Le Dr Blakely (David Gale) dirige le PRI (Psychology Research Institute) et anime un talk show populaire nommé « Independent thinking ». Deux adolescents (Tom Bresnahan et Cynthia Preston) se trouvent pris au piège et poursuivis par les autorités. Ils ont en effet découvert qu’un gigantesque cerveau extra-terrestre aux pouvoirs exponentiels contrôle les spectateurs via cette émission télévisuelle.
Produit par Brightstar, une éphémère société canadienne, THE BRAIN a déboulé en 1988 dans un marché qui faisait uniquement la part belle à la video pour les films de genre. Le film a donc été distribué directement en VHS dans la très grosse majorité des cas. Notamment en France sous le titre MANIPULATIONS. Mis en scène par Ed Hunt (ici "Edward" Hunt), un spécialiste du film d’horreur à petit budget qu’on aime bien, puiqu’ayant mis en scène le très sympa LES TUEURS DE L'ECLIPSE ou encore L'INVASION DES SOUCOUPES VOLANTES.
Le cinéma fantastique comporte quelques cerveaux géants depuis les années 50. Qu’il s’agisse du CERVEAU DE LA PLANETE AROUS, ou encore celui des ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE et de son remake L'INVASION VIENT DE MARS, jusqu’à LES MONSTRES INVISIBLES… et ils veulent tous contrôler la Terre et ses habitants!
Dès les années 80, une petite nostalgie des années 50 pointa le bout de son nez. Des ENVAHISSEURS SONT PARMI NOUS à KILLER KLOWNS, toute une série de produits filmiques profitèrent de cette petite vague. Ici, on sent surtout un petit hommage à Paul Blaisdell pour le look général du cerveau! L’ensemble reste aussi très en avance sur son temps sur l’influence des programmes télévisuels visant à décérébrer les spectateurs. HALLOWEEN III : LE SANG DU SORCIER avait déjà bien pavé le chemin, TERRORVISION suivant à quelques encablures grotesques… mais THE BRAINenfonce le clou avec son talk show faussement libérateur - surtout totalitaire sur l’emprise du temps de cerveau disponible. Avant d’être totalement Netflixés (netfliqués?), vous savez quel danger vous encourez désormais!
Malgré un budget qu’on devine excessivement bas, Edward Hunt réussit à maintenir un cap sérieux et rigoureux, aidé par un montage qui laisse relativement peu de temps mort pendant 90mn. Il faudra passer par le look parfois grotesque du cerveau géant… mais également du fait que très peu de choses seront expliquées sur son origine, et la raison pour laquelle il grandit démesurément! Comme toute bonne série B tournée à l’arrache, l’argument général ne s’embarrasse pas de la cohérence générale, pourvu que l’action ne se relâche pas - tout en respectant le cahier des charges.
Pour ce faire, l’ensemble suit un schéma assez courant : un couple de teenagers que personne ne croit - pas même les parents qu se retournent contre le héros, tous hypnotisés par une puissance malveillante - un point direct emprunté à nombre de série B des années 50 - dont LES ENVAHISSEURS SONT PARMI NOUS. La nouveauté restant l’attaque frontale du médium télévisuel et de ses programmes débilitants envers les masses avachies. Un certain paradoxe, du fait que THE BRAIN ne trouva la possibilité de se faire que via les présentes auprès des magasins de video et de transmission TV.
Pour un film qui s’appelle « Le Cerveau », il demeure curieux de constater que la narration se centralise plus sur l’odyssée du héros Jim et ses multiples tentatives de faire comprendre à son entourage le danger de ce programme TV trash. Un rebelle au système (un peu comme Kevin Dillon dans LE BLOB, sorti la même année) qui va devenir l’anti-héros par excellence. Rien de révolutionnaire côté progression dramatique, puisque l’atout féminin, Cynthia Preston, reste en retrait au point de jouer son va-tout (la perte de sa virginité qu’elle refuse au début!) en plein milieu du danger. Quand on vous parle de cohérence, en voilà un bel exemple!
On nage en pleine série B, bien évidemment, mais de la série B au propos sociologique. De celle qui, malgré les obstacles du budget inexistant, donne matière à réfléchir. Quelque chose d’assez Cormanien dans son approche, comme l’écologie pouvait l’être dans PIRANHAS ou AVALANCHE. Un avertissement sans équivoque, qui sert de base agréable à une digression à la hussarde des plus cocasses… mais également des plus gore, n’oubliant pas un coup de tronçonneuse en plein ventre, une décapitation, des tentacules voraces et quelques croquages de corps par le cerveau géant affamé.
Bien que tourné en mode commando, Edward Hunt soigne ses plans, ses éclairages et les interventions des créatures. Il se base également sur les hallucinations provoquées par les ondes hypnotiques pour induire quelques belles scènes cauchemardesques. N’oubliant pas au passage quelques cascades de rigueur assez spectaculaires, et des acteurs qui se donnent. Même si le rendu général Bis peut dérouter, le film possède un indéniable sens du rythme, un ridicule assumé de ses situations, un grain de folie qui manque grandement aujourd’hui. Et qui tente de sortir des sentiers battus malgré tout. THE BRAIN n’est certainement pas le film phare de 1988 (loin s’en faut), mais son sujet si hors du commun et son traitement vitaminé lui assure une trace légitime dans le coeur des aficionados que nous sommes.
THE BRAIN débarque en Blu Ray chez l’éditeur américain Shout! Factory : une très bonne nouvelle, car généralement synonyme de galette de de choix. Codé région A, le Blu Ray est de 50 GB au débit régulier, en 1080p codec AVC-MPG4 et d’une durée complète de 91mn06. Le tout au format 1.85:1 d’origine respecté via un scan 2K annoncé comme provenant « de la seule source disponible ».
Un menu fixe qui permet d’accéder au film, version, sous-titres, qui sait garder l’accès par chapitre (un élément apprécié des fans qui achètent encore des films en support physique et que certains éditeurs français ont décidé d’occulter) et la riche partie suppléments.
Malgré l’avertissement de l’éditeur, on se retrouve avec une copie somme toute bien regardable! Un niveau de détails satisfaisant (notamment sur les différents stades d’évolution du cerveau), des couleurs qui ne saturent en rien - et qui donnent le meilleur dans les scènes sanglantes, tout comme les jets de fluides verdâtres de certains corps. Les codes couleurs ressortent bien (notamment les rouges des tenues de travail de Cynthia Preston et ses amis), bien étudiés pour que la photographie les mettent en valeur. Et valeureusement restitués ici. Le grain filmique reste conservé, sans réduction de bruit notable. Toujours un bon point.
Audio : le film ayant été mixé en mono, Shout! procure un mixage anglais non compressé DTS HD MA 2.0 mono sur deux canaux. Un rendu assez agréable malgré un souffle et quelques craquements dus à une source qui n’a pas vraiment bénéficié de nettoyage important. La musique électronique de Paul Zaza y éclate toutefois avec gout, avec des dialogues qui se détachent parfaitement de l’ensemble. Mention plus pour les bruits et borborygmes du cerveau, avec des mixeurs audio qui malgré le budget minimal, semblent s’être beaucoup amusés. Pas la meilleure piste store qui soit, malgré tout. Le disque propose en outre des sous-titres anglais optionnels
Là où on apprécie particulièrement Shout! : la diversité et l’importance des suppléments ayant un trait direct au film. Encore le cas ici, puisqu’en premier lieu, pas moins de trois commentaires audio!
Tout d’abord le réalisateur Ed Hunt, qui s’avère plus une conversation entre Justin Beam (Red Shirt/Shout!) et le metteur en scène. De savoir que la vision d’OEDIPUS REX au cinéma ait donné envie à Ed Hunt d’écrire des scenarii étonne quelque peu! Tout comme ses études en chimie à UCLA… un parcours atypique qui l’emmena rapidement sur le terrain de l’écriture. Hunt en vient à parler du film vers la 7e minute, élaborant surtout sur comment le film été financé. Puis les contacts via IVE pour la prévente de 40 000 VHS (!). Plus qu’un commentaire, il s’agit d’échanges assez intelligemment menés par le journaliste et avec des souvenirs très précis de la part de l’auteur. Le film reprend son cours avec quelques blancs ça et là, et le journaliste relançant surtout sur le processus général de tournage et l’attrait que représentait la Canada à l’époque. Du fait des abattements fiscaux très avantageux, permettant aux financiers de récupérer leur argent au plus vite. Ed Hunt apparait assez lucide à ce sujet, appréciant sa liberté esthétique sur ses tournages. Il précise également que la société Shapiro/Glickenhaus (gérant la vente des droits) avait peur de la scène de décapitation - craignant de ne pouvoir vendre le film dans certains pays - ceci expliquant le manque de sang.
Le second commentaire se déroule avec le compositeur Paul Zaza, qui suit plus ou moins le même schéma que l’échange avec Ed Hunt. Cela ne repose pas tant sur les images qui défilent à l’écran, mais sur la carrière, les débuts du musicien dans un groupe - et son arrivée dans le métier via son père, un des pionniers des ingénieurs studios. Et son début au Conservatoire de musique de Toronto. Paul Zaza reste emblématique des genres que nous aimons : près de 100 partitions pour des films aussi différents que GHOSTKEEPER, PORKY’S, LE BAL DE L'HORREUR (et ses fausses suites), MEURTRE PAR DECRET, MEURTRES A LA SAINT VALENTIN… mais c’est véritablement, selon ses propos, sa collaboration avec Bob Clark qui fit décoller sa carrière musicale. En parlant de son processus créatif, il en vient (enfin) à parler de THE BRAIN au bout de 26mn! Il n’est pas forcément tendre avec un film « qui n’a pas d’acteurs du niveau des oscars »
Il explique que régulièrement, les compositeurs de musiques de films sont obligés de subir une piste « temporaire » de musique par la production. Une sorte de schéma musical qu’ils doivent alors suivre. Pour THE BRAIN, il avoue ne jamais avoir rencontré Ed Hunt- et a été appelé une semaine avant la livraison du film par le producteur. 90mn de musique de film à sortir au plus vite, installé devant son synthétiseur pour remplir autant que possible les scènes de suspense. On ne peu plus transparent. Une conversation, en tous cas, très fun et pas du tout langue de bois. Quelques soucis techniques audio, toutefois, notamment vers la 78e minute, empêche la compréhension de ses apports.
Enfin, même schéma pour le « commentaire » avec Tom Bresnahan (« Breznahan » au générique), enregistré par téléphone interposé. Là aussi, un échange sur sa carrière et son implication dans THE BRAIN, qui était son premier vrai rôle. Revenant excessivement sur la manière dont le casting fonctionnait, le travail avec Ed Hunt - dont il ne tarit pas d’éloges sur le produit fini par rapport au budget alloué. La piste sonore se suit là aussi avec beaucoup de plaisir, Bresnahan étant un acteur passionné et passionnant à écouter, surtout sur des modes de travail datant d’il y a 30 ans. Apportant une certaine perspective sur le métier d’acteur dans le réseau « indépendant » (hors majors)., racontant ses castings pour 21 JUMP STREET en face de Brad Pitt ou de Keanu Reeves avec son skateboard! A noter que les 3 pistes audios de commentaires sont en anglais non sous-titrées.
Vous pensez en avoir terminé? Que nenni! Shout! a également concocté plusieurs interviews caméra.
Tout d’abord avec l’actrice principale Cynthia Preston, revenant sur sa carrière et sa participation au film avec énormément d’entrain, de bonne humeur - des souvenirs enjoués sur ses partenaires acteurs, l’impact du film encore aujourd’hui, tout comme sa relation avec le réalisateur. Et son unique résistance à une demande particulière!
Puis George Buza, jouant l’homme de main à la hache facile, parle également de ses expériences devant la caméra - et les difficultés qu’il a pu rencontrer de par son apparence. THE BRAIN tient a contrario une place toute particulière dans son coeur.
Ensuite, l’assistant réalisateur Michael Borthwick parle de l’organisation générale du tournage, les problèmes rencontrés sur l’élaboration de certaines scènes à effets spéciaux (recoupant ainsi les propos tenus par Ed Hunt dans son commentaire), tout comme sa vie après le film.
Enfin, un segment inhabituel avec un fan collectionneur de THE BRAIN, John Campopiano. un amoureux du film qui, au gré du temps s’est mis à rechercher des éléments sur le film, collectionner des posters et autres VHS d’à travers le monde, s’être rendu sur les lieux même du tournage… une vraie déclaration d’amour au genre et au film lui-même. Un peu ce que fait Romain Christmann en France avec LES DENTS DE LA MER 3D, somme toute. Tous les entretiens sont en HD et anglais non sous-titrés.
L’impressionnant flot de bonus se termine avec une galerie de photos de tournage et autres différents stades de création du cerveau géant (muet).
Il demeure inespéré de voir une édition aussi complète consacrée à un long métrage B comme THE BRAIN. Certes, il faute être anglophone et être pourvu d’un lecteur multizones, mais qu’il s’agisse du film, bancal mais hautement fun bande Bis à monstre géant ou de la qualité et le nombre spectaculaires de suppléments, cette édition s’avère hautement recommandée!