Fraichement mariés, Burton et Vicky partent dans le Nebraska afin d’y débuter une nouvelle vie, simple, rurale et faite de grands espaces. Mais les routes se ressemblent et leurs égarements les ramènent constamment à l’opposé de leur destination. Après plusieurs heures d’errance, ils percutent et tuent un jeune garçon brusquement surgi d’un champ de maïs. Paniqués, ils décident donc d’entrer dans la petite bourgade de Gatlin afin d'y trouver assistance. Mais si la ville semble abandonnée, le jeune couple se rend rapidement compte que d’étranges enfants y vivent seuls, guidés par un prophète appliquant la loi de « Celui qui règne sur les sillons ». Et cette loi n’est malheureusement pas favorable à la survie des adultes…
Stephen King connait en 1974 un démarrage de carrière fulgurant avec son premier roman, « Carrie ». Il enchainera avec « Salem », « Shining », « Le Fléau » puis « Dead Zone », pour un succès qui ne fléchira pas. Mais en marge de ses romans, Stephen King a toujours eu beaucoup d’affection pour les courtes nouvelles. L’une d’elle, intitulée « Children of the corn », connaitra sa première publication dans le numéro de mars 1977 du magazine à vocation éducative, Penthouse ! L’année suivante, cette même nouvelle sortira dans le premier recueil de l’auteur titré « Danse Macabre ». De manière très explicite, la nouvelle dénonce bien évidemment le fanatisme religieux, mais plus subtilement, on peut y voir une métaphore de la guerre du Vietnam. Ainsi les champs de Gatlin deviennent stériles et l’économie de la ville s’effondre en 1964, année de l’engagement des USA dans le conflit. Les « adultes » sont pointés du doigt comme LE problème et, là où l’âge moyen des combattants américains était de 26 ans en Corée, il n’est que de 19 ans au Vietnam. Il s’agit justement de l’âge auquel, selon la nouvelle, l’enfant perd son innocence et doit être sacrifié, afin que la collectivité puisse renouer avec la paix et la prospérité. Dans sa conclusion, la nouvelle proposera même ironiquement de baisser l’âge sacrificiel à 18 ans, afin de résoudre au mieux les différents problèmes !
En 1983, cette histoire sera adaptée sous forme d’un court métrage signé John Woodward, et titré LES DISCIPLES DU CORBEAU. D’une durée de 19 minutes, le film suit dans les grandes lignes les écrits de King, tout en faisant le choix d’un épilogue moins grinçant, plus acceptable. Le budget est bien évidemment modeste mais le résultat s’avère très honnête, avec une ambiance oppressante et un rythme qui ne mollit pas. Reste qu’il s’agit là d’un exercice de style et que le générique omet très volontairement le nom du romancier. En tant que tel, le court-métrage ne pose pas problème mais lorsqu’il sortira en VHS en 1986 sous la forme d’une anthologie titrée CONTES MACABRES, la question des droits va se poser. Le film sera donc immédiatement retiré des linéaires pour réapparaitre ensuite sous différentes formes, parmi lesquelles plusieurs éditions DVD post-2000 à bas prix en France…
Toujours en 1983, la New World Picture négociera les droits de la nouvelle et confiera le projet à Donald Borchers qui, après avoir été producteur pour la firme, vient tout juste d’être nommé Vice-Président. A cette époque, le bonhomme n’a que 26 ans et admettra par la suite avoir été quelque peu dépassé par ce film qui n’aura eu de cesse de cumuler les difficultés. Il faut dire qu’au-delà du producteur, tous les postes clefs de l’équipe sont tenus par des individus manquant d’expérience, et n’ayant pas encore atteint la trentaine ! La réalisation sera ainsi confiée à Fritz Kiersch, un jeune assistant caméraman ayant bossé dans le monde de la pub, avant d’œuvrer sur ses propres spots.
Quelque peu hésitante, la pré-production s’étirera et la recherche des lieux de tournage s’imposera comme un premier obstacle. L’équipe tâtonnera plusieurs semaines entre quatre lieux différents, situés dans quatre Etats distincts ! Finalement, la production se focalisera sur l’Iowa, en septembre 1983. A cette époque, la chaleur est écrasante le jour, alors que les nuits sont extrêmement fraîches. Les acteurs transpireront donc dans les mêmes vêtements qu’ils porteront la nuit, en grelottant. Cette période de l’année est aussi très particulière puisqu’elle voit le maïs jaunir de jour en jour. La colorimétrie du film n’aura donc de cesse de varier, créant au passage quelques faux-raccords amusants !
Malgré ces conditions compliquées, la production avance bon train. Le budget honorable de 3 millions de dollars permettra aux paysans locaux d’accepter la perte d’une partie de leurs récoltes. Il permettra également la réalisation de quelques effets spéciaux honnêtes, la construction d’accessoires létaux customisés au maïs et la mise en place d’une superbe croix, au beau milieu d’un champ. Le décor est posé et avec lui, c’est toute une ambiance qui s’installe. Car LES DEMONS DU MAÏS mise avant tout sur une atmosphère lourde, un soleil de plomb, une terre aride et des champs de maïs jaunis (ou presque) à perte de vue. Et quoiqu’on pense du film, cette ambiance est l’une de ses grandes forces, comme ce fut le cas des années plus tôt pour un autre métrage au sujet très voisin : LES REVOLTES DE L'AN 2000. Dans les deux films, les enfants tueurs sont au cœur du récit et évoluent au sein d’une ville désolée, mortifère. Mais là où l’œuvre de Narciso Ibáñez Serrador misait sur des hordes d’enfants anonymes, celle de Fritz Kiersch prend soin au contraire de créer deux leaders charismatiques inoubliables…
Le premier se nomme Isaac, un gamin d’une quinzaine d’années au regard perçant et au visage impassible, incarné par John Franklin dont c’est ici le premier rôle. Etonnant aux vues de la performance, absolument glaçante. Mais le plus étonnant reste l’âge de l’acteur : 25 ans au moment du tournage ! Franklin est en effet de petite stature (1,52 mètre), ce qui lui vaudra une carrière dédiée à des personnages atypiques, comme ici un enfant / prédicateur / gourou, ou encore dans LA FAMILLE ADDAMS et sa suite, sous les poils de « Cousin Machin ». L’autre gamin star du film, c’est Malachai. Pourvu d’une tignasse orange et de taches de rousseur, filiforme et affichant un rictus terrifiant, il est le psychopathe de la bande, celui pour qui la violence est la solution, quel que soit le problème. Courtney Gains a 18 ans lorsqu’il donne corps à ce dément convaincant. Le bonhomme connaitra par la suite une carrière faite de petits rôles sympathiques, mais aucun qui atteigne le niveau d’intensité qu’il offre aux DEMONS DU MAIS.
Sans surprise, face à cette coterie de petits démons et à leurs inquiétants leaders, le couple de « héros » du film peine à exister. Peter Horton, un temps époux de Michelle Pfeiffer, est parfaitement oubliable, et sa ravissante compagne dans le film ne retiendra l’attention que pour la gloire qu’elle connaitra par ailleurs. Le personnage de Vicky est en effet incarné par Linda Hamilton, la Sarah Connor de TERMINATOR. Même permanente, même sourire, même peur dans les yeux, la comparaison est troublante alors que les films ne sortiront qu’à cinq mois d’écart. On pourra même s’amuser d’une Vicky qui demandera son nom à une fillette. Elle s’appelle Sarah et celle qui deviendra l’inoubliable tueuse de cyborg la complimente alors : « Sarah, c’est un très joli prénom »… Reste qu’au-delà de cette coïncidence, nous tenons tout de même là la grosse problématique du film : le spectateur n’a que faire du couple de protagonistes ! Qu’ils meurent ou qu’ils vivent importe finalement peu puisque l’intérêt réside dans l’apparition ponctuelle des enfants, et l’exécution de leurs menaces.
Le rythme est assez lent, sans jamais paraitre laborieux pour autant. La mise en scène des crimes est inspirée, très Hitchcockienne avec des alternances de gros plans sur les armes et les victimes, mais sans jamais afficher de chair tranchée à l’écran. En outre, chaque apparition d’Isaac ou Malachai est une récompense, une gourmandise sauvage et un pas de plus vers une issue incertaine. Malheureusement, lorsque celle-ci arrivera, la déception sera au rendez-vous avec des trucages assez douteux, et un ton moins dramatique que dans la nouvelle de Stephen King. A choisir, peut-être aurait-il mieux valu laisser planer le doute, plutôt que de se montrer explicite et décevant… Mais qu’importe car si le film connait un accueil critique mitigé, les spectateurs rempliront les salles et permettront de rapporter presque quinze millions sur le seul sol américain ! Une opération diablement rentable qui, curieusement, n’engendrera pas de suite immédiate. Il faudra attendre quelques années et la découverte d’une brèche dans les droits d’auteur pour que le Dieu du Maïs revienne en force. Tout d’abord avec une suite directe en 1992, puis avec des opus plus ou moins indépendants les uns des autres, au fil des années. En cela, Dimension Film appliquera la même formule qu’avec la saga HELLRAISER. Au total et à ce jour, la série de films comptera dix volets, dont un remake pour la télévision. Et oui, ça fait beaucoup de maïs tout ça !
Pour redécouvrir ce sympathique LES DEMONS DU MAIS, les opportunités ne manquent pas. Chaque pays a son DVD plus ou moins moche, et c’est bien évidemment le cas chez nous avec une édition Optilux que nous qualifierons poliment de « très datée »… Nous noterons au passage que si LES DEMONS DU MAIS semble aujourd’hui être le titre unanimement adopté en France, il n’en a pas toujours été ainsi. En effet, lors de sa sortie dans les salles hexagonales, le métrage s’intitulait HORROR KID avant de s’appeler HORROR KIDS sur les premières VHS. Toujours plus francophones que les français eux-mêmes, les canadiens tentèrent même le titre LES ENFANTS DE L’HORREUR ! Mais ne nous égarons pas…
Découvrir le film est donc aisé. Mais le faire dans de bonnes conditions est en revanche une autre aventure. En l’absence de galette haute définition dans nos vertes contrées, penchons-nous sur les Etats-Unis qui ont connu une première édition Anchor Bay en 2009. Image correcte et bonus pertinents comme nous le verrons plus tard. Puis en 2011, c’est Image Entertainment qui s’y colle avec une copie similaire, mais une absence complète de contenu éditorial ! Donc on évite et on arrive en 2017 avec une édition Arrow qui, pour le coup, améliore significativement l'image et offre de nombreux bonus supplémentaires. Parmi ceux-ci, une paire de commentaires audio, de nouvelles interviews et surtout, le court-métrage DISCIPLES OF THE CROW. A cela, l’édition RLJ Entertainement sortie deux ans plus tard n’apportera rien d’autre qu’un emballage Steelbook.
Mais d’autres alternatives existent et parmi elles le coffret espagnol pour lequel nous avons finalement opté. Présentée dans un superbe digipack aux multiples volets, cette édition propose de découvrir les trois premiers films de la saga en haute définition ! Mieux, le coffret est limité, numéroté, reprend les visuels d’origine et y ajoute quelques reproductions de Lobby Cards dans un format carte postale. Citons également un visuel lenticulaire que nous laisserons à l’appréciation de chacun.
Si l’on se penche sur le premier disque de ce coffret, on constate grosso modo que nous avons là une reprise du disque Anchor Bay, auquel s’ajoutent bien évidement un doublage espagnol, et des sous-titres sur l’ensemble du contenu. L’image n’est donc pas optimale, mais elle reste très efficace. La copie est propre, les couleurs sont belles et la compression discrète. Seule une définition un peu faiblarde trahit quelque peu l’âge du master, basé sur un scan 2K là où le Arrow part d’une base 4K.
Du point de vue sonore, rien à redire non plus. Nous avons là une piste originale en DTS-HD Master Audio 5.1, ainsi qu’un doublage espagnol en Dolby Digital Mono, sur deux canaux. La version anglaise est bien évidemment à favoriser puisqu’elle permet de profiter au mieux des différentes performances. C’est notamment vrai pour les enfants qui bénéficient rarement de doublages heureux, et ce quelles que soient les langues.
Attaquons-nous maintenant aux généreux suppléments avec « Welcome to Gatlin » qui, sur une durée de quinze minutes environ, donnera la parole au Chef décorateur Craig Stearns. Plutôt pertinent dans son propos, le bonhomme délivre les anecdotes à un rythme soutenu. Il insistera notamment sur le fait qu’aucun décor ou bâtiment n’a été construit pour l’occasion, les habitants locaux s’étant montrés particulièrement collaboratifs. Le compositeur Jonathan Elias prendra la suite pour nous rappeler son CV aux côtés de John Barry, et nous dire ô combien il fut paniqué de se retrouver seul sur ce projet. Il évoque la complexité d’une telle BO, avec des morceaux tour à tour longs, ou très courts, et surtout des vocalises d’enfants. Saluons au passage le boulot effectué car le thème du film est justement l’une de ses grandes forces ! Notons tout de même que les images contenues dans ce documentaire dévoilent le final de manière quasi intégrale ! Nous vous recommandons donc de garder les bonus, et celui-ci en particulier, pour l’après-film…
Le supplément suivant donne la parole à Linda Hamilton durant treize minutes. Egalement généreuse en anecdotes, elle ne manque pas de nous faire remarquer le paquet de kleenex positionné sur le tableau de bord de la voiture. La chaleur a en effet rapidement imposé cet accessoire qui prendra la place occupée dans les premiers plans par une édition originale du livre « Danse Macabre ». Elle se rappelle également combien il fut difficile de « brutaliser » les enfants ou, a contrario, de les convaincre d’être « plus violents » avec elle.
Le producteur Donald Borchers prend ensuite la parole de manière très humble. Il admet une certaine arrogance liée à sa jeunesse d’alors et convient qu’imposer une « happy end » était une erreur. Il s’accuse également d’avoir transformé le couple du roman en couple heureux, perdant ainsi une bonne part du discours original. Bref, le bonhomme fait un mea cupla intéressant, et reconnait que ce sont ces erreurs qui l’auront poussé à produire un remake plus fidèle en 2009. Manifestement, cela ne suffisait pas puisqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, il produit à nouveau un remake garanti plus fidèle que fidèle !
Le gros morceau arrive ensuite avec un documentaire de 35 minutes donnant la parole aux acteurs John Franklin et Courtney Gains, ainsi qu’au réalisateur Fritz Kiersch. Encore une fois, nous aurons droit à de sympathiques anecdotes, pertinentes et variées. Nous noterons cependant qu’il y a ici beaucoup de redite par rapport aux précédentes interviews. Le bonus reste malgré tout à voir, avant de passer au Storyboard qui fait défiler des dessins durant cinq minutes, et enfin à la bande-annonce.