Dans un laboratoire, de nos jours, Viktor Frankenstein (Danny Huston) et son épouse (Carrie-Anne Moss) tentent de créer la vie. L'expérience est un succès et donne naissance à un jeune homme (Xavier Samuel) dont l'esprit est celui d'un nouveau né. Succès ? Pas vraiment puisque le fruit de l'expérience ne tarde pas à montrer des signes de dégénérescence !
Réalisateur de clips vidéo, Bernard Rose soigne tout naturellement les images de ses premiers films. PAPERHOUSE et CANDYMAN proposent ainsi des images oniriques aussi terrifiantes que magnifiques ! Difficile dès lors de comprendre le virage très brut de décoffrage amorcé par le cinéaste à l'aube des années 2000, expérimentant en tournant en vidéo HD et même en réalisant un «found footage». Préférant dès lors une image au rendu vidéo et des budgets plus minimalistes, l'esthétique ses films ne ressemble plus vraiment à du cinéma traditionnel. Ce FRANKENSTEIN suit donc les traces de SNUFF-MOVIE et SX TAPE. Le pari est plutôt osé puisque dans l'inconscient collectif l'adaptation d'un livre de Mary Shelley fait tout de suite penser à l'époque victorienne ou, en tout cas, à des moyens conséquents. Bernard Rose balaie ici les à-priori et va totalement à contre-courant. Le cinéaste a l'idée de revisiter l'histoire originale de Mary Shelley en l'adaptant à la société contemporaine tout en se focalisant en grande partie sur les sensations de la créature.
L'ambition du cinéaste est louable mais n'est finalement pas si originale. D'autres ont déjà tenté de replacer l'histoire à notre époque avec des fortunes diverses. On se souviendra ainsi du français FRANKENSTEIN 90 d'Alain Jessua, de FRANKENSTEIN 70 de Howard W. Koch ou encore de FRANKENHOOKER de Frank Henenlotter. Justement, l'errance de la créature en compagnie d'un sans-abri dans un quartier urbain défavorisé, le tout filmé dans les rues et sur le vif, n'est pas sans rappeler l'univers du cinéaste new-yorkais de FRERE DE SANG et ELMER, LE REMUE-MENINGES. Pourtant, contrairement aux films de Frank Henenlotter, FRANKENSTEIN n'a pas la même fraîcheur, pas plus que la même spontanéité. Normal puisqu'en 2015, année de production du film, le cinéma indépendant s'est déjà largement approprié la vidéo de façon à produire de façon exponentielle des œuvres intimiste dans le même registre que ce FRANKENSTEIN. Au point que s'il n'était pas réalisé par Bernard Rose, il aurait certainement rejoint le vivier de films plus confidentiels qui peinent à trouver une distribution !
Avec FRANKENSTEIN, Bernard Rose veut se rapprocher du livre original, il utilise d'ailleurs des passages du livre dans la voix-off de la créature qui narre certaines partie du film. Pourtant, contre toute attente, l'ombre du FRANKENSTEIN de James Whale plane un peu sur le film. L'intrigue originale de Mary Shelley n'est pas réellement suivie et le FRANKENSTEIN de Bernard Rose adopte une histoire plus linéaire et simpliste dans la veine des classiques de la Universal. La rencontre avec un personnage aveugle est ainsi plus proche de l'ermite de LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN que du personnage du livre original. Il en va un peu de même pour le passage avec la petite fille qui se termine avec une version actualisée d'une populace en colère désirant lyncher le «monstre». Bernard Rose insuffle tout de même quelques idées intéressantes dans sa relecture du mythe par exemple en évoquant les violences policières. En utilisant la candeur de la créature, il expose un contraste brutal avec notre société civilisée qui peut se montre pourtant extrêmement inhumaine. Tout cela ne laisse finalement que peu de place au thème généralement traité dans les adaptations du livre de Mary Shelley avec un scientifique qui tente d'égaler Dieu. C'est pourtant la première partie du film qui retient le plus l'attention avec le regard minutieux de la caméra qui capte l'expérience scientifique. En tant que film de Bernard Rose, ce FRANKENSTEIN déçoit un peu. Surtout que la présence de Tony Todd, dans le rôle d'un sans-abri, renvoie directement au souvenir, bien que dans un registre différent, d'un bien plus classieux CANDYMAN !
Pas de réelle surprise, FRANKENSTEIN sort directement en vidéo sans passer par une exploitation cinéma en France. Metropolitan décline le film en plusieurs formats dont le DVD et le Blu-ray. C'est ce dernier qui nous intéresses puisqu'il permet de retranscrire l'œuvre dans les meilleures conditions possibles (en attendant les premiers disques 4K qui commencent à sortir). Le Blu-ray français affiche une image 1080p/24 extrêmement précise et propre, au point que cela ressemble à une captation télévisuelle plutôt que cinématographique. Le disque donne le choix entre la version originale sous-titrée ou bien le doublage français en DTS HD Master Audio 5.1 d'excellente qualité et assez naturelle. D'un point de vue technique, le Blu-ray français est à l'évidence une réussite audio/vidéo pour ce film.
En complément, on peut voir un minuscule making-of de 3 minutes qui contient des bouts d'interview de Bernard Rose. A côté, on trouve la même interview, non montée et avec une durée de 12 minutes. Cela s'avère bien plus intéressant puisque ne coupant pas à la parole à Bernard Rose qui revient sur ses choix concernant cette adaptation de FRANKENSTEIN. Le réalisateur est plutôt enthousiaste mais ne réussira certainement pas à convaincre ceux qui ont été déçus par son film. Dans les suppléments de ce Blu-ray, le plus surprenant, c'est de trouver parmi les bandes-annonces celles de FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L'ENFER et FRANKENSTEIN CREA LA FEMME. Metropolitan avait sorti en 2005 ces deux productions Hammer Films en DVD. Dix ans plus tard, l'apparition de ces deux bandes-annonces en haute définition pourrait laisser entrevoir une éventuelle sortie française en Blu-ray. Voilà qui serait une excellente nouvelle mais, en ce début 2016, cela reste une supposition un peu rêveuse ! Enfin, On peut aussi voir les bandes-annonces de FRANKENSTEIN, IT FOLLOWS, KNIGHT OF CUPS et MAGGIE.