Carla, une mère de famille très occupée, vit seule
avec ses trois enfants, très modestement. Elle travaille et prend
des cours en même temps, dans l'espoir de trouver un emploi plus
intéressant et mieux payé que celui qu'elle occupe actuellement.
Un soir, alors qu'elle s'apprête à se coucher, elle est
assaillie par une force invisible et terrifiante.
L'EMPRISE est un film "violant". Dès les premières minutes du film, le spectateur est cloué à son fauteuil à l'instar de l'héroïne, sous l'assaut brutal de son "visiteur". Cette scène est la première d'une succession d'interventions toutes plus épouvantables les unes que les autres, y compris celles où l'assaut, au lieu d'être brutal, se transforme en une caresse sensuelle. Ce qui provoque ce sentiment, c'est bien sûr le viol que subit Carla, dont nous sommes les témoins impuissants et voyeurs. Le malaise que l'on ressent à la voir souffrir est accentué par la musique, si on peut qualifier ainsi la bande sonore qui accompagne les assauts dont elle est victime. Ces coups violents, répétitif ne s'arrêtent qu'à la fin du viol, ce qui les apparente aux coups de reins de son visiteur, faisant de la douleur qu'elle ressent à ce moment-là une notion presque palpable. On souffre aussi de ces assauts, et à cet égard, ce film est une représentation très efficace, bien que peu démonstrative, car rappelons que nous ne voyons jamais l'assaillant, de ce que peut représenter un viol. Celui-ci n'est d'ailleurs pas seulement physique, puisque la seule pénétration de l'intimité de sa chambre à coucher opère bizarrement sur le spectateur, qui se sent presque complice. Cette intrusion étant proche de l'impression de salissure que l'on peut ressentir après un cambriolage. Elle est donc ici victime d'un double viol, psychique et physique.
Le film comporte deux parties distinctes : d'abord, celle où Carla, confrontée à son esprit frappeur, se retrouve seule, désemparée, impuissante, car personne ne croit son histoire abracadabrante. Ce n'est que lorsque son amie verra de ses yeux la manifestation des forces démentes dont elle est victime que le film prend un nouveau tournant. Jusque-là, elle n'était confrontée qu'à des psychologues et psychiatres qui expliquaient son histoire selon des préceptes freudiens, n'hésitant pas à parler d'inceste, de sexualité coupable... A partir de là, le personnage de Carla change radicalement, trouvant presque la vie belle, malgré les assaut qui continuent. Elle n'est plus seule. Elle se sent beaucoup plus forte et commence à provoquer l'esprit, l'insultant et l'invitant à se montrer (s'il est un homme). Elle va également trouver les bons interlocuteurs : des parapsychologues. Contrairement aux premiers spécialistes, ces derniers admettent que nous vivons en présence de forces qui nous dépassent et dont les formes peuvent êtres très variées, les manifestations très différentes.
Cette opposition de deux sciences inexactes, mais dont une est reconnue tandis que l'autre reste dans les limbes des sciences occultes, est intéressante, en ce sens que nous sommes, nous spectateurs, témoins de la "véracité" des faits reportés par Carla. Le film nous suggère donc, dans l'histoire qui nous intéresse, que la parapsychologie est plus compétente car plus ouverte aux phénomènes extérieurs, tandis que la psychologie se borne à trouver les réponse dans le passé des patients qu'elle étudie. Dans celui de Carla, c'est donc très facilement que le Dr Sneiderman trouve l'origine des problèmes de la jeune femme : son père, son fils, le rapport qu'elle a eu avec les hommes... Clair comme de l'eau de roche, pour lui, comme du jus de boudin, pour elle.
Le réalisateur, Sidney J. Furie, a une filmographie des plus étonnantes. Autant L'EMPRISE est mis en image avec une rigueur irréprochable et un sérieux apportant une grande part à l'expérience du film, autant il est difficile de croire que le même cinéaste mettra en boite plus tard des produits aussi alimentaires que AIGLE DE FER (et quelques séquelles), LA PRISE DE BERVERLY HILLS, le soporifique HOMME DE LA SIERRA ou le décrié SUPERMAN IV. Pourtant, le Monsieur n'est pas manchot dès qu'il s'agit de réaliser puisqu'il était le maître d'oeuvre de IPCRESS : DANGER IMMEDIAT où il démontrait un talent indéniable lançant par là-même une série d'espionnage plus que recommandable mettant en scène l'agent Harry Palmer (Michael Caine).
THE ENTITY, tiré d'une nouvelle de Franck de Felitta, se base sur une histoire vraie. La femme dont s'inspire le livre aurait continué à vivre en subissant toujours les assauts de l'esprit. Il se trouve que cette notion de viol par des forces démoniaques existe depuis le Moyen-âge, à travers les incubes et les succubes. Si l'on s'en réfère à des histoires rapportées par des femmes victimes de ce genre de visites nocturnes, on constate que le phénomène n'est pas rare, bien au contraire. Mais il relève toujours de la superstition et des croyances populaires liées au domaine diabolique. Dans L'EMPRISE, il n'est à aucun moment fait référence au Diable, et le scénario prend le parti d'occulter l'origine éventuelle de l'esprit lubrique. Seule une très légère, et habile, allusion à Dieu et par extension au Diable sera intégrée à l'histoire, puisque nous y apprenons que le père de Carla était prêtre et que d'après les dires de la jeune femme, il ne s'encombrait pas des principes liés à l'exercice de sa fonction quand il s'agissait de tripoter sa fille. Pour parler de démons, un détail intéressant est que le psychiatre montre à sa patiente un classeur plein de dessins représentant des démons de tous poils, dans l'espoir de lui faire admettre que de tous temps, l'homme a représenté ses démons sous des formes toutes plus horribles les unes que les autres. Pour le docteur, toutes ces représentations sont des vues d'esprits torturés par la culpabilité, par des actes que la morale réprouve. L'esprit que la jeune femme affronte ici tient aussi du poltergeist, avec le cortège de manifestations parapsychiques liées à son apparition, à savoir une odeur nauséabonde, un froid intense, des objets qui volent et des murs qui tremblent.
Difficile de savoir pourquoi L'EMPRISE sort maintenant en DVD dans notre pays. Nous n'allons pas nous en plaindre, au contraire. Par contre, il est clair que l'éditeur a fait le strict minimum concernant ce titre. Le transfert au format cinéma respecté n'est pas de mauvaise qualité mais n'atteint pas les standards actuels de ce que l'on peut voir sur les DVD. Quelques petits défauts de pellicule et une définition qui ne touche pas la perfection font que cela reste largement regardable. Les plus gros griefs pourraient être faits à la compression, pas toujours au point surtout dans les séquences finales baignées dans des teintes rouges. D'un autre côté, les nombreuses séquences nocturnes sont plutôt bien retranscrites alors qu'il n'y a pas si longtemps voir ce film en vidéo était une horreur (format Pan And Scan compris !).
La bande sonore a été remixée en Dolby Digital 5.1. En réalité, il semblerait que le canal de graves ne reçoive aucune information et que les canaux arrière soient en mono. C'est un peu comme si la bande-son en Dolby Stéréo d'origine avait été codée en 5.1. Il y a donc un gain en ce qui concerne la précision sonore ainsi que la dynamique générale (les assauts musicaux sont plutôt tétanisants !). Une bonne réussite surtout si on doit comparer cette bande-son au doublage français. En effet, la version française fait bien pâle figure en regard de la version originale.
Le film s'achève en nous expliquant que l'histoire à laquelle nous venons d'assister est basée sur un fait réel (ce que l'on vous a déjà dit). A l'heure où le DVD permet enfin de donner plus d'informations sur des sujets très variés liés au film, le disque de L'EMPRISE vous laissera avec pas mal d'interrogations. Cette édition aurait peut-être pu essayer d'y répondre en nous donnant ne serait-ce qu'un petit texte sur le fait réel mais en lieu et place, il faudra se contenter d'une simple bande-annonce.
Il est très peu probable qu'un film comme L'EMPRISE puisse faire l'objet d'un tel traitement de nos jours. Produit par la Fox en 1981, ce film traite en effet de sujets très forts, comme l'inceste, le viol, qui auraient bien du mal à éviter le couperet de l'auto-censure aujourd'hui ou, au mieux, faire l'objet d'un scandale de la part des ligues moralisatrices. Bien sûr, tout n'est que suggéré ou invisible, mis à part le corps de Carla, enfin, celui que Stan Winston a recréé pour attouchements très spéciaux, mais il y subsiste toutefois une grande violence, accentuée par la bande sonore qui maintient le spectateur sous son... emprise.