Le roi Cromwell (Richard Lynch) ressucite un sorcier nommé Xusia (Richard Moll) afin de prendre le pouvoir sur les riches terres de son rival le roi Richard (Christopher Cary). Voyant son père le roi et sa mère se faire massacrer, le jeune prince Talon (Lee Horsley) revient plusieurs années après, armé d’une épée à trois lames, afin d’opérer sa vengeance.
On ne sait pas trop ce qui est passé par la tête de la Gaumont en 1982 lorsque la firme à la marguerite achète les droits pour THE SWORD AND THE SORCERER, qui sortit chez nous sous le titre de L’EPEE SAUVAGE. Affiche rutilante à la clé et qui bénéficia d’un petit succès estival avec 287 806 entrées.
Très loin du raz-de-marée aux USA où le film généra plus de 39 millions de $ de recettes à l’époque (soit 117 millions en 2022) et qui resta longtemps comme l’un des films les plus rentables qui soient - pour un budget initial de 1.5 millions. Pas mal pour une série B qui ne se destinait pas à autant de célébrité.
Le film connut une diffusion sur divers formats dans des éditions DVD plus ou moins douteuses, à la qualité très disparate. Shout! effectue ainsi une percée qualitative notable en lançant sur le marché un Blu Ray/UHD le 15 mars 2022, qui permet de voir le film enfin dans de bonnes dispositions. Le décès récent du réalisateur en date du 26 novembre 2022 rend cette sortie encore plus nostalgique, pour ce film qui initia sa carrière.
Doté d’une réelle ambition en termes visuels et scénaristiques, compte tenu du budget, THE SWORD AND THE SORCERER parvient à émerger du cycle Heroic Fantasy des années 80 grâce au parfait timing de sa sortie. Venant juste après EXCALIBUR, tourné au moment de la sortie des AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE et juste avant CONAN LE BARBARE.
De l’autre côté du spectre, on pourra trouver des avatars fauchés comme la saga des DEATHSTALKER (dont la nudité, la sorcellerie et l’épée viennent clairement de THE SWORD AND THE SORCERER!) ou encore BARBARIAN QUEEN chez Corman, la ribambelle d’horreurs transalpines comme SANGRAAL ou le ridicule ATOR 2 ou pire ATOR, LE GUERRIER DE FER qui mirent le dernier clou au cercueil du genre.
THE SWORD AND THE SORCERER se situe au beau milieu de ce fatras, solide garant de la série B ricaine à l’ancienne. Il arrivait à point nommé, bardé d’effets visuels réussis et de maquillages particulièrement élaborés. Pyun choisit une palettes de couleurs vibrantes et baroques pour illustrer son propos - un choix aux antipodes d’un film comme CONAN LE BARBARE qui, lui, optera pour quelque chose de beaucoup plus monochromatique. Les choix d’une ambiance ténébreuse et oppressante guident les scènes et l’ensemble se déroule parfois dans la pénombre - le grain du film s’en ressent.
Les débordements gore du film ont également bénéficié d’un bon timing. Au moment où la vague de slashers violents fit prendre à la MPAA de l’époque des décisions de retoquer leurs règles afin de diminuer la violence à l’écran. Le film arriva juste avant cette décision.
Toute la magie (et les limites) des budgets étriqués du début des années 80 se posent là. Il faut également bien replacer le contexte dans lequel le film se fit. A savoir un marché vidéo balbutiant, une distribution état par état… il n’y avait qu’un seul médium de diffusion véritable : les salles de cinéma, où se jouait le destin d’un film. Et ici, le producteur distributeur Brandon Chase, sortant du succès de L’INCROYABLE ALLIGATOR, orchestra le tout de main de maître - jusque’à s’octroyer un «A Brandon Chase film» au générique, ce qui donne le ton sur ce qu’il se passa lors du montage du film (explications plus bas dans le détail des bonus de la galette)
Ne se prenant pas toujours au sérieux, Pyun opta pour un ton glissant vers les films de pirates des années 50 - on pense beaucoup à Errol Flynn !- et tentant par tous les moyens de mettre tout l’argent à l’écran - et même au-delà. Et il y parvint, malgré les scories ça et là.
Il faudra faire l’impasse sur des personnages secondaires peu travaillés, surtout en milieu du long-métrage. L’arrivée de Simon MacCorkindale demeure quelque peu étrange, comme s’il paraissait à la fois inutile et manquant d’épaisseur. Il s’agit d’une des limites du long-métrage : un scénario trop dense pour son propre bien, alors que la caméra réussit à donner dans l’épique.
Ce mélange de sorcellerie, de créatures infernales, la très bonne trouvaille de l’épée aux 3 lames éjectables, fonctionne surtout en mode nostalgie aujourd’hui. Certains traits de l’intrigue, se prenant parfois trop au sérieux, versent dans un humour involontaire qui pourra prêter à sourire - dans le mauvais sens du terme compte tenu de nos références accumulées depuis. Les plus anciens d’entre nous s’émerveilleront de la qualité des effets mécaniques et des maquillages. Dans le rôle du sorcier Xusia, Richard Moll a vécu un enfer et on le voit très bien à l’écran.
Tout ce qui deviendra le style visuel de Pyun connait ses premières armes ici. Le sens aigu de la chorégraphie des combats - qu’on retrouvera dans NEMESIS ou encore MEAN GUNS -, les angles de prises de vues audacieuses, la photographie aux couleurs éclatantes, le goût de la désolation, le sens de l’absurde et de l’improbable. Son hommage indirect à la série des BABY CART, aux films de Chanbara, et son découpage proche du style « anime » selon ses propres termes, ajoutent au charme discret du film. Ce que peu auront décelé à sa sortie.
THE SWORD AND THE SORCERER reste bourré d’idées visuelles, et on sent que la créativité de Pyun a pu être mise à mal via les limites budgétaires et le contrôle qui lui échappa graduellement sur le produit final. Qu’importe, le plaisir de voir enfin ce petit joyau d’heroïc fantasy dans les meilleures conditions possibles lui rend du lustre et fait passer les défauts inhérents à ce type de production.
Le Blu Ray BD 50 1080p codé région A (je n’ai pas pu tester le disque 4K) offre le film au format 1.85:1 et d’une durée complète de 99mn32.
La photographie de Joe Mangine prend toute sa dimension via les éclairages savants (scènes de grotte) mais également dans des extérieurs complexes à photographier, comme celle du débarquement du bateau. Le Blu Ray, via un scan 4K venant du négatif original, rend enfin hommage à ce travail technique de précision. Oubliés les DVD (version Anchor Bay de 2001) et autres copies douteuses. Les couleurs baroques éclatent à l’écran et le rouge écarlate du maquillage de Richard Moll est enfin visible.
Un menu animé élégamment et un accès facile aux différentes options complètent une interactivité attrayante - y compris la recherche par 12 chapitres.
Audio : un message d’information de l’éditeur précise que les éléments auxquels ils ont eu accès ne contenaient pas la piste audio d’origine. De ce fait, d’autres éléments ont été utilisés pour créer la piste stéréo - à noter que le remixage effectué par d’autres éditeurs contenait des erreurs directionnelles, cette solution a donc été abandonnée. On notera quelques éléments statiques ça et là. Mais cette piste DTS HD MA 2.0 demeure largement supérieure au mixage 5.1 qui spatialise à outrance sans pour autant donner le résultat escompté. (Avec sous-titres anglais amovibles). Ce mixage 5.1 vaut surtout pour la mise en évidence de la partition musicale.
Au rayon bonus, il sera visiblement difficile de surpasser ce que Shout! a concocté. A mon humble avis, si un éditeur français se décide à sortir une galette, il y a très peu de chances que cette somme de connaissances traverse aussi l’Atlantique. C’est donc sans trop de risques que je m’avance à dire qu’il s’agira pour longtemps de l’édition la plus complète que le film pourra connaitre.
D’abord le commentaire audio par le réalisateur en personne et modéré par le journaliste John Charles. Albert Puyn demeure prolixe. Ses souvenirs restent très précis, pour quasiment chaque plan, ses expériences, ses frustrations. L’émotion palpable éclate vers la 68e minute où sa voix est traversée par les larmes au moment où il évoque la première à Honolulu, nonobstant les critiques qui l’accablèrent - et qui l’accableront le long de sa carrière. Un mélange de passion qu’il sait transmettre avec une bonne dose de candeur - malgré sa maladie dont il a toujours parlée. Complet et nécessaire exercice : son testament. Pour anglophiles only, car les moindres détails, anecdotes, explications de plans sont en anglais. Si vous ne parlez pas encore cette langue, il est encore temps de vous y mettre. Quand on veut, on peut.
On poursuit les festivités avec une longue interview d’Albert Pyun. Il apparait quelque peu fatigué, parfois difficilement audible - les affres de sa maladie ont grandement entamé son physique, mais pas sa passion. Ce sera sa dernière apparition devant une caméra.
Il retrace sa carrière, depuis ses débuts en Super 8 à Hawaii, jusqu’à la gestation du film, provenant du succès d’EXCALIBUR, ses nombreux rejets de pitch chez différents producteurs. Intéressant de savoir tous les acteurs qui ont auditionné pour le rôle : Lorenzo Lamas, ou encore David Hasselhoff (et ses « jambes de poulet »!). les anecdotes vont bon train - notamment sur Richard Lynch étant « sous l‘effet de quelque chose » pour la scène où il brutalise Lee Horsley - où rien n’est simulé. Il revient aussi sur ses influences venant de sa carrière au Japon, la discipline qu’il s’imposait - et du fait qu’il soit « hors Hollywood », hors système et surtout venant d’Hawaii, ce dont il a visiblement souffert en terme de racisme latent. Il garde aussi une certaine amertume des obligations de nudité dont il ne voulait pas, ce que la production l’obligea à faire.
Le tournage fut émaillé de nombreux soucis,. Le pire étant le décès du cascadeur Jack Tyree - dont la mort filmée est restée à l’écran, à savoir la chute depuis la falaise, le tout expliqué dans un autre segment. Ce qui ajouta à l’ambiance délétère. Pyun avait peur de se faire virer tous les jours, notamment suite aux pressions, du premier assistant, du directeur photo Joseph Mangine et du monteur embauché. Il fut amené par la suite à être beaucoup plus précautionneux sur l’équipe engagée. Pas étonnant compte tenu des réguliers qui l’entourèrent pendant près de 20 ans. Quelque peu dépossédé de la responsabilité du tournage, les frictions montèrent. Lee Horsley menaçant de partir à plusieurs reprises entre autres, Pyun ne put jamais échanger avec David Whitaker sur la musique à composer (là aussi un autre segment abordé plus bas explique tout)… Hormis l’équipe des petites mains qui contribuèrent au succès du tournage, tous semblent rester sur une image amère.
A travers son intervention, on sent les tourments qui ont traversé le tournage, les frustrations et le sentiment de se faire déposséder de ses idées pour un produit qui lui échappa au final. « Dont get too attached to your work, ‘cause they’re gonna take it away from you » (« Ne soyez pas trop attaché à votre travail, car ils vous le prendront ») finit- il par lâcher. Ce que beaucoup de réalisateurs engagés par des studios ne se complaisent jamais à avouer. Ce manque de compromission dans le langage et les actes lui auront couté beaucoup.
Kathleen Beller, comme beaucoup d’acteurs qui ont œuvré dans des séries B, possède des souvenirs autres que les techniciens du film et une sorte de quasi condescendance envers le produit fini. Difficile de croire qu’elle ne savait pas dans quoi elle mettait les pieds - surtout qu’elle regrette en permanence que le film ne fut pas plus comique (?). Et que le sentiment demeure un film de « lycéens ». ce qui, compte tenu du résultat, semble très bizarre comme commentaire. Selon elle, Pyun n’était pas dans son élément et pas le maître sur le tournage, mais le premier assistant embauché par la production - et Brandon Chase.
Elle s’exprime sur les souvenirs de scènes avec Simon MacCorkindale, sa scène avec le serpent (sans cascadeuse, elle adore les serpents), Richard Lynch et sa méthode de travail,
Une vision complémentaire du tournage et notamment sur la toxicité qui régnait sur le tournage avec la production - sur l’argent qu’elle ne vit jamais et l’obligation de nudité, où elle finit par obtenir un body double. Qui eut elle aussi des soucis sur des scènes de totale nudité non prévues. Même si au final elle avoue qu’il ne s’agit « que d'un film bête et cheap » mais dont elle garde un bon souvenir après tout.
Shout! a également recueilli l’avis du monteur Marshall Harvey, qui s’occupait alors de films annonce comme DISCO FEVER ou encore L’INCROYABLE ALLIGATOR. Il reconnait implicitement son implication avec le producteur Bradley Chase et que Pyun ne put travailler avec le monteur de son choix. Ce qui semble attester du témoignage du metteur en scène qu’il fut écarté par la production au final. Il revient sur la musique du film, qui avait été prévendue au marché du film de Milan comme étant plus John Williams/Jerry Goldsmith qu’autre chose. D’où le souci avec Pyun qui a à nouveau été exempt de la décision et de la participation à la création musicale.
Ce qui résonne curieusement reste la référence constante à la nudité (même chose chez les frère Chiodo) comme étant fun. Ce qui est contredit par la seule femme interviewée, à savoir Kathleen Beller, qui témoigne de son côté de la manière très problématique dont cela fut opéré. Cool et normal pour les hommes. A l’inverse chez les femmes. Signe des temps.
Concernant John Stuckmeyer (ami d’enfance de Tom Karnowski qui était aussi le partenaire d’Albert Pyun au sein de leur société Filmwerks), il possède à son crédit le statut de co-producteur sur le film. Mais il travailla à plusieurs reprises avec le réalisateur, notamment sur VICIOUS LIPS ou encore LE TRÉSOR DE SAN LUCAS. Il raconte ici, de sa perspective, la genèse du projet, sa budgétisation, le processus créatif de Pyun et le manque de préparation de Brandon Chase et sa femme, habitués à des productions beaucoup plus modestes - mais surtout experts en distribution. Il met surtout en avant le côté guérilla du tournage, intense, avec de gros décors pour le budget - et de canaliser la capacité créatrice de Pyun. Mais d’avoir tous conscience qu’ils n’avaient aucun moyen de pression sur la production pour gouverner au mieux le tournage. Jusqu’à aller au procès avec Chase pour obtenir leur chèque de paye. Edifiant témoignage.
Pour les frères Chiodo, immortels auteurs de KILLER KLOWNS FROM OUTER SPACE et spécialistes en effets mécaniques (comme CRITTERS), ils abordent leur travail sur le tournage. A savoir l’autel et les têtes de morts animées et la crypte où le sorcier se réveille de l’au-delà. Ce qui démarra leur collaboration et leur carrière.
Concernant l’hommage au cascadeur Jack Tyree, les acteurs et techniciens reviennent sur le moment de sa mort lors de la chute du haut de la falaise, où il manqua la cible sécurisée et en mourut. Qu’il voulut également faire une cascade plus haute que celle prévue initialement. Il est évident que ce moment garde un impact sur chaque personne interviewée - tout comme les implications morales quant au fait de garder la chute mortelle dans le montage final. Emouvant et passionnant.
Allan Apone, spécialiste des effets spéciaux revient également sur son expérience pour le tournage. Notamment qu’il croyait être engagé pour un job de remplissage mais qu’il termina par effectuer les effets prosthétiques.
Shout! remet également le segment de Trailers from Hell expliqué par le monteur du film. Avec l’anecdote qu’Oliver Reed fut engagé pour effectuer la narration mais qu’il arriva totalement saoul et que l’option fut écartée, l’ensemble s’avérant inutilisable !
L’ensemble des bonus se termine par des films annonces, galeries photos et autres documents d’exploitation.