Il existe dans l'histoire du cinéma des réalisateurs maudits,
vilipendés par la critique bien pensante, boudés par le
public et qui acquirent pourtant au fil des années un statut
de réalisateurs cultes. Parmi ces illustres cinéastes,
on trouve de grands noms comme Orson
Welles et bien sûr notre ami transalpin Joe
D'Amato.
Oui lecteur avide de DVD, alors que l'on trouve à travers le monde, des éditions dédiées à Lucio Fulci, Dario Argento, Umberto Lenzi ou Ruggero Deodato et à d'autre réalisateurs finissant en "O" ou "I", notre cher barbu n'a jamais connu les honneurs du disque numérique à part un ANTROPOPHAGOUS (George Eastman mangeant ses propres intestins, miam miam) censuré de tous les côtés en Zone 1 et certains films érotiques bas de gamme en Angleterre. Mais cette année, certains éditeurs décident enfin de nous montrer ses chefs-d'uvre. A commencer par le morbide BLUE HOLOCAUST chez Italian Shock qui continue sur sa lancée en nous offrant en même temps EMANUELLE AND THE LAST CANNIBALS, plus connu chez nous sous le titre de VIOL SOUS LES TROPIQUES.
Bon, attentif lecteur si tu ne connais pas Joe D'Amato, ni ce film, je peux comprendre. Tu as du être intrigué par la belle couverture du DVD montrant une déesse noire dénudée. Laura Gemser de son nom joua dans plus de 20 films de d'Amato et restera comme la plus grande actrice du cinéma érotique italien des années 70. Alors que Laura Antonelli s'amusait à déniaiser le jeune puceau dans MALICIA de Salvatore Sampieri, que Barbara Bouchet, Edwige Fenech ou la sublime blonde Gloria Guida se dénudaient pour le public dans des comédies burlesques, militaires ou grivoises, Laura Gemser s'abandonnait corps et âme dans l'érotisme pur et dur pour notre plus grand plaisir. Un corps superbe qu'elle n'hésite pas à montrer et à offrir à la gente masculine ou féminine, un regard sombre et un sourire à faire bégayer n'importe quel homme sur cette terre. Après être apparue dans EMMANUELLE 2 avec la magnifique Sylvia Kristel, elle conquiert le monde avec BLACK EMANUELLE en compagnie de la belle teutone Karin Schubert, fameuse Reine d'Espagne dans LA FOLIE DES GRANDEURS (elle finira dans le porno sous les coups de boutoir des très membrés John Holmes ou Rocco Siffredi), puis sous la caméra de Joe D'Amato avec EMANUELLE IN BANGKOK, EMANUELLE IN AMERICA avec notre ami Pedro le cheval (!), EMANUELLE AROUND THE WORLD ou EMANUELLE IN EGYPT avec la ravissante Annie Belle, etc., etc. Beaucoup de titres commençant par Emanuelle, D'Amato cherchant bien sûr en bon producteur à rentabiliser la formule mais en prenant soin d'enlever un "M" pour éviter des procès. Après avoir traversé le monde dans son rôle de photographe, avoir été torturée dans deux WIP (films de Women in Prison) devant la caméra de Bruno Mattei ou encore couché avec le grand Caligula, elle quitta le monde du cinéma à notre (mon) plus grand regret. Pendant ce temps D'Amato produisit le premier film de Michele Soavi (BLOODY BIRD) et finira par filmer les accouplements bestiaux de Rocco Siffredi et Tabatha Cash. Dommage pour cet excellent réalisateur qui n'eut jamais de reconnaissance mondiale.
Mais revenons à notre film ami lecteur. Emanuelle, notre Tintin du sexe, travaillant incognito dans un hôpital psychiatrique découvre une jeune fille qui semble avoir été en contact avec une tribu de cannibales. Sur son ventre se trouve un mystérieux signe tribal. Intriguée, Emanuelle part aussitôt pour la dangereuse forêt amazonienne où elle vivra de nombreuses aventures érotiques et des rencontres pour le moins horribles.
Sur un sujet assez simple D'Amato réalise néanmoins l'un de ses meilleurs films. Certains diront que ce n'est pas dur au vu de sa carrière cinématographique. Balayons ces mécréants. Effectivement Joe D'Amato n'a pas réalisé de véritables chefs-d'uvre comme un Argento ou un Fulci. Mais en bon artisan qu'il est, il ponctue ses films de scènes inoubliables dont tout fan de gore ou d'érotisme se souvient une larme à l 'il.
Mais revenons à notre film. La première demi-heure se concentre sur les recherches d'Emanuelle et sa rencontre avec un professeur joué par Gabriele Tinti, excellent acteur lui aussi dans LA FOLIE DES GRANDEURS ou LISA AND THE DEVIL (voire LA MAISON DE L'EXORCISME, c'est selon...) de Mario Bava et mari à la ville de Laura Gemser. Arrivée en Amazonie, Emanuelle fait la rencontre d'une jeune fille interprétée par Monica Zanchi, charmante actrice apparue dans SISTER EMANUELLE avec Laura Gemser. Accompagné par Donald O'Brien (ZOMBIE HOLOCAUST) et Susan Scott notre petite troupe part à l'aventure.
EMANUELLE AND THE LAST CANNIBALS est un excellent mix entre l'érotisme et l'horreur. Erotisme avec des nombreuses scènes où toutes les actrices apparaissent nues à l'écran. Bien sûr, fripon lecteur, si tu fantasmes sur Playboy Channel ou Pamela Anderson, tu peux passer ton chemin. Par contre si le charme et le physique des actrices des années 70 te mettent l'eau à la bouche et bien tu dois déjà avoir ce DVD posé soigneusement sur ton étagère.
Que ce soit Monica Zanchi se caressant amoureusement et en gros plan (scène coupée dans de nombreuses copies) pendant qu'elle regarde Laura Gemser et Gabriele Tinti faisant l'amour, ou la non moins sublime Susan Scott (de son vrai nom Nieves Navarro) fantasmant sur son porteur noir et allant copuler gentiment avec lui dans la savane sous l'il de son mari. Sans oublier cette très belle scène nous montrant Laura et Monica se lavant mutuellement devant une belle cascade digne d'une pub Tahiti douche pendant qu'un petit chimpanzé un peu farceur s'amuse avec leur affaires. D'ailleurs Laura Gemser s'amuse souvent à dire qu'elle ne s'est jamais autant lavée que dans les films de Joe D'Amato.
Horreur, enfin lorsque dans la dernière demi-heure, les fameux cannibales du titre qui s'étaient fait un peu oublier jusque-là surgissent dans le film pour, entre autre, découper le téton de Soeur Angela, afin de le manger en poussant des cris (signe distinctif de plaisir dans tous les films de cannibales) ou en éventrant violemment Susan Scott. Sans oublier Donald O'Brien coupé en deux par une ficelle entourant son corps et tirée par les deux bouts. Nos amis cannibales s'amusent d'un rien.
Il ne faut pas non plus rêver, c'est un Joe D'Amato, donc un petit budget et le film comporte quelques légers défauts. Pas vraiment de scénario, action faiblarde, trucages pas très réalistes (mais néanmoins assez gerbants). Malgré tout le film se voit avec énormément de plaisir grâce à la petite musique de Nico Fidenco et surtout aux sublimes actrices qui se donnent corps et âme. Dans le genre il est nettement plus agréable à visionner que LA MONTAGNE DU DIEU CANNIBALE de Sergio Martino tourné un an plus tard. En tout cas le film reflète une époque où le cinéma de genre passait encore dans les petites salles des grands boulevards. Une époque révolue aujourd'hui.
Et le DVD ? Te demandes-tu
impatient lecteur.
Italian Shock est un petit éditeur hollandais qui soigne ses
disques malgré le faible budget diont il dispose. Déjà
la copie proposée est Uncut (non censurée). Elle contient
en tout cas des plans que l'on ne trouvait pas sur la VHS italienne.
(l'éventrement de Susan
Scott
). Pourtant une VHS soit disant Uncut !! Et c'est vrai
que le film n'a pas l'air du tout coupé puisque l'on n'y décèle
aucun mauvais raccord. Le disque est au format 1.85 et pour ceux qui
ont connu les cassettes plein écran c'est un bonheur. Mais il
y'a un "mais" : vous n'entendrez pas la vraie voix de
Laura Gemser.
Pourtant, il faut savoir que c'est bien elle qui doublait tous ses films
en anglais. La nouvelle voix est charmante mais elle frustre un peu
le fan absolu que je suis. Dommage.
A l'intérieur du DVD doté d'une très belle couverture se trouvent deux inserts. Sur le premier, la bio et filmo de Joe D'Amato et sur l'autre celle de Laura Gemser, qui fût écrite par votre serviteur lui-même. Les menus donnent accès à la bande-annonce au format comportant quelques plans inédits (2min30), aux bios de Laura Gemser et Joe D'Amato et à diverses galeries de photos et textes. Le chapitrage est composé de petites vignettes. Mais, encore une fois, Italian Shock nous propose un extraordinaire bonus : la musique du film. Les DVD de L'ENFER DES ZOMBIES, L'EVENTREUR DE NEW YORK et L'AVION DE L'APOCALYPSE proposaient le même bonus chez le même éditeur et franchement c'est du bon travail, assez rare pour être noté ici. 14 morceaux (36min) de Nico Fidenco, roi du Easy Listening italien et compositeur de nombreux films de Joe D'Amato tels EMANUELLE IN BANGKOK, EMANUELLE IN AMERICA ou EMANUELLE AROUND THE WORLD. Les écouter est un petit plaisir tant les morceaux reflètent bien toute leur époque.
L'image est un peu décevante. Autant les DVD de L'AVION DE L'APOCALYPSE ou de L'EVENTREUR DE NEW YORK étaient de bonne qualité, autant depuis L'ENFER DES ZOMBIES c'est beaucoup moins bien. L'image est granuleuse, et un peu trop claire. Cette édition n'est pas non plus un massacre, elle reste meilleure que beaucoup de petits DVD. Italian Shock a du changer de société pour la compression car BLUE HOLOCAUST de Joe D'Amato comporte les mêmes défauts. Mais on ne note pas de griffures ou points blancs. Le son est en mono et ne comporte pas de défauts majeurs.
En tout cas
un DVD indispensable pour les fans de D'Amato
et pour ceux qui souhaitent retrouver un cinéma de genre aujourd'hui
disparu. De toute la très longue et prolifique carrière
de D'Amato, EMANUELLE
AND THE LAST CANNIBALS fait partie de ses grandes réussites.
En attendant chez Anchor Bay, son chef d'uvre érotique,
EMANUELLE IN AMERICA paru en Allemagne dans un DVD pas très
réussi mais qui en revanche propose la version intégrale
du film.