Cinq ans après la fin de la 2e guerre mondiale, Lise Cohen (Daniela Poggi) rejoint Conrad (Adriano Micantoni ) l'ancien chef du camp de concentration où elle fut internée. Ils reviennent dans le lieu où elle connut les pires dégradations. A travers des flash-backs, elle revit la trajectoire qui lui fit perdre toute humanité.
A la suite des succès de PORTIER DE NUIT ou de SALON KITTY, les producteurs italiens (et parfois français) avisés s'engouffrèrent dans la brèche. Arriva un sous-genre cinématographique nommé aujourd'hui «Nazisploitation». qui repartit aussi vite qu'il ne débarqua sur le marché Du cinéma d'exploitation sur fond de camp de concentrations nazis. Autant dire de suite que je ne porte pas du tout dans mon coeur ce type de films, plus nauséeux qu'autre chose. Exploiter la souffrance et le génocide de plusieurs millions de personnes pour montrer du cul, de la torture et de la violence possède à mes yeux quelques chose de fortement répréhensible. Mais le cinéma d'exploitation italien reste tel qu'il fallu en passer par là pour permettre à certains artistes de s'exprimer. Faisant suite aux curiosités de LOVE CAMP 7 ou encore ILSA LA LOUVE DES SS qui ont du plus qu'influencer cette association nazi/sadomasochisme et tout le décorum qui va avec. Cela reste donc du cinéma, à prendre à des pincettes pour les inhabitués du genre et forcément pas au premier degré.
Le cinéaste Cesare Canevari, auteur du surréaliste et electronico-psychédélique MATALO! (également sorti chez Artus Films) apporte ainsi sa pierre à l'édifice. Son parti-pris radical le fait presqu'arriver de manière logique dans le monde de la Nazisploitaion. Il suit de ce fait le cahier des charges attendu : beaucoup de nudité, ds viols, des tortures, des plans extrêmes, un côté assez cheap. Tout pour exciter (et/ou révulser) le spectateur à qui est destiné ce type de produit. Mais là où d'autres cinéastes au talent médiocre, comme Luigi Batzella ou encore Sergio Garrone, échouent à s'élever au-dessus de la série Z, Canevari montre un peu plus d'ambition. Explications.
A regarder en surface le film, son écrin reste médiocre. Avec son apparence de rester proche d'une certaine « réalité » des camps de la mort, on a quand même un héroïne supposée prisonnière battue, humiliée violée qui traverse le film maquillée comme un camion volé. Il y a de gros doutes sur a disponibilité de stocks de produits l'Oreal dans une telle situation. Ensuite, la rudesse des décors fait l'effet inverse souhaité : malgré ses aspects délabrés, on garde une impression que le film a été tourné dans des dépôts abandonnés autour de Rome que dans une reconstitution de camp de concentration. On pourra dire qu'il s'agit d'un prolongement de la désolation de la ville fantôme de MATALO!, au mieux. C'est filmé de manière crue, sans grande fioriture. Mais le semblant d'atmosphère nazie prête plus au ridicule qu'autre chose. Ce qui aide à faire passer la pilule : les acteurs. La très altière Maristella Greco donne à son personnage de chef de la Gestapo une beauté sadique du meilleur effet. Une digne concurrente de la Top du genre, à savoir Macha Magall. Daniela Poggi promène son air éthéré et perdu pour apporter ce petit plus de déconstruction de son âme au gré des humiliations. Et Adriano Micantoni, officier ambivalent, sait naviguer dans les eaux troubles du nazi versé dans les pires atrocités,… tout en étant torturé par sa chef Gestapiste et cauchemars en tous genres.
Le scénario pille joyeusement à droite et à gauche divers thèmes abordés dans quelques films antérieurs. PORTIER DE NUIT pour la « romance » entre victime et bourreau, une pincée de SALON KITTY pour l‘exploitation de femmes à destinée de plaisir, une louche d'ILSA pour la vengeance, une bonne lampée de SALO OU LES 120 JOURNEES DE SODOME… jusqu'à présenter quelques similitudes de forme avec HORREURS NAZIES tourné l'année précédente. Bon, en même temps, l'ensemble du cycle Nazisploitation tendait à se polycopier à outrance les us les autres. Donc tout à fait logique de retrouver des thématiques identiques. Jusqu'à repiquer un des endroits de tournage de DANS LES REPLIS DE LA CHAIR, qui avait déjà lui aussi ses racines dans la 2e guerre mondiale et ses camps de la mort. Et qui offre au film deux scènes maritimes aérant curieusement le récit qu'il souhaitait claustrophobe.
Canevari étale son catalogue de déviance avec une rigueur presque désarmante. Dans un premier temps, les victimes féminines sont clairement présentées comme juives. En voie de domptage à des fins de jouet sexuels pour soldats allemands avant de repartir au front. Déterminé à repousser quelques limites, il pousse le bouchon. Qu'il s'agisse d'une scène d'amour très longue entre Lise et la médecin compréhensif du camp (Fulvio Ricciardi) : la caméra s'attarde très (trop) longuement sur les roulés-boulés des deux amants sur un lit. S'attardant comme il faut sur les corps nus. Flamber au cognac une prisonnière évanouie, sur une table, avec les officiers trinquant. Autour d'un dîner aux relents étrangement politiques, le discours absurde sur les juifs comme étant la prochaine viande riche qui nourrira la race aryenne. Cannibalisme, déviances sexuelles, tortures infinies… Canevari ne recule devant rien. Ou presque, puisque la caméra épargne (malgré elle) le spectateur de quelques horreurs. Même quand les chiens dévorent une pauvresse donnée vive en pâture, les effets spéciaux prêtent plus à rire qu'à terroriser. Toutes les limites du cinéma Bis transalpin.
Côté technique, on reste très loin des élucubrations Z de Bruno Mattei ou de Luigi Batzella; Canevari sait tenir sa caméra, raconter une histoire, laisser parler l'image. On retrouve en évidence la patte stylistique qui marqua MATALO! ou le très sympa pré-Giallo UNA IENA IN CASSAFORTE, qui annonçait déjà des cadrages décalés et de curieux effets de caméra. De très beaux panoramiques semi-circulaires en plan américain sur Daniela Poggi, des effets de montage audacieux avec des scènes alternées (dont un très rapide plan de branlette limite X sur 1/4 de seconde à 48mn05!), des effets de ralenti judicieux pour appuyer l'émotion. Les mêmes effets d'images arrêtées en pleine action de MATALO! s'y retrouvent. A de rares moments, la facture s'avère même excellente. Voir en ce sens la scène finale, mélange troublant de bisserie légère avec sa scène de cul désespérée dans un entrepôt abandonné avec la mort qui rôde.
Maintenant, il appartiendra à chacun(e) de savoir à quoi s'attendre en enfournant la galette dans le lecteur adéquat. Certain(e)s possèderont la distance nécessaire afin « d'apprécier » le film au 2e, voir au 36e degré. Comprendre à quel point il demeure ridicule dans son essence et son élaboration. Malgré quelques fulgurances rappelant que Canevari n'est pas franchement un manche quand il le veut. Les autres, dont l'estomac peut facilement se retourner, auront à coeur de vomir sur le DVD du fait des exactions perpétrées à l'écran. Au final, bien délicat de rester indifférent, même si le film accuse le poids des années. Un témoin involontaire d'une époque où le cinéma transalpin transpirait le transgression par tous ses pores. Et peu importait la forme et les moyens mis en oeuvre.
Pour la première fois en France, le film de Cesare Canevari arrive en DVD sous la bannière Artus Films. A noter que l'ULTIMA ORGIA DEL IIIe REICH connait un nouveau titre. En effet, Artus débaptise le nom d'exploitation français de BOURREAUX SS ou encore DES FILLES POUR LE BOURREAU pour finir sur le certainement plus vendeur DERNIERE ORGIE DU IIIe REICH traduction littérale du titre italien original. Pour mémoire, le film était déjà disponible en DVD aux USA chez Media Blasters puis chez Intervision en 2014 sous le titre de THE GESTAPO'S LAST ORGY.
Video: au format 1.78:1 et 16/9e, la copie présentée surprend par des couleurs robustes et une assez jolie définition. La durée complète de 91mn53 suggère une version Uncut, tout comme le carton-titre anglais laisse à penser qu'il s'agit d'un master tiré d'une copie américaine. Certes, on notera pas mal de poussières blanches qui parsèment le film, une belle rayure verticale vers 10mn43 - mais aucunement gênant à la vision du film : plutôt une bonne surprise. On accède à l'ensemble via un menu fixe agrémenté d'une photo suggestive de Daniela Poggi (Daniela Levy au générique) et la chanson « Lise » en fond sonore - avec accès chapitré, langues et suppléments. La jaquette du DVD reprend elle le visuel de l'affiche italienne.
Audio: on retrouve les version italienne d'origine et le doublage français. Tous deux encodés en Dolby mono sur deux canaux, avec sous-titres français optionnels. Un certain souffle reste présent sur les deux mixages, avec peut-être un peu plus de proéminence sur la piste française. Cette dernière minimise parfois quelques bruitages et environnement sonore par rapport à la piste italienne (vers 3mn35, par exemple). Les dialogues français sont parfois absents à certaines scènes : à 15mn33, depuis la relation incestueuse mère/fille jusqu'à la jeune femme se recouvrant d'excréments. Il manque ainsi près de 45 secondes de dialogues, alors que les bruitages sont bien présents. Ou encore vers la 63mn56, à l'explication de la mort de la famille de Lise. Très curieux. A noter également qu'une scène absente de cette VF est présente en version originale italienne sous-titre français, à compter de 28mn36 jusqu'à 31mn09 - tout le début de la diatribe sur le cannibalisme comme nouvelle solution finale. Au final, cette piste française possède un aspect plus brut que sa consoeur italienne et également, incomplète. Mais les dialogues apparaissent largement audibles, tout comme la musique - tout comme la chanson du film revenant (hélas) trop souvent.
Suppléments : pour une rare fois, Artus n'apporte aucun éclairage sur le film. Pas de supplément tourné pour l'occasion, hélas. Il y a cependant une fin alternative, donnant une toute autre approche de la compréhension du parcours de Lise. La qualité très VHS de la scène n'enlève en rien à son caractère étonnant. Ce qui laisse à penser que Canevari penchait pour une velléité d'aller au-delà du sous-genre. Le générique final est celui de la copie italienne, étant totalement différent de la version présentée dans le film Un diaporama permet de découvrir quelques affiches et photos d'exploitation espagnoles. Enfin, 3 bandes annonces de la collection « Guerre et Barbarie » de l'éditeur.
Si votre estomac vous le permet, les amateurs de curiosités malsaines et de Bis sulfureux trouveront leur compte avec ce DVD. Tous comme les complétistes de l'oeuvre de Cesare Canevari, un auteur trop régulièrement oublié des amateurs de cinéma de genre transalpin - même ici, sachant apporter une certaine marque d'auteur. Pour les autres, vous êtes maintenant prévenus du contenu du film!