Header Critique : MASQUE D'OR, LE (THE MASK OF FU MANCHU)

Critique du film
LE MASQUE D'OR 1932

THE MASK OF FU MANCHU 

Dans le désert du Gobi, une expédition britannique découvre la tombe de Genghis Kahn, enterré avec son masque et son épée. Les archéologues comptent ramener ces trésors au British Museum. Mais le terrible docteur Fu Manchu veut utiliser la puissance de ces artefacts pour prendre la tête d'une armée venue de toute l'Asie et exterminer la race blanche...

L'écrivain britannique Sax Rohmer invente le docteur Fu Manchu en 1913, dans un feuilleton publié au sein d'un journal puis repris sous forme de roman. C'est un très grand succès dans les pays anglo-saxons et cet auteur continue à publier des confrontations entre ce génie du mal et son ennemi juré, Nayland Smith de Scotland Yard, jusqu'à sa mort, en 1959.

Très populaire, Fu Manchu voit ses méfaits portés à l'écran dans des serials britanniques au début des années vingt : THE MYSTERY OF DR. FU MANCHU et THE FURTHER MYSTERIES OF DR. FU MANCHU. A Hollywood, Paramount propose des aventures sonorisées de Fu Manchu, avec une série de trois films, amorcée en 1929 par THE MYSTERIOUS DR. FU MANCHU de Rowland V. Lee, dans lequel le fourbe asiatique est incarné par Warner Oland.

Cependant, le film le plus réputé consacré à Fu Manchu est LE MASQUE D'OR de 1932, produit par la prestigieuse MGM qui, pour l'occasion, se paie les services de Boris Karloff, nouvelle star de l'horreur révélée par FRANKENSTEIN. La firme au Lion, qui s'est illustrée au temps du muet par des œuvres insolites interprétées par Lon Chaney, veut ainsi contre-attaquer face aux succès de la Universal que sont DRACULA et FRANKENSTEIN.

C'est Charles Vidor, dont cela aurait dû être le premier long métrage, qui se voit confier la réalisation de LE MASQUE D'OR. Mais il est congédié au bout de quelques jours de tournage et remplacé par le plus expérimenté Charles Brabin. Aux côtés de Karloff, Myrna Loy (futur vedette de l'histoire de détective L'INTROUVABLE et de ses suites) incarne la cruelle fille de Fu Manchu. Lewis Stone (déjà croisé dans LE MONDE PERDU d'après Conan Doyle) interprète l'agent Nayland Smith.

Le docteur Fu Manchu est un des personnages les plus connus des cinémas d'épouvante et d'aventure hollywoodiens. Redoutablement intelligent et cultivé (il a acquis son titre de docteur dans des prestigieuses universités britanniques), cet asiatique à l'allure inquiétante n'utilise ses dons qu'afin de tourmenter son prochain. A la tête d'un Empire du mal s'appuyant sur les activités de la pègre (son repaire est caché dans un bouge où l'on marchande de lascives étreintes et d'abrutissantes bouffées d'opium), il partage son temps entre la mise au point d'instruments de tortures, plus raffinés et complexes les uns que les autres, et l'élaboration de plans à visée hégémonique, destinés à assurer le triomphe de l'Asie sur la civilisation blanche et chrétienne. Obséquieux, cruel, fourbe, mais aussi génial et ambitieux, il est aidé par une armée d'hommes de mains, portant le tatouage du Dragon Rouge sur l'omoplate. Spécialisés dans les arts de l'assassinat, ils sont chargés d'éliminer en silence et sans pitié ceux qui voudront se dresser sur le chemin du maléfique Docteur.

Pourtant, Nayland Smith, brillant agent de Scotland Yard, veille. Dès qu'il soupçonne Fu Manchu de préparer quelque forfait, il part à l'aventure avec le docteur Petrie, son fidèle compagnon (absent dans le film LE MASQUE D'OR) ! Évidemment, l'interprétation géniale de Boris Karloff dans le rôle de Fu Manchu tire l'ensemble du film vers le haut. Grimaçant, précis et théâtral, Fu Manchu apparaît pour la première fois au spectateur dans une scène inoubliable, parmi les crépitements électriques et les éclairages expressionnistes de son laboratoire, orné de fioles fumantes et d'alambics tordus.

L'autre vedette de LE MASQUE D'OR est à l'évidence l'antre de Fu Manchu, base souterraine aux décors mégalomanes dans lesquels les formes arts-décos s'entrechoquent avec un imaginaire exotique hollywoodien exubérant (draperies ornés de dragons, énormes vases en porcelaine, colossales statues dorées de guerriers). Une infecte fumerie d'opium côtoie quelque sinistre grotte souterraine dans laquelle sont fouettés des captifs. Puis, nous arrivons dans une étonnante salle circulaire dans laquelle Fu Manchu se livre à de cruelles "opérations" médicales. Enfin, nous accédons à une vaste et fastueuse salle de réception au milieu de laquelle trône une terrible machine émettant un impitoyable rayon de la mort...

Peuplé de serviteurs affables et robustes, ainsi que de véritables crocodiles et serpents, ce palais des mille et uns supplices comporte encore des pièces très particulières, telle la "chambre aux doigts d'argent" dont deux parois opposées, hérissées de pointes métalliques, s'avancent en broyant le malheureux prisonnier attaché en son centre. Ces superbes et extravagants plateaux sont le fruit du travail de Cedric Gibbons, génie de la direction artistique, qui donna ses décors flamboyants aux chefs d'oeuvre de la MGM dans son âge d'or : LARMES DE CLOWNS avec Lon Chaney, LE FIGURANT avec Buster Keaton, TARZAN L'HOMME-SINGE avec Johnny Weissmuller, LA MARQUE DU VAMPIRE avec Bela Lugosi, LE MAGICIEN D'OZ, CHANTONS SOUS LA PLUIE, LA PLANETE INTERDITE...

Les costumes de Fu Manchu et de sa fille impressionnent eux aussi par leur invention baroque et excentrique, avec leurs tissus saturés de broderie, de bijoux et de plumes. Ils sont l'œuvre du prestigieux costumier Adrian, spécialiste des robes et costumes féminins à la MGM, ayant vêtu aussi bien Greta Garbo que Judy Garland.

Aux côtés de Fu Manchu, nous trouvons en effet sa fille Fah Lo See, interprétée par la très belle Myrna Loy. Personnage à l'apparence humble et réservé, il s'agit en fait d'une vicieuse, droguant les hommes qu'elle trouve à son goût pour en faire ses esclaves sexuels. Comme son papa, elle jouit des souffrances qu'elle inflige aux prisonniers (la séquence du fouet est une très spectaculaire explosion de cruauté). Une complicité malsaine et ambiguë unit le père et la fille dans l'élaboration et l'exécution des supplices insensés qu'ils font subir à leurs proies. Fah Lo See, cousine asiatique du traqueur d'hommes de LA CHASSE DU COMTE ZAROFF, apporte une dose intense d'érotisme à LE MASQUE D'OR. Quelque part, les spectateurs masculins ne peuvent que plaindre le pauvre Terrence lorsque, à la fin du film, il est arraché aux griffes désirables de Fah Lo See pour être rendu à son insipide fiancée Sheila !

En plus d'être une œuvre d'horreur cruelle et extravagante, LE MASQUE D'OR fonctionne comme un trépidant film d'aventures. Commençant sur un chantier d'archéologie, où fusent les clins d'œil à la découverte du tombeau de Toutankhamon, l'action nous emmène d'embuscade en voyage, de passage secret en trappe invisible, sur un rythme entraînant. Bénéficiant du charme imparable des films d'aventures exotiques, il est traité avec de grands moyens. Les décors sont vastes et variés, le maquillage de Karloff est irréprochable et les trucages sont, pour l'époque, spectaculaires. Tout au plus pouvons nous regretter que les séquences dans lesquelles n'apparaissent pas Fu Manchu manquent d'intensité par rapport au reste du métrage.

Cependant, le racisme abject du propos est évidemment ce qu'il y a de plus embarrassant dans LE MASQUE D'OR. Nous reconnaissons dans le portrait de Fu Manchu certains des plus déplaisants stéréotypes véhiculés sur les asiatiques. Surtout, les "héros" anglais tiennent des propos horrifiants ("Sale chien jaune !"), jugent tout à fait normal d'entreposer au British Museum les trésors de la civilisation mongole, ou bottent sans ménagement le derrière de leurs porteurs. L'entrevue sur le bateau entre Nayland Smith et un jeune boy chinois est tout bonnement ignoble. Il faut hélas bien comprendre qu'au moment où Rohmer écrit les premières aventures de Fu Manchu, les empires coloniaux européens sont au fait de leurs puissances. En 1931, la France organise au Bois de Vincennes une vaste Exposition Coloniale de sinistre mémoire pour promouvoir ses conquêtes. Il n'est donc pas surprenant de trouver dans LE MASQUE D'OR une attitude paternaliste et des portraits dévalorisants des "indigènes", forcément considérés comme des irresponsables.

Le docteur Fu Manchu, malgré son goût pour une cruauté gratuite, paraît alors plutôt sympathique comparé aux "Bons", ses adversaires. Dommage, tout de même que son objectif (exterminer la race blanche) soit un peu "too much", surtout pour un film tourné un an avant la prise de pouvoir par Hitler en Allemagne ! Il n'en incarne pas moins une grande peur de l'Empire Britannique à cette époque : voir les asiatiques prendre leur destin en main, s'unir et, fort d'une extraordinaire supériorité numérique, chasser les Anglais de la région. Il n'est pas inintéressant, alors, de rapprocher Fu Manchu du sanguinaire Mola Ram, chef d'une secte d'assassins cherchant à libérer l'Inde de l'emprise britannique dans INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT de Steven Spielberg...

Au-delà de son contenu idéologique horriblement daté, LE MASQUE D'OR reste un très bon film d'aventures et une merveille plastique (décors, éclairages et costumes). Inventif et efficace dans sa cruauté, il donne surtout à Karloff l'occasion de nous régaler en interprétant cet extraordinaire docteur Fu Manchu. Méchant irrécupérable, il n'est ni pathétique, ni romantique, contrairement aux monstres de la Universal comme LE FANTOME DE L'OPERA ou DRACULA.

Il s'agit d'un des rôles les plus célèbres de Karloff, aux côtés du monstre de FRANKENSTEIN et de LA MOMIE. Pourtant, il n'interprétera plus jamais ce personnage, qui disparaît des écrans durant les années 1930. La petite compagnie Republic tourne un serial mettant en scène Fu Manchu au début des années 1940 (DRUMS OF FU MANCHU) ; puis dans les années 1960, le sinistre docteur reviendra sous les traits de Christopher Lee, dans une série de film amorcée par LE MASQUE DE FU MANCHU...

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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