Sur le papier, BRIGHT a tout d'un film de cinéma, destiné à claquer les mirettes du spectateur en s'affichant sur un écran de plusieurs mètres. D'abord avec son ratio 2.35 éclatant, son visuel léché et ses moyens qui transpirent sur la plupart des plans. Ensuite grâce à un casting regroupant tout de même Will Smith, Noomi Rapace, Joel Edgerton et Edgar Ramirez. Une distribution plutôt prestigieuse dirigée par un David Ayer jadis assez prometteur. Très connoté «Polars urbain», le bonhomme nous avait en effet surpris avec les scénarii de TRAINING DAY et DARK BLUE, avant de mettre en boite END OF WATCH ou encore SABOTAGE. Des pelloches parfaitement recommandables qui ont permis à Ayer d'accéder à des productions très Hollywoodiennes comme FURY ou, plus récemment, la baudruche SUICIDE SQUAD...
Et bien figurez-vous que BRIGHT est un peu le résultat de ce grand écart castrateur entre Polars de rue et Super-Production fantastique poseuse ! Un rejeton difforme mais si stéréotypé que son géniteur ne saurait remettre sa paternité en cause... La moiteur de la rue est palpable, les flics répondent à l'appel, qu'ils soient véreux ou droits dans leur bottes, et les gangs s'affichent dans toute leur diversité. Et quand on parle de diversité, on va bien au-delà des latino ou afro-américains clichés auxquels nous sommes habitués. BRIGHT nous propose en effet des communautés d'orques plutôt sanguins, ainsi qu'une classe bourgeoise trustée par les elfes ! Un polars mâtiné de SEIGNEUR DES ANNEAUX en quelques sortes...
Daryl Ward et Nick Jakoby sont flics. Le premier est humain, alors que le second est un orque. Entre les deux, le courant ne passe pas et les a priori raciaux n'aident pas forcément. Mais alors qu'ils tentent de maintenir une entente cordiale entre eux, des elfes maléfiques s'adonnent à une magie qui pourrait bien causer la perte de l'humanité. Dès lors, Ward et Jakoby n'ont d'autre choix que d'unir leurs forces pour aller botter du cul elfique.
Inutile de se voiler la face plus longtemps, ce BRIGHT n'est autre qu'une resucée moderne et poisseuse de FUTUR IMMEDIAT, LOS ANGELES 1991. Au même titre que PIXELS est un remake de SOS FANTOMES et R.I.P.D une décalque de M.I.B, ce film estampillé Netflix doit énormément au métrage de Graham Baker, sorti sur les écrans (lui) en 1988. D'une certaine manière, on devine la même ambition de décliner l'univers sous différents formats, que ce soit en films ou en séries. Mais BRIGHT en a t'il l'étoffe ? La réponse est clairement non. La faute à un scénario extrêmement prévisible et à des dialogues creux, cherchant la bonne vanne ou l'explicatif laborieux. Les personnages sont brossés grossièrement et les quelques éléments de background qu'on leur accorde n'ont aucune incidence sur l'histoire. Nous déplorerons également un communautarisme qui relève de la caricature, et pourrait même alimenter des polémiques bien plus justifiées que celles qui collent à la peau de l'univers Tolkien. Enfin, BRIGHT a la mauvaise idée d'aller caresser la durée de deux heures, alors qu'il se montre déjà bien laborieux avant la première moitié échue...
Pourtant, tout n'est pas si dramatique dans cette première tentative de Blockbuster Netflix. Admettons par exemple que Noomi Rapace s'offre ici une parenthèse sexy et dynamique plutôt surprenante. Reconnaissons également que nous évitons la surcharge numérique et valorisons les maquillages de qualité. Ceux-ci frôlent même le sublime et donnent aux différentes races une certaine élégance, ainsi qu'une identité visuelle moderne. Ce soin particulier contribue à la création d'un univers relativement cohérent qui pourrait accueillir un vaste éventail de créatures.
Reste qu'après un final convenu et désincarné, Netflix va devoir ramer sérieusement pour vendre sa formule. Mais qui sait ? A l'aube d'une forme de diffusion nouvelle, la surexposition médiatique du film pourrait fort bien créer un incontournable, au même titre que la radio crée des «Hits» en les assénant en boucle. Il reste cependant peu probable que BRIGHT soit le film qui génère de nouveaux abonnements. Pour cela, Martin Scorsese et sa bande de vieux briscards semblent plus indiqués, du haut de leur THE IRISHMAN et de ses 200 millions de dollars bien tassés...