Billy Kavanagh (David Lenik) se retrouve séparé de son père (Peter Cosgrove) lors d’une chasse au cerf en pleine forêt enneigée. Perdu, Billy arrive près d’une cabane… mais se fait tirer dessus par Agnès, la propriétaire (Rowena Bentley). Soigné à l’intérieur, elle lui explique qu’elle croyait avoir affaire à l’une des créatures rôdant dans les parages. La prenant pour une douce allumée, il se rend globalement compte qu’elle a bien dérapé dans sa tête. Mais aussi, que les créatures existent. Un petit groupe, mené par Old Thin Ruth (Barrington De La Roche), mène en parallèle des recherches sur leur disparition et sur des morts mystérieuses aux alentours.
WINTERSKIN est une production britannique, tournée en Scope et s’avère le 4e film de Charlie Steeds (THE BARGE PEOPLE, ESCAPE FROM CANNIBAL FARM), un jeune auteur qui enfile les tournages comme des perles depuis trois ans. Il se voit gratifié d’une sortie en digital en UK, digital et DVD aux USA sous bannière High Octane Pictures.
Allons droit au but : WINTERSKIN reste une très modeste production qui va tenter par tous les moyens d’échapper à son budget. Et qui y arrive par nombre de scènes. Le film possède inévitablement un air de déjà-vu: les influences vont de MISERY, en passant par LES HUIT SALOPARDS, BLACK CHRISTMAS, ou encore THE THING (un des morceaux fait furieusement penser à la version Carpenter!). N’ayant ni les moyens, ni les ambitions des films précités, le réalisateur/scénariste/monteur/producteur va s’atteler à diriger son long métrage vers d’autres eaux plus navigables. Extérieurs tournés en pays Same finlandais, intérieurs au Royaume Uni, via un décor construit à Guilford, pour un film supposé se passer aux USA.
Rapidement, on constate le déroulement en quasi lieu-unique : l’intérieur de la cabane. La caméra se risquera en décors extérieurs à de fréquentes mais courtes reprises. Le récit se focalise surtout sur l’escalade de violence entre les deux principaux personnages. Entre une intrigante séquence prégénérique et le final explosif, le récit emprunte de nombreux détours, dont quelques uns plutôt inattendus. Car le point de départ évolue lentement vers une direction de mystère et de suspense que l’auteur a réussi à saupoudrer de rebondissements. La temporalité, incertaine, ajoute à l’étrangeté du récit. On ne sait pas vraiment au début si l’action se déroule en plein XIXe siècle ou aujourd’hui. Un bon point.
L’action injecte à des moments clés de nouveaux personnages - dont on comprend qu’ils sont sont eux aussi en chasse de ce qui a massacré nombre de personnes vivant dans la forêt. Que le père du début du film n’était pas à une simple chasse au cerf, mais une traque des éventuels tueurs. Pointant vers les vingt dernières minutes du film plutôt carnassières et sanglantes! Les thématiques qui pratiquent le grand écart, entre le ragout de chien maison, la torture et la cannibalisme. Une bonne soirée politiquement correcte, quoi.
Visuellement, Steeds opte pour deux univers diamétralement opposés. Les grandes étendues neigeuses et forestières, dans un blanc et couleurs froides immaculées. Ue belle sensation de perdition et de nature infinie. Qui contraste grandement avec l’univers confiné, clos, étouffant de la cabane au fond des bois. Des éclairs orangés, des clairs obscurs où des recoins semblent cacher..; quelque chose. Une très belle photographie, un effort inédit par les temps qui courent. Ceci afin de mieux mettre en image la lutte qui régit la dynamique du récit : Billy doit à la fois fuir les créatures qui souhaitent entrer dans la cabane… tout comme il doit s’échapper de la cabane tenue par une femme complètement tarée. La volonté de recréer une certaine atmosphère/manière de faire dans les années 80 qui tranche avec le tout-numérique actuel. Un look qui pourra rebuter certains, tant les détails semblent moindres dans le cadre. S’y ajoutent des effets de ralentis fort à propos, appuyant l’ambiance de démence que souhaite imprimer l’auteur. Le final reste un modèle du genre, oscillant entre horreur, humour noir et macabre.
Côté effets spéciaux, on apprécie leur réalisation devant la caméra. Des créatures au look effrayant et totalement pelées, sanguinolentes à souhait - on songe à HELLRAISER, LE PACTE, par exemple. Cadavres torturés qui ne lésinent pas sur les détails à la caméra. Egalement pour les éclats de balles dans les corps, dont le trucage est révélé dans l’un des petits making of que contient le DVD. Ingénieux, mais surtout, avec un résultat efficace à l’écran! On sent que l’auteur a apprécié les festivals de gore dans les années 80! D’autant que la mise en scène réussit à rendre crédible les effets. Une photographie sombre et orangée pour les intérieurs, ne révélant que très peu d’indices visuels sur le look de la créature, tout comme impacts, blessures… d’autant plus efficace. On pointera également une scène tendue de section de doigts avec un coupe-cigares. Âmes sensibles s’abstenir. Tout comme pour l'explication du titre du film, qui arrive dans le dernier quart.
Maintenant, cela ne va pas sans des défauts qui plombent le film. Après une première scène spectaculaire dotée de débordement sanglants, le film s’étale gentiment sur des palabres. Un certain tunnel dont il aura du mal à s’entremettre. Le faux accent rural américain reste relativement pénible à suivre. S’il amuse au début, il est tellement forcé que cela porte à faire sortir du film. Egalement, le choix d’un long-métrage à quasiment deux voix demeure un pari risqué. La lenteur des dialogues et le jeu forcé n’aident pas toujours à la crédibilité de l’entreprise. Jouer une femme recluse à moitié tarée qui va aller jusqu’à séquestrer et torturer le jeune homme n’est pas une mince affaire. Rowena Bentley s’en tire avec tous les honneurs d’un rôle pas évident. Un concentré de folie furieuse, de dérangement permanent et de logique implacable. Folle? Allumée? En manque simple de compagnie humaine? Tout cela à la fois. Un bel hommage au Grand Guignol Full Force dont elle assume le fer de lance.
Mais elle n’est pas gâtée par une direction d’acteurs qui tire parfois vers le n’importe quoi. Idem pour la bande de chasseurs qui recherchent la maison où se trouve enfermé le jeune homme. Caricaturaux et risibles, on croirait presque à des acteurs qui singent du Tarantino, mais sans véritablement y parvenir. On songe par ailleurs immanquablement à l’univers et la grammaire visuelle du petit Quentin… Enfin, certains dialogues font grincer des dents, à se demander si quelqu’un de véritablement sain d’esprit pourrait s’exprimer comme le font la plupart du casting.
Maintenant, l’effort est louable. WINTERSKIN sort du lot avec son histoire à rebonds, son esprit jusqu’au-boutiste et sa lenteur parfois agaçante, surtout dans des échanges de dialogues beaucoup trop longs. Un film d’horreur indépendant britannique inégal, puisant aussi dans le cinéma transalpin (coucou Lucio Fulci et LE GRAND SILENCE). Malgré ses défauts, il mérite le détour. En complément, la musique du film composée par S.T.R.S.G.N (SStewart Hamilton) & Europaweite Aussichten (Sam Freissler) vient de sortir chez Lakeshore Records, disponible sur Bandcamp. La sensation années 80, horrorsynth et hommage à John Carpenter fonctionne décidément à plein régime depuis deux/trois ans!
WINTERSKIN arrive chez High Octane Pictures sur un DVD Zone 1 double couche, au format 2.40:1, d’une durée complète de 87mn45 (hors générique High Octane), avec signal 16/9e. Une fois passées les 4 films annonce de l’éditeur, s’affiche un menu animé des images et musique du film. Il permet d’accéder au film, aux 8 chapitres (là aussi en vignettes animées), pistes audio & sous-titres, suppléments et un nouvel accès aux bandes annonces. Attention, la jaquette s’avère quelque peu mensongère - High Octane avait déjà fait le coup avec LANDING LAKE! - notamment sur le look des créatures. On comprend le besoin de vendre le film du fait de son côté confidentiel en termes de production, mais le client potentiel se rend rapidement compte qu’il n’a pas ce qui lui a été vendu en premier. Dommage.
Video: tourné en numérique, aucune griffure ni poussière. Un choix artistique curieux, rappelant parfois (on s’accroche) CONQUEST de Lucio Fulci avec ses images parfois floues. Donc pas pour tous les goûts. Mais les couleurs baroques (bleue, orange), tout comme les contrastes, résonnent bien à l’écran. Les nouveaux de noirs sont corrects, tout comme le blanc de la neige qui ne vire jamais au gris. Pas mal du tout.
Audio : relative déception avec une piste audio anglaise en Dolby Digital 2.0, avec cependant des sous-titres anglais optionnels. Ca fait clairement le job, mais le manque d’effets enveloppants se fait sentir, rendant l’expérience audiophile à peine adéquate pour un film d’atmosphère. Les dialogues assénés par Rowena Bentley et ses rires hystériques arrivent au top, toutefois, tout comme la musique synthé carpenterienne.
Au rayon suppléments, trois petits segments de making of, avec des interviews des 3 acteurs principaux. Un reportage sur le vif du décor de la cabane et les explications sur le mode de tournage. Construction de la cabane à partir de rien, tournage de nuit la plupart du temps en plein hiver, Barrington De La Roche indiquant son plaisir de jouer un rôle positif pour une fois! Court, mais précieux sur l’aspect commando de l’ensemble. Egalement, une scène d’ouverture alternative, ainsi qu’une série de scènes ratées - assez amusantes au demeurant, et montrant bien à la fois le côté dédié des auteurs, tout comme de l’atmosphère de tournage. Enfin, une série de films annonce de l’éditeur. (A noter que celui de DROWNING ECHO est un retitrage de NEREUS, dont on vous avait parlé il y a quelque mois.)
SI WINTERSKIN reste assez loin d’une pépite, le fait de voir des séries B toujours sortir sur des formats physiques peuvent encore rassurer. Pas un immanquable, mais y jeter un oeil pourra tenter les amateurs de Bis qui seront heureux d’échapper à une nième parodie de film de genre, de proto-slasher retro-80’s et de zombies… qui pullulent de par trop ce moment.