont inégaux (bien que la plupart soient excellents), nous notons quelques acteurs fades.
Pourtant, RE-ANIMATOR reste un grand moment de gore et d'humour typique de sa décennie, à revoir ou à découvrir sans attendre ! Ce petit film connaît un accueil critique remarquable, dès sa présentation dans le cadre du Festival de Cannes. Il récolte des prix dans des festivals spécialisés, à Avoriaz et Sitges. En France, il connaît un petit succès commercial, inattendu au vu de ses origines très modestes.
Dans les salles américaines, il sort «Unrated» (sans classification et sans coupure), dans la foulée du RETOUR DES MORTS-VIVANTS et du JOUR DES MORTS-VIVANTS. Nous sommes à un moment où le genre zombiesque retrouve de son mordant.
Dans ce contexte, RE-ANIMATOR acquiert une notoriété qui se trouve démultipliée grâce à l'essor du marché de la vidéo de cette époque. Avec son succès et celui de GHOULIES, le petit studio Empire connaît une croissance inattendue, laquelle aboutit à une productivité intense durant les trois années suivantes, avant qu'il ne fasse faillite.
Herbert West va rester une figure populaire de l'épouvante au cinéma, RE-ANIMATOR allant connaître deux suites réalisées par Brian Yuzna, avec le bon RE-ANIMATOR 2 : LA FIANCÉE DE RE-ANIMATOR en 1990 puis l'intéressant BEYOND RE-ANIMATOR en 2003.
Stuart Gordon persévère dans sa collaboration avec Charles Band et Brian Yuzna après RE-ANIMATOR. A travers RE-ANIMATOR, il apporte une notoriété cinématographique à Lovecraft, qu'il adaptera de nouveau à trois reprises, avec les réussites que sont FROM BEYOND, CASTLE FREAK puis DAGON.
Très sous-estimé, Stuart Gordon, cinéaste intelligent, provocateur et dénué de toute niaiserie, ne connaîtra jamais le gros succès commercial qui lui aurait permis de toucher le plus grand public. Il gardera cependant une certaine côte auprès de la critique spécialisée dans le fantastique, au gré de séries B de bonne tenue comme FORTRESS ou SPACE TRUCKERS. A la fin de sa carrière, il s'orientera plus vers le Film Noir, où son regard acéré sera tout à fait à sa place.