John Alexander (Klaus Kinski) et sa femme Helen (Margaret Lee) semblent heureux… mais malgré leurs richesses, le mariage tombe en ruines. Helen préférant parader avec sa maitresse Liz (Annabella Incontrera). Terrassé par la mort subite de sa femme dans un accident de voiture, John rencontre par hasard une jeune femme libérée (Christiane Krüger) et qui l’entraine dans une soirée. Quelle n’est pas sa surprise de voir sa femme dans un film pornographique projeté durant ce moment. Serait-elle vivante malgré tout?
A la suite des énormes succès que furent L'ADORABLE CORPS DE DEBORAH, FOLLE ENVIE D'AIMER, UNE ou encore PARANOIA, beaucoup de productions se digèrent vers ce qu’on appelle communément des sexy-gialli. Des suspens épicés de sexe quelque peu transgressif. Umberto Lenzi en a été le colporteur-locomotive, mais pas mal de ses congénères cédèrent à la mode des triangles amoureux avec lesbianisme à la clé. Riccardo Freda n’échappa pas à la règle avec ce A DOPPIA FACCIA, signé sous son pseudonyme de Robert Hampton. Qu'on soit bien d'accord: DOUBLE FACE/LIZ ET HELEN n'est en aucun cas un Giallo. Au sens où les éléments propres au genre (multiples meurtres, arme blanche, etc.) demeurent aux abonnés absents ici, hormis une main gantée de cuir noir qui place une bombe dans une voiture. Le film arrive pour la première sortie Blu Ray le 26 Juin 2019, effectuée par le label Arrow sous son titre anglicisé de DOUBLE FACE
Co-production avec la Rialto oblige, le titre fut changé en DAS GESICHT IM DUMKELN pour son exploitation allemande. Et, afin de profiter du succès des adaptations de Krimi, fut faussement rattaché à celles d’Edgar Wallace. Malheureusement, le film fut un flop outre-Rhin et stoppa net les adaptations de Krimi… avant de reprendre deux ans après, suite au triomphe de L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL. Et donc, via des co-productions avec l’Italie, la mise en chantier du LE TUEUR A L'ORCHIDEE et de MAIS QU'AVEZ VOUS FAIT A SOLANGE ?, purent s’effectuer.
Pour la France, l’affaire reste toute autre. Puisque le film ne sortit qu’à la faveur de ces grossières contrefaçons que furent les caviardages de scènes X. Le film se nomma LIZ ET HELEN pour sa sortie de 1971, mais surtout CHALEURS ET JOUISSANCES (avec Alice Arno pour quelques inserts, notamment), car racheté par Robert de Nesle pour une ressortie en 1976 dans un version qui n'amusa absolument pas le réalisateur. Il rencontra un succès quelque peu surprenant avec 386 856 entrées au final, dont plus de 200 000 lors de sa sortie assez travestie.
Tourné en janvier 1969 entre Londres et Rome, le film marque la collaboration (chose habituelle en Italie) entre 4 co-scénaristes. Et l’on y croise le nom de Lucio Fulci. A y regarder de plus près, on sent que LIZ ET HELEN a été aussi un élément d’influence pour son PERVERSION STORY tourné quelques semaines après, tant les points de départ sont identiques!
Ce film de Riccardo Freda possède les mêmes stigmates de nombre d'auteurs qui ont oeuvré le le cycle de films gothiques à l'italienne. Encore emballés d'oripeaux visuels dont ils ont beaucoup de mal à se séparer, comme si leur langage visuel se trouvait englués dans des conventions qui s'inséraient difficilement avec le côté pop et beaucoup plus moderne que ce que le cinéma (entre autres) de Dario Argento put apporter. On sent donc un film tiraillé entre l'expression gothique (chateau lugubre, ombres inquiétantes, écliarges à la chandelle de couloirs dans la pénombre, couleurs baroques...) et la nouveauté d'une intrigue qui mélange suspense/machination et érotisme plus frontal. Un fim qui fait le lien entre deux styles qui se croisaient à la fin des années 60. Antonio Margheriti rencontra les mêmes atermoiements avec LES DIABLESSES, dernier cri gothique d'un auteur un peu dépassé par un genre à bout de souffle, ou encore de manière très maladroite dans LIBIDO. A la différence près que Freda réussit ici son lien thématique - alors qu'il rata totalement le coche en voulant faire la même chose avec MURDER OBSESSION / FOLLIA OMICIDIA en 1980.
L'intirgue se révèle assez linéaire, enfilant le costume de la morte l'est-elle ou non, avec mari suspecté à la clé - merci SUEURS FROIDES. Le tout injecté dans un triangle amoureux habituel du mari, de la femme et de sa maitresse. Avec des variations sur la culpabilité avérée, mas globalement, on se trouve dans le schéma naratif que SI DOUCES, SI PERVERSES et autres Lenzienneries de l'époque. En s'appuyant également sur quelques éléments soncstitutifs de l'époque: le swinging London, le psychédelisme, ou une chanson revenant de manière obsessive sur un magnétphone ou un disque, à l'instar de L'ADORABLE CORPS DE DEBORAH. Bien évidemment, l'époque étant en train de se déssaler, nous avons droit à un timide érotisme se bornant à offrir au spectacteur nombre de poitrines féminines de manière totalement gratuite. Et qui ne servent en rien à l'action. Mais le cinéma d'exploitation étant ce qu'il est, il fallait donc en passer par là pour l'auteur.
Pour l'ambiance musicale, la production s'est tourné vers Nora Orlandi, toute auréolée de ses compositions pour JOHNNY YUMA et L'ADORABLE CORPS DE DEBORAH. Un choix cependant assez curieux, puisque le réaisateur lui laissa peu de latitude et tint absolument à donner une connotation plus gothique. Ce qui donna des morceaux de piano parfois décalés dans l'ensemble du film. Les audiophiles auront remarqué que la mélopée aux voix aigües se retrouvera l'année d'après dans son travail effectué pour L'ETRANGE VICE DE MME WARDH.
Klaus Kinski, alors une figure réconnaissable dans de multiples marchés, promène sa dégaine mi-ennuyé, mi-halluciné, dans un rôle ambigu. Ou, pour une fois, il semble avoir le beau rôle. En tous cas, il porte le film sur ses épaules, hanté par la mort de sa femme - dont le fantôme semble animer la majeure partie du film. Une interprétation parfois restreinte aide à la crédibilité de l'entreprise.
Même avec ces éléments, on ne sent pas Riccardo Freda toujours passionné par son sujet. Tout du moins pas autant que pour l'élégance morbide de L'EFFROYABLE SECRET DU DR. HICHCOCK ou du CHATEAU DES AMANTS MAUDITS. On retrouve quelques traits de son euvre, comme la fine frontière entre beauté et défiguration comme LES VAMPIRES via Gianna Maria Canale), la figure paternelle pleine de duplicité (LE CHATEAU DES AMANTS MAUDITS), par exemple.Quelques beaux éclats visuels viennent compenser un rythme parfois languide, un érotisme éléphantesque, couplés à des effets spéciaux de miniatures totalement ratés (l'explosion du début du film fait peine à voir). Le film fonctioNne mieux sous ses réminiscences de Krimi et de machination. En fait, avec une approche quasi-hitchocockienne, DOUBLE FACE/LIZ ET HELEN apparait comme une véritable curiosité sur la duplicité et la notion de culpabilité, à la croisée de multiples genres.
La film arrive dans un Blu Ray 50 GB zoné B, 1080p (coded MEPG 4 - AVC), au format 1.85:1 et d'une durée complète de 91mn26. On retrouve la "patte" pour les menus d'accès, moins l'accès chapitré qui a disparu (il y a néanmoins 12 chapitres, qui découpent le fim de manère totalement aléatoire - donc parfaitement idiote). Une possibilité des deux pistes audio italienne et anglaise, les sous-titres optionnels et la partie suppléments, qui se démultiplie elle avec les éléments disponibles. A noter un belle interactvité avec le menu pop up qui permet de choisir (pendant a vision du film ou des suppléments) d'accader à une autre partie du menu. Heureusement, les pistes audios ne sont pas bridées dans le menu pop up, donc possibilité de changer de langue à volonté. Il est à noter qu'en fonction du choix initial du type de version, le générique de début diffère. Le "style" italien correspond plus aux cannons de l'époque 1969-1972, avec les noms des acteurs, techniciens apparaissant comme filant de haut en bas ou de gauche à droite - on retrouve cela avec, par exemple, le générique du LE DIABLE A SEPT VISAGES. Le générique anglais s'avère lui plus sage dans son élaboration.
Concernant la partie visuelle, il s'ait d'un joli boulot de l'éditeur, via un débit régulier et assez important de presque 34 Mbps de moyenne. Riccardo Freda s'adjoint les services de son directeur photo régulier Gabor Pogany: le travail baroque sur les couleurs trasparaissent ici de manière très précise à l'écran (voir par exemple l'arrivée à la fête pop, aux verts violents, cf dernière image au bas de cette chronique). Il emprunte délibrément des codes couleurs et ses signifiants à tout ce que Mario Bava a pu apporter. Un sens du détail évident dans les gros plans (voir l'image n°1 de cette chronique pour Margaret Lee) qui révèlent la nature travaillée des coiffures, costumes et décors en place. Une belle gestion des contrastes, notamment sur des scènes de pénombre (2e photo), avec des noirs solides. Les scènes gothiques d'éclairages à la chandelle prennent là aussi tout leur sens de l'inquiétude voulue. Pas de griffures ou autres reliquats de poussière et une agréable sensaton du grain fimique. On pourra éventuellement contester la séquence d'ouverture, semi-nocturne, dans un flou extérieur au grain trop présent. Ou encore cette hideuse transparence post-générique avec Kinski et Lee sur une luge, où le transfert laisse apparaitre des effets médiocrissimes. Mais l'ensemble reste de haute volée!
Les deux pistes audio sont en LPCM 1.0, avec sous-titres anglais optionnels. Pas de différence notable qualittaive entre le doublage anglais et italien. L'ensemble des dialogues restent clairs, pas de souffle proéminent et la partition musicale très connotée gothique prend les devants sans ambage. Là aussi, du tout bon.
Les suppléments produits par Arrow commencent par un commentaire audio de Tim Lucas (en Dolby Digital 2.0), un des plus éminents spécialistes du Giallo et autre cinéma de genre italien. Un moment assez curieux, car Lucas change son fusil d'épaule (pour ceux qui connaissent son travaill) en ne suivant pas la chronologie du film (sauf à de rares occasions) et des images qui défilent à l'écran. Donc, nous avons affaire à des éléments à rebours, sorte de conversation privée avec le journaliste//historien. Il livre, comme à son habitude, moult détails, anecdotes et analyse, mais sur les acteurs, techniciens et autres éléments qui touchent au genre Giallo. Une agréable contextualisation érudite.(anglais non sous-titré)
Une belle première avec plus de trente minutes à passer en compagnie de la très grande Nora Orlandi, compositrice de la musique du film. Une conversation drôle, enjouée, pertineNte et musicale - une femme en grande forme, aux mémoires vivaces de ses débuts et aux mains toujours aussi formidables au piano. Une vie trépidante, avec beaucoup de candeur dans ses descroptions, mais aussi beaucoup de franchise. Clairement, Riccardo Freda est assez fidèle à sa réputation d'homme difficile, puisque leur collaboration ne se passa absolument pas bien. Elle ne retravailla par ailleurs plus jamais pour lui, à son grand soulagement. Par contre, elle ne tarit pas d'éloge sur Romolo Guerrieri, pour leur collaboration notamment sur L'ADORABLE CORPS DE DEBORAH ou LE TEMPS DES VAUTOURS. (en italien avec sous-titres anglais)
Afin de poursuivre la découverte d'une des rares compositrices de musiques de film, un portrait complet d'environ 45mn par Lovely Jon, un spécialiste/collectionneur anglais (en anglais non sous-titré).
Un autre portrait manquait, celui du réalisateur Riccardo Freda. Avec THE TERRIFYING DR Freda, la journaliste et historienne Amy Simmons tente en près de 20mn de cerner le style et la personnalité de l'auteur. Il en résulte un exercice assez fastidieux, où les amateurs n'apprendront rien de neuf. Une voix assez monocorde n'aide pas à l'adhésion et le mélange de synopsis et de vague analyse font qu'on peut se passer de ce segment.
Une galerie de photos plutôt impressionnante: avec le dossier de presse allemand, des photos d'exploitation à profusion... mais également l'intégralité du ciné-roman italien de l'époque, des affiches et autres photos. Superbe!
L'ensemble se clot par deux films annonces (anglais et italien), ainsi qu'une jaquette réversible présentant la version italienne. Logiquement, il y aurait du y avoir un livret accompagnant, mais celui-ci étant absent de la copie reçue, je n'en parlerai donc pas...
En conclusion, DOUBLE FACE/LIZ ET HELEN demeure un suspense qui ne reste pas parmi les plus élaborés. Inégal, avec une résolution finale assez simple. Mais les élans gothiques que Riccardo Freda impulse apportent une coloration (au propre comme au figuré) parfois surprenante. Et le très beau travail d'Arrow sur la copie, l'audio et les suppléments rendent cette édition vraiment recommandée - pour les anglophiles. Car évidemment, l'édition reste absente du territoire français. Jusqu"à ce qu'un éditeur hexagonal daigne s'y intéresser!