Nix (Daniel Von Bargen) est un gourou aux pouvoirs surnaturels. Voulant mener des desseins funestes via le sacrifice d'une enfant, ll se fait maitriser et enterrer vivant par son disciple Swann (Kevin J. O'Connor). Plusieurs années après, Swann devient un magicien renommé. Mais les survivants de la secte veulent à tout prix la résurrection de Nix.
Clive Barker demeure au fil des ans un artiste complet. Ecrivain, auteur de pièces de théâtre, scénariste, réalisateur' En 1995, il possède un énorme succès cinématographique à son actif : HELLRAISER, la production réussie de CANDYMAN et un semi-ratage ayant connu pas mal de déboires, CABAL. Arrive alors la production de LORD OF ILLUSIONS qui rencontra un succès d'estime, pas suffisant cependant pour le voir arriver en salles françaises. Plusieurs versions circulèrent sur la marché. mais c'est avec l'édition DVD/Blu Ray du Chat Qui Fume que s'avère la possibilité de le voir en HD dans les meilleures conditions.
Curieux, ce LORD OF ILLUSIONS. Une mixture ambitieuse, croisant film noir, fantastique, horreur tendance parfois gore. et triangle amoureux à multiples variations. Le film connut une distribution en salles dans quelques pays, dans une version d'1H49 (absente de cette édition française), puis d'une version plus fournie en dialogues et développement de personnages de plus de 2 heures. Clive Barker développe un film charnel, complexe, pénétrant la chair à la manière de Cronenberg. En tentant de donner vie à la pellicule même par instants. ce qui rappelle l'approche visuelle viscérale d'un Peter Greenaway qui tordait déjà l'image dans PROSPERO'S BOOKS, par exemple.
Barker veut horrifier son monde. L'auteur souhaite de ce fait employer tous les moyens possibles pour un tel projet soutenu par une major. Donc exit les extravagances créatives et limites de l'insoutenable qu'il balance dans ses livres. Il brouille l'ensemble, élime la frontière entre réel et fiction, brasser les influences, rendre les tensions ambiguës. Ce qui pose cependant plusieurs problèmes d'écriture. Le récit amorce plusieurs pistes et présente de multiples personnages secondaires et tertiaires, pour les abandonner quasiment aussitôt. Une forte odeur de qui trop embrasse mal étreint parcourt le film de petites secousses. D'autres éléments viennent parasiter l'ensemble, comme ce ridicule baiser entre d'Amour et Dorothea, qui ressemble plus à un gage donné au distributeur pour céder au cahier des charges obligatoire de la romance à l'écran. Ceci apparait ici totalement superficiel et inutile au récit. D'autant que cela réduit Famke Janssen à un rôle de femme-trophée translucide qui doit être sauvée par le détective tous poils dehors de service.
Il existe par ailleurs une dimension éminemment queer dans LORD OF ILLUSIONS. Un aspect de la personnalité de Clive Barker mise en retrait par certains, mais qui transpire de son oeuvre. Ici un gourou qui revient d'entre les morts-vivants car son protégé l'a trahit. Non pas parce qu'il l'a expédié ad patres ou autre, juste que son plan de passer le temps en sa compagnie après avoir fait table rase de l'humanité, est tombé à l'eau. Swann a changé d'avis pour, au final, épouser l'enfant qu'il sauvé d'une fin sado-maso du plus bel effet. Une dynamique qui n'est pas sans rappeler celle du psychiatre fou de CABAL jouant avec l'esprit du monstre-homme Boone. Egalement, en plus de la manière de décrire un Scott Bakula Bogarto-sexué, Swann choisit de parsemer son spectacle de danseurs à moitié nus bardés de cuir. Comme une sorte de prolongation des délires fétichistes de Mappethorpe passé à travers une grille de lecture sado-sanglante de Barker, via bien sûr le sex-symbol que Pinhead était devenu entre temps. Mais comme à son habitude, ces sous-courants homosexuels traversent des remous de violence et de marque négative. Ici un duo improbable entre un disciple glitter aux courts shorts moulants (Butterfield «champ de beurre» en traduction littérale. Hasard?) pétri de dévotion quasi amoureuse envers Nix et un skinhead increvable.`
A défaut de maitriser sa narration, Barker excelle dans la mise en images de pièces d'ensemble. Qu'il s'agisse du numéro de Swann, perclus de couleurs gothiques et de suspense tranchant. Ou du final apocalyptique aux corps engloutis par le sol, il y a développe un sens du macabre aux teintes fortement surréalistes.
Le mélange de film noir et d'horreur avait déjà touché le très surestimé ANGEL HEART. Barker livre ici une oeuvre imparfaite, parfois bancale mais tellement riche en thématiques et en volonté de nuire à la tranquillité du spectateur qu'on ne peut que le remercier. Il essaye de remodeler l'horreur pour les années 90, mais n'y arrive que très partiellement. Malgré un budget supérieur et une avalanche d'idées, LORD OF ILLUSIONS n'arrive pas à égaler l'horreur crue d'un HELLRAISER, bien plus transgressif et poisseux. Maintenant, il serait dommage de se priver de voir ce film mésestimé dans d'aussi bonnes conditions.
Marque de fabrique de l'éditeur Le Chat qui Fume, cette édition spéciale arrive dans un fourreau dont se dégage un triptyque contenant 3 disques. Packaging toujours luxueux, aux images soignées. Lorsqu'on enfourne la galette Blu Ray, surprise : l'éditeur livre son graphisme de menu le plus laid qu'il ait jamais opéré. Une animation digne de menu dvd de la fin des années 90. on peine à croire que ce soit voulu. Passée cette horreur, le menu animé offre les choix d'accès au film, aux options sonores, suppléments et remerciements. Toujours pas d'accès chapitré à l'horizon au niveau du menu. A noter que, comme d'habitude, un effort est effectué sur les jaquettes recto et verso, notamment sur la complétude des informations relatives au contenu. Pas le cas de tout le monde. Une copie HD venant visiblement du master utilisé par Shout! via MGM. 1080p, codec AVC et d'une durée complète de 121mn35 (en enlevant les logos MGM et United Artists, on en vient à 121mn03). Format original respecté de 1.85:1 sur un BD 50.
Le générique de début fait assez peur, avec des flous, des couleurs assez lavasses et une définition pas vraiment optimale; Comme si le travail n'avait pas été mené jusque là. Heureusement, cela s'arrange nettement par la suite. Offrant une palette de couleurs orangées et bleutées de plus diversifiées, comme pour le show de Swann. Tout comme les gros plans (comme Famke Janssen, à la 33e mn) s'avèrent particulièrement réussis, avec un excellent niveau de détail et de lumière. Aucun artéfact de notable, ni d'effet de correcteur de bruit trop gênant à pointer. On peut également pointer de très bons niveaux de noirs, profonds et des contrastes maitrisés. Le pendant négatif du passage à la HD reste la mise en avant des pauvres effets spéciaux visuels numériques qui accusent encore plus méchamment leur âge.
Concernant le(s) DVD (un DVD-9), le film ainsi que les films annonces sont sur le premier disque, tandis que les bonus demeurent sur le second.
VO anglaise et VF au programme avec deux mixages offerts. Un mixage DTS HD MA 5.1 anglais qui reprend le mixage Dolby Stereo d'origine. A noter que le menu du disque précise simpement « 5.1 » sans que l'on sache vraiment de quel compression il en retourne. Pas de souffle notable, des dialogues clairs, même lors des chuchotements parsemés dans la bande-son, et la mise en évidence du très beau travail de Simon Boswell qui présentait ici son oeuvre la plus ambitieuse à date. Fatalement, l'ensemble des éléments de dialogue se retrouvent sur le canaux droit, central et gauche avant. tandis que les effets autres (la musique, les appuis des effets pyrotechniques et autres moments horrifiques) trouvent appui sur les arrières. Des effets sonores arrière discrets, mais fournis, reflétant assez bien la complexité de la vision de Barker - qui visuellement fourmille également de détails visuels. Une belle expérience immersive. Le mixage 2.0 n'apporte que peu d'intérêt par rapport au précédent, réduisant l'espace sonore créé - même si l'ensemble reste très largement audible. A noter que les sous-titres français restent optionnels.
Un très intéressant parcours de l'oeuvre de Clive Barker via le segment avec Guy Astic (Rouge profond), qui remet en perspective le film dans l'oeuvre complète de Barker. Après une première partie citant les éléments biographiques et chronologiques, l'intervenant rentre plus dans l'analyse dans la seconde partie, en axant sur LE MAITRE DES ILLUSIONS, son rapport à la nouvelle originelle et ses implications. très bien vu. Même si la notion de sexualité notée comme «déviante» que l'éditeur/écrivain développe reste matière à discussion.
Les coulisses du film, sur presque 18mn, permettent de retrouver certains moment de tournage et d'interviews du réalisateur, sa productrice, Scott Bakula, tout comme les principaux acteurs du film - Janssen articulant autour du challenge d'une actrice devant jouer devant des éléments absents du tournage. Ce segment au format 1.33:1 est un documentaire d'époque, sans vraiment de contradiction - un matériel marketing d'époque, quoi. En version originale anglaise avec sous-titres français amovibles.
Le gros morceau provient d'un documentaire d'un peu plus d'une heure qui revient de manière extensive, bien plus que le précédent sur les coulisses, sur l'élaboration du film. Bonne pratique que de même en split screen les images du tournage (avec le son) et la scène qui apparait dans le film. permettant de constater les efforts déployés pour le résultat final. Et de constater les influences de David Cronenberg et David Lynch, par la bouche de l'auteur même. Un segment précieux, contenant un maximum d'informations sur le déroule du film et son contenu, avec également des tests de maquillage, du tournage' Il faut donc fortement conseillé de voir l'ensemble des suppléments après avoir vu le film.
Pour compléter, le film annonce original non censuré (2mn39), tout comme la collection de films annonce des autres titres parus/à paraitre chez l'éditeur, dont THE CONTRACT (LA SAIGNEE), en vo non sous-titrée. Tout comme le livret accompagnant l'édition (hors fourreau).
Il s'agit au final de l'édition la plus complète qui soit sortie sur notre territoire, permettant de bénéficier de la version dite «Director's cut» en HD. Par rapport à d'autres éditions sorties ailleurs (comme Shout! aux USA), il manque quelques éléments, dont entre autres la version cinéma US, le commentaire audio de Clive Barker ou les scènes coupées. Toutefois, ceci ne gâchera pas le plaisir d'une édition fournie de près de deux heures de suppélments, dont un bonus totalement original, analytique et bienvenu.