Après une tentative de suicide manquée, Nora (Kathleen Crowley) se réveille dans une ville totalement désertée et sans électricité. Elle croise néanmoins un autre survivant nommé Franck (Richard Denning), ainsi qu'un couple (Virginia Grey Et Richard Reeves). Ils réalisent petit à petit qu'ils sont les seuls à avoir été oubliés suite à l'évacuation de Chicago. Une armée de robots géants attaque en effet à ce même moment.
Tourné en 7 jours pour un modeste budget d'environ 85 000$, ce TARGET EARTH (traduit par OBJECTIF TERRE pour sa sortie dvd chez Artus Films) fut le premier film produit par Herman Cohen. Un homme qui lâcha sur les écrans des I WAS A TEENAGE WEREWOLF, CRIMES AU MUSEE DES HORREURS ou encore TROG. Le scénario adapte la nouvelle « Deadly City » de Paul W. Fairman, parue en 1953. Ce fut porté à l'attention de Cohen par James H. Nicholson. Futur père de Jack du même nom, mais également futur patron d'A.I.P (American International Pictures), qui distribua -surprise- bon nombre de production d'Herman Cohen. Il s'agit en outre du premier des 4 réalisations de Sherman A. Rose, monteur de profession. notamment pour une avalanche de westerns B, notamment de la série des Hopalong Cassidy, concoctés par la stakhanoviste Lesley Selander. Cette formation de monteur profite à OBJECTIF TERRE, avec un ici montage plutôt adroit et performant.
Richard Denning mène la charge côté acteurs. S'il fut abonné aux seconds rôles pour des productions A comme ELLE ET LUI, il trouva dans le monde de la série B des premiers rôles chez Roger Corman (OKLAHOMA WOMAN, THE DAY THE WORLD ENDED). Jack Arnold fit appel à lui à plusieurs reprises pour L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR ou ESCALE A TOKYO. Il oscilla dans pas mal de bandes comme on les aime : LE TUEUR AU CERVEAU ATOMIQUE d'Edward L. Cahn ou encore TWICE TOLD TALES de Sydney Salkow ou encore d'innombrables séries TV. Un acteur indispensable, donc. et qui plus est doté d'une solide présence à l'écran.
L'actrice à laquelle il indique ne « pas vouloir lui faire du mal » puis de lui coller une baffe juste après est Kathleen Crowley. Discrète dans sa carrière, elle offre ici une prestation très juste. Plutôt orientée dans la télévision, elle a surtout marqué le cinéma de genre où elle tomba DANS LES GRIFFES DU VAMPIRE, un excellent western fantastique avec Eric Fleming (d'ailleurs, une très bonne idée de sortie sur notre territoire!), qui arrêta sa carrière en 1970, cumulant deux belles oeuvres : LA DESCENTE INFERNALE de Michael Ritchie et AU DELA DE LA SENTENCE de Sydney J. Furie.
Le tableau serait incomplet sans mentionner Virginia Grey, une blonde à fort caractère qui traça une carrière riche depuis son enfance dans le cinéma muet. Avec aussi bien en grosses productions hollywoodiennes comme LA ROSE TATOUEE, de multiples seconds rôles en compagnie de Lana Turner (MADAME X, L'AMOUR A PLUSIEURS VISAGES), chez Douglas Sirk jusqu'à AIRPORT! Tout en suicant aussi à nouveau Herman Cohen pour LES FAUVES MEURTRIERS. Quelle trajectoire!
En outre d'être une adaptation du roman « Deadly City » de Paul W. Fairman, OBJECTIF TERRE s'inspire largement du FIVE d'Arch Oboler, qui surpassa les attentes du box office de 1951. A savoir 5 personnes isolées du monde par une catastrophe, et tentant de survivre malgré les tensions. Sauf qu'ici, des robots venus de Venus (vraiment?) provoquent cette sécession d'avec le monde extérieur. A noter que le look du robot - et le thème- se retrouveront en forme d'hommage dans SKY CAPTAIN ET LE MONDE DEMAIN.
Le metteur en scène excelle dès les premières minutes, sans aucun dialogue les 4 premières minutes, à installer un vague sentiment de malaise. L'image parle d'elle-même, sans besoin de dialogues superflus. Tout comme les scènes d'extérieur de Los Angeles déserté (bon, le récit parle de Chicago, mais difficile de s'y méprendre!), une émotion palpable dans cette métropole abandonnée. Idem pour les échanges sentimentaux entre les personnages : on y croit. D'aborder un sujet comme le suicide dans un film de SF, il fallait oser - tout en rendant l'ensemble crédible. Il existe un véritable effort de donner de la chair à chaque protagoniste, rendant le film quelque peu plus ambitieux qu'il n'y parait pour une série B. Il s'agit du terrain dramatique qui l'emporte clairement sur la partie SF, quelque peu maladroite. Ce qui, également, faisait le succès d'un film comme FIVE.
Mais avant tout, la narration réussit pleinement à créer ce sentiment d'isolation et de paranoïa progressive. Et fait même plus peur dans sa première partie que dans sa mise en avant du robot agressif. Je dis du car le minuscule budget ne permit la construction que d'un seul robot, faisant à lui seul office d'armée! Son introduction au récit s'effectue là aussi de manière intelligente, sous forme d'ombre gigantesque se reflétant sur un immeuble. Pour 1954, on imagine facilement l'impact sur le public! Certes, dès la révélation de sa forme véritable, le look n'a que peu d'impact (voire pas du tout!) 62 ans après. Il projette un puissant rayon lumineux, à la manière de Gort dans LE JOUR OU LA TERRE S'ARRETA. Simple, mais efficace! Le film possède ensuite un rythme qui s'accélère jusqu'en fin de parcours. Un dernier quart tout en pression, avec notamment un combat sur un toit d'immeuble au montage serré qui donne un climax réussi.
Arrivant dans le flot de curiosités de SF des années 50, OBJECTIF TERRE demeure un des entrées mineures du genre. Comparé aux SURVIVANTS DE L'INFINI avec son Technicolor rutilant et ses effets spéciaux complexes, il fait pâle figure. Mais ce qu'il perd en ambition et en rendu visuel, il le gagne en atmosphère oppressante. Il s'agit en ce sens de la meilleure réussite qui soit pour le film. Dommage qu'il le perde en ramifications d'une intrigue qui rajoute à la sauce des rebondissements inutiles. Comme le tueur (Robert Roark), arrivant comme un cheveu sur la soupe en dernier tiers du métrage. La construction alternée avec intervention des militaires et le sort des civils dissout quelque peu la pression initiale. Les explications fumeuses du pourquoi de l'invasion (avec même l'ombre qu'elle provienne d'ordres donnés sur Terre) vont dans le sens du sentiment de Guerre Froide et de suspicion régnant dans le cinéma US à cette époque.
Video : Le film arrive au format 1.66:1 et signal 16/9e, en noir et blanc d'origine. D'une durée complète de 71mn57, cette production Allied Artists se trouve sur un DVD Double couche en compagnie d'un autre film de SF, CYBORG 2087. Le choix du menu disque permettant d'aller vers chacun des deux films. Le menu du film opte pour un affichage vertical des options. La superbe affiche américaine d'origine sur la gauche, et la possibilité de sélectionner film, chapitres (au nombre de 8), le diaporama ainsi que le film annonce. Belle surprise que cette copie : malgré les nombreuses décades qui nous séparent de sa réalisation et le budget très bas, elle demeure d'une qualité étonnante. Une définition parfois surprenante, si l'on compare à la copie de CYBORG 2087. En omettant quelques scènes extérieures en plan large, tournées à la hâte car sans autorisation, avec le point pas toujours fait, le reste se tient vraiment bien. Une image générale assez douce: on pointe une quasi absence de poussières ou griffures quelconques, une certaine robustesse des niveaux de noir. Peu de traces de compression, aucun moirage, avec un bon contraste général. Le grain d'époque est bien présent mais jamais gênant. La manchette de journal à 27mn10 donne des lettres bien définies, sans flou notable.
Audio: : N'étant jamais sorti sur notre territoire, il demeure logique de trouver uniquement une piste audio anglaise en Dolby Digital mono encodé sur deux canaux, avec des sous-titres français optionnels. Ces derniers ne sont pas sélectionnables au niveau du menu film. Il faudra donc les actionner depuis votre lecteur ou votre télécommande. Bonne piste audio, justement. Des dialogues limpides, une bonne performance concernant la partition musicale de Paul Dunlap, bien plus inspiré que celle qu'il commis pour CYBORG 2087. On note bien quelques petits grésillements à certains changements de bobine, mais c'est vraiment minimal.
Suppléments: comme pour CYBORG 2087, chroniqué précédemment, OBJECTIF TERRE se trouve dans le coffret de 4 films nommé LA GUERRE DES ROBOTS. Avec en menu disque le choix des deux films précités mais également le film annonce (en VO non sous-titrée) et un diaporama de matériel relatif au film : photos d'exploitation en couleurs et publicitaires en noir et blanc. Le coffret contient également un autre disque contenant LE MAITRE DU MONDE et CREATION OF THE HUMANOIDS, tout comme un court livret de 12 pages sur le sujet des robots dans le cinéma de SF US entre 1951 et 1966, par Alain Petit. Et enfin les cartes postales des 4 films tout comme le catalogue de l'éditeur.
A noter que le Laserdisc NTSC de chez Roan Group sorti en 1997 octroie un format 1.85:1. Il contient un précieux commentaire audio du producteur, qui avait été repris pour la version DVD du film sorti chez VCI en novembre 2003. Dommage de ne pas le retrouver ici!