Header Critique : MINES DU ROI SALOMON, LES (KING SOLOMON'S MINES)

Critique du film
LES MINES DU ROI SALOMON 1950

KING SOLOMON'S MINES 

L'après-guerre marque un moment d'inquiétude pour Hollywood. Face à la concurrence de la télévision, les studios montrent des signes  d'affaiblissement. Pour rebondir, ils misent sur des films à grand spectacle, employant des techniques sans équivalent sur le petit écran : emploi de la couleur (Technicolor chez MGM en 1951 avec QUO VADIS? de Mervyn LeRoy), format large (CinémaScope chez la Fox pour LA TUNIQUE en 1953), relief (L'HOMME AU MASQUE DE CIRE de la Warner la même année)...  

Ces nouveaux procédés sont particulièrement indiqués pour les films d'aventures, genre qui connaît une renaissance fracassante au début des années 1950, sous toutes ses formes : péplum (QUO VADIS?), cape et épée (SCARAMOUCHE), épopée maritime (LE CORSAIRE ROUGE avec Burt Lancaster)...  

C'est aussi le retour en force de l'aventure exotique : LES MINES DU ROI SALOMON de 1950, luxueuse super-production MGM, ouvre la danse. Tourné sentiellement en décors naturels, et notamment en Afrique Centrale, sa réalisation est confiée au britannique Compton Bennett, qui vient de diriger pour la firme au lion le drame LA DYNASTIE DES FORSYTE avec Errol Flynn. Le metteur en scène souhaite d'ailleurs retrouver ce célèbre acteur pour LES MINES DU ROI SALOMON.  

Mais le studio refuse et lui impose le britannique Stewart Granger. Acteur important en Grande-Bretagne au cours des années 1940 (on le rencontre dans LES ENNEMIS AMOUREUX de Terence Young, SARABANDE de Basil Dearden...), MGM l'invite à tourner aux USA. LES MINES DU ROI SALOMON est le premier d'une longue série de classiques de l'aventure que Granger tourne pour cette firme durant la décennie. Viennent ensuite, entre autres : SCARAMOUCHE de George Sidney, LE PRISONNIER DE ZENDA de Richard Thorpe, LES CONTREBANDIERS DE MOONFLEET de Fritz Lang...  

Mais Compton Bennett et Granger ne s'entendent pas sur le tournage. On fait donc appel à un second réalisateur, Andrew Marton, célèbre directeur de seconde équipe (il tourne plus tard quelques fameux tours de force comme les courses de char du BEN-HUR de 1959 et de LA CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN d'Anthony Mann). Le projet est si ambitieux qu'on ajoute encore un directeur de seconde équipe et un réalisateur-adjoint ! Aux côtés de Stewart Granger, Elisabeth Curtis est interprétée par Deborah Kerr, célèbre actrice écossaise, alors star de la MGM. Parmi ses films les plus connus, citons LE NARCISSE NOIR de Michael Powell et Emeric Pressburger en 1947, TANT QU'IL Y AURA DES HOMMES de Fred Zinnemann en 1953, et, plus près de notre genre favori, LES INNOCENTS de Jack Clayton de 1961.

LES MINES DU ROI SALOMON, LE ROMAN

LES MINES DU ROI SALOMON est en premier lieu un des plus célèbres romans d'aventures de l'histoire de la littérature, écrit par le britannique Henry Rider Haggard. Cet écrivain, né en 1856, participe en 1875 à une mission anglaise en Afrique du Sud. Lorsque le territoire du Transvaal est annexé par la Grande-Bretagne, il y devient greffier à la Haute-Cour de Justice. Puis il se fait militaire et enfin éleveur d'autruches. En 1881, il retourne en Angleterre avec femme et enfants. Il y écrit alors des livres sur l'Afrique, avant de se mettre à publier des romans d'aventures dont le troisième, « Les mines du roi Salomon », qui met en scène l'aventurier Allan Quatermain, est un triomphe.  

En 1887, il publie « Elle ou la source de feu », un autre roman d'aventures (plusieurs fois porté au cinéma lui aussi) qui connaît un beau succès. H. Rider Haggard abandonne alors sa carrière d'avocat et voyage beaucoup. Il publie de nombreux romans jusqu'à sa mort en 1925 : « La confrérie » se déroule en Palestine biblique, « Cœur du monde » prend place sous l'empire aztèque, « Eve-la-rouge » se situe au temps de la conquête de l'Angleterre par les Normands... Surtout, il publie régulièrement des œuvres mettant en scène Allan Quatermain ou Elle, voire les deux ensemble. Ami de Rudyard Kipling (l'auteur du « Livre de la jungle » et de « L'homme qui voulut être roi »), il influence aussi Edgar Rice Burroughs, autre grand nom de la littérature d'aventures et créateur de Tarzan.

Dans « Les mines du roi Salomon », le guide Allan Quatermain est recruté par Sir Henry Curtis, un homme à la recherche de son frère. Ce dernier a disparu en Afrique alors qu'il était en quête du mythique trésor des mines de diamants du roi biblique Salomon, mines supposées se trouver au cœur de l'Afrique. Accompagnés par le capitaine Good et l'indigène Umbopa, ils traversent toute une série de péripéties avant d'atteindre le territoire de la tribu des Koukouanas. Sur celle-ci règne un usurpateur cruel. Umbopa révèle qu'il est l'héritier légitime de ce trône. La sorcière des Koukouanas mène Quatermain et ses amis aux fabuleuses mines du roi Salomon, mais les aventuriers s'y retrouvent enfermés par un piège. L'équipe parvient néanmoins à s'échapper : Umbopa reconquiert son trône tandis que Quatermain et Curtis rentrent chez eux. Sur le chemin du retour, ils retrouvent le frère de Sir Henry. Tout est bien qui finit bien !

« Les mines du roi Salomon » connaît un énorme succès de librairie en son temps, et a été porté plusieurs fois à l'écran. Nous avons une adaptation sud-africaine des MINES DU ROI SALOMON dès 1918, réalisée par H. Lisle Lucoque. Puis, on trouve un bon film britannique, LES MINES DU ROI SALOMON de 1937, réalisé par Robert Stevenson : celui-ci dirige plus tard d'importantes productions Disney, comme LES ENFANTS DU CAPITAINE GRANT d'après Jules Verne, le film d'aventures L'ÎLE SUR LE TOIT DU MONDE, la comédie musicale fantastique MARY POPPINS... Dans ce film de 1937, Allan Quatermain est incarné par la star britannique Cedric Hardwicke (vu dans le classique de la science-fiction LA VIE FUTURE, dans QUASIMODO aux côtés de Charles Laughton, dans RICHARD III de et avec Laurence Olivier en 1955...).  

En 1977 arrive KING SOLOMON'S TREASURE, curiosité Bis réalisée par le canadien Alvin Rakoff et mettant en scène des vedettes de l'époque comme David McCallum, Britt Ekland et Patrick Macnee. On s'éloigne du roman puisque nos héros rencontrent entre autres des dangers préhistoriques ! Allan Quatermain revient ensuite sous les traits de Richard Chamberlain (surtout célèbre comme acteur de séries télévisées romanesques) dans ALLAN QUATERMAIN ET LES MINES DU ROI SALOMON de Jack Lee Thompson, produit en 1985 par la firme indépendante Cannon. Ce film a même une suite avec ALLAN QUATERMAIN ET LA CITE DE L'OR PERDU de Gary Nelson. Dans ces deux derniers cas, il s'agit, bien sûr, de surfer sur le succès des aventures d'Indiana Jones.

On peut encore citer une curiosité : le péplum de fantaisie MACISTE ET LES MINES DU ROI SALOMON, réalisé en 1964 par l'italien Piero Regnoli. Le célèbre héros romain intervient dans un conflit de succession au sein d'une tribu sur le territoire de laquelle se trouvent les mines du roi Salomon et leur trésor.

Pour la télévision, le studio Hallmark propose en 2004 une mini-série réussie :  ALLAN QUATERMAIN ET LA PIERRE DES ANCETRES, nouvelle transposition du roman de H. Rider Haggard, mettant en vedette Patrick Swayze. En 2008, alors qu'arrive INDIANA JONES ET LE ROYAUME DU CRÂNE DE CRISTAL, le studio Asylum, spécialisé dans le photocopiage de série Z, se fend d'un ALLAN QUATERMAIN ET LE TEMPLE DES CRÂNES, dernière apparition du héros de H. Rider Haggard pour le moment...

LES MINES DU ROI SALOMON (1950)

Dans le film qui nous intéresse, Allan Quatermain gagne sa vie en servant de guide à des touristes désireux de chasser l'éléphant. Elisabeth Curtis et son frère John Goode le sollicitent afin de les guider dans la recherche de Henry Curtis, le mari d'Elisabeth, disparu alors qu'il était en quête du trésor mythique des mines du roi Salomon. L'expédition part vers le cœur de l'Afrique et affronte maints périls (animaux sauvages, tribus belliqueuses...). En cours de route, l'indigène Umbopa se joint à eux. Enfin, ils arrivent dans le territoire Watusi, sur lequel se trouvent les mines du roi Salomon...  

Comparé au roman, nous remarquons deux changements essentiels. D'abord, Quatermain n'est plus sollicité par un homme à la recherche de son frère, mais par une femme à la recherche de son mari disparu depuis de longs mois. Enfin, le prince Umbopa, présent dès le début de l'expédition dans le roman, ne rejoint les voyageurs qu'assez tardivement dans cette adaptation.

Grand film d'aventures exotiques, LES MINES DU ROI SALOMON est bâti selon une succession linéaire de péripéties, parsemées le long du chemin des explorateurs. Le métrage joue plus sur le caractère visuellement spectaculaire des aventures en question que sur la densité de l'action. Ainsi, si de nombreuses séquences mettent en scène de véritables animaux sauvages, dans des scènes tournées pour l'occasion (crocodiles, éléphants, fauves...), les plans réunissant des acteurs et la faune exotique sont peu fréquents. Les scènes jouant sur une interaction réelle entre animaux et humains s'avèrent même rarissimes (mais citons tout de même la célèbre et très spectaculaire séquence de l'incendie de brousse). Lorsque les aventuriers rencontrent des tribus africaines, l'action reste aussi limitée. Il en va de même pour l'expédition dans les mines du roi Salomon. Il ressort de tout cela l'impression de regarder un film un peu statique, bavard.

Pourtant, LES MINES DU ROI SALOMON a d'autres beaux atouts pour séduire le spectateur. Le choix d'un tournage dans d'authentiques extérieurs africains (Kenya, Congo, Tanzanie, Ouganda) apporte une touche documentaire singulière. Les paysages, d'abord, sont grandioses. La variété et l'exotisme de la faune et de la flore sont remarquablement mis en valeur. Surtout, les rencontres avec les tribus africaines donnent lieu à des scènes étonnantes. Costumes, silhouettes, langages, architectures et maquillages traditionnels proposent une merveilleuse galerie d'images inédites, au fort pouvoir dépaysant, rompant avec le ton artificiel des productions tournées en Californie. On remarque que certains extérieurs sont tout de même tournés dans des paysages sauvages américains, comme la Vallée de la Mort (pour la séquence du désert) ou des cavernes du Nouveau-Mexique (pour les mines du roi Salomon) : mais cela ne nuit guère à la cohérence.

LES MINES DU ROI SALOMON se défend aussi sur un terrain qui n'est plus vraiment le fort des productions d'aventures hollywoodiennes en ce début de XXIème siècle : les personnages. Allan Quatermain est un veuf endurci par la vie et insatisfait de son existence. Il envisage de retourner en Grande-Bretagne où il n'aurait pourtant pas sa place. Elisabeth Curtis vient d'une riche famille. Elle a épousé un homme qu'elle n'aimait pas réellement et l'a traité sans tendresse. Henry Curtis est alors parti en Afrique, à la recherche des mines du roi Salomon, pour fuir son amer ménage. Si Elisabeth part à sa recherche, c'est plus par culpabilité que par affection réelle. Goode et Quatermain comprennent fort bien cette situation qu'Elisabeth se cache à elle-même. Un sentiment naît entre l'aventurier et la jeune femme. Mais ces deux blessés de la vie se fuient et compliquent la tâche de Cupidon...  

Alors que le roman de H. Rider Haggard est avant tout un énergique livre d'aventures, ce film en fait une histoire d'amour romantique mettant en scène deux personnages adultes et attachants, appelés à recommencer à vivre après des expériences personnelles douloureuses. Les aventures exotiques ne servent que de superbes toiles de fond à cette romance magnifiquement interprétée par deux comédiens exceptionnels : Deborah Kerr et Stewart Granger.

LES MINES DU ROI SALOMON est donc une réussite du cinéma d'aventures hollywoodien. Nous apprécions la splendeur et l'authenticité des magnifiques images de ce film, ainsi que la qualité de son interprétation et la justesse touchante de sa romance.  

C'est un beau succès commercial pour la MGM, qui fait alors de Stewart Granger une de ses stars. Neuf ans plus tard, la même firme propose une suite à cette oeuvre, appelée WATUSI, dans laquelle on retrouve de nombreux plans chipés dans LES MINES DU ROI SALOMON...

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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