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Critique du film
POSSESSOR 2020

 

Une jeune hôtesse poignarde sans raison un homme dans une réception huppée. La police l'abat sur le champ. Elle était en fait la marionnette de Tasya Vos, assassine professionnelle implantée dans son cerveau et la contrôlant le temps du meurtre. Ainsi, les vrais commanditaires et exécutants ne pourront jamais être retrouvés. Tasya Vos appartient en effet à une société de tueurs œuvrant dans l'ombre, dirigée par Girder. Cette dernière considère Tasya comme une experte du crime, mais elle la sait aussi tourmentée...

POSSESSOR est le second long métrage de Brandon Cronenberg, bien accueilli puisque récompensé à Sitges et à Gérardmer. Ce film d'anticipation baigne dans une ambiance rappelant la première partie de la carrière de son père David, période canadienne allant des expériences de STEREO à l'apogée de VIDEODROME. Nous nous trouvons ainsi dans un futur dans lequel de nouvelles technologies sont mises en œuvre par un groupe secret semi-sectaire, ourdissant des complots sur fond de transactions financières et d'ultra-violence.

Pour constituer un univers inédit à peu de frais et éviter les conventions de l'imagerie numérique, Brandon Cronenberg recourt à des éléments d'architecture moderne ou à des accessoires technologiques subtilement rétro, semant le trouble quant à la période du récit : passé alternatif, futur proche, présent qui s'ignore ?

L'invention utilisée par Tasya et Girder place temporairement l'esprit d'un tueur dans le corps d'un individu pour en devenir le maître jusqu'à l'exécution d'un crime commandité. L'esprit du tueur est extrait au moment exact où le manipulé se suicide, juste après le forfait. Brandon Cronenberg pousse au plus loin l'idée du tueur qui se fait passer pour un tiers, un proche de la victime pour la côtoyer. Dépassant l'idée des as du déguisement exploitée par exemple dans MISSION : IMPOSSIBLE, il plonge l'esprit de l'assassin dans le corps d'une autre personne.

Nous rejoignons ces films où l'esprit d'un personnage se trouve transplanté dans le corps d'un autre, sujet classique du fantastique, vu récemment sous forme de thriller dans deux métrages avec Ryan Reynolds : CRIMINAL, UN ESPION DANS LA TÊTE d'Ariel Vromen et RENAISSANCES de Tarsem Singh.

Tasya Vos se trouve implantée pour sa nouvelle mission dans le corps d'un jeune homme, Colin Tate, fiancé à la fille d'un magnat des nouvelles technologies (plus précisément du datamining). Elle est en effet payée pour tuer ce dernier. Fragilisée, traversant une crise familiale, Tasya ne prend pas le contrôle total de Colin. Incertaine de sa propre identité, elle doit donner le change et se faire passer pour une personne qu'elle n'est pas, en feignant expressions et sentiments d'emprunt.

POSSESSOR brasse des thématiques de science-fiction classiques, mais en les assemblant et en les combinant en un tout singulier et cohérent. Tasya Vos, personnage central du métrage, est une tueuse professionnelle débordée par ses propres instincts violents. Dans le cadre de ses meurtres, elle se montre de plus en plus gratuitement violente, ce qui donne lieu à des éclats de gore crus et insistants, lorsqu'elle lacère ses proies à coups de couteaux ou fracasse le visage de l'une d'entre elles à coup de tisonnier, dans des éclats de sang et d'os.

Cette agressivité irrationnelle, sa chef Girder, Jennifer Jason Leigh faussement apaisante, vraiment inquiétante, comprend d'où elle vient. Tasya est tiraillée entre l'envie de mener une vie de famille avec ceux qu'elle aime, et son aspiration à se plonger complètement dans son métier de mort où elle excelle.

Cette crise lui fait commettre des imprudences. Elle se retrouve à lutter pour reprendre le contrôle de Colin Tate, alors que l'esprit de celui-ci se débat pour  son corps. Ce qui donne lieu à une succession de confrontations et de fusions mentales, jusqu'à ce que le corps accueille deux personnalités déchirées, en lambeaux.

Ce tumulte de crises et de tensions psychiques est rendu par une imagerie expérimentale à laquelle collabore le chef-opérateur Karim Hussain, expert en visions dérangeantes depuis ses premiers courts-métrages remarqués comme SUBCONSCIOUS CRUELTY. Enfin, pour trancher ce tiraillement très spécial entre vie professionnelle et vie familiale, POSSESSOR assène un dénouement choc, prenant le spectateur à rebrousse-poil.

La mise en scène de POSSESSOR jongle entre expérimentation agitée, reflétant les tempêtes mentales traversées par ses personnages, et une anticipation froide, morose, inquiétante, dépeignant un monde dur, sans tendresse, où prospèrent toutes sortes de parasites prédateurs : prédateurs de l'argent, prédateurs de la violence, prédateurs de la manipulation. Paranoïaque et intransigeant, POSSESSOR s'avère une réussite encourageante pour la carrière de Brandon Cronenberg, réalisateur créatif et signant un second film s'inscrivant dans la lignée du cinéma fantastique arpentant les limites et fragilités du psychisme .

Cousin de classiques consacrés au déchirement de l'identité (nous le rapprochons de UN CRIME DANS LA TÊTE ou de OPERATION DIABOLIQUE), POSSESSOR n'en a sans doute pas encore la maturité. Il s'égare parfois dans des provocations trop évidentes, mais s'avère un titre ambitieux et prometteur, cohérent dans la noirceur de son regard et intègre dans son approche d'une science-fiction exigeante.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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