Dans la petite ville isolée de Geiranger, une équipe de géologues surveille les activités sismiques de la montagne qui surplombe le fjord. A la veille de son départ pour un nouveau job dans le milieu du forage pétrolier à Stavanger, Kristian (Kristoffer Joner) est persuadé que les failles structurelles de la montagne Åkerneset est au bord de provoquer un raz-de-marée.
Doté du plus gros budget de l'histoire du cinéma norvégien, le réalisateur Roar Uthaug (COLD PREY, DAGMAR L'AME DES VIKINGS et bientôt le remake de TOMB RAIDER) s'associe à nouveau avec le producteur Martin Sundland (LE SECRET DE RAGNAROK) pour donner à leur pays l'origine son premier film catastrophe. Si LE SECRET DE RAGNAROK avait été une relative déception et au succès public tout relatif, on entre ici dans un autre territoire. D'autant plus curieux que ce blockbuster scandinave a été le candidat de la Norvège pour les Oscars 2016.
Le film s'inspire surtout d'un tsunami qui a englouti le village de Loen en 1905, suite à la chute d'une partie de la montagne dans le fjord. Présent dans l'inconscient collectif norvégien (plus de 300 montagnes présentent ce même risque à ce jour), les producteurs ont tapé juste : le film a remporté un succès exceptionnel lors de sa sortie le 28 aout 2015, devant le 3e plus gros succès de tous les temps en Norvège. Le film possède également la spécificité d'avoir été le premier film local mixé en Dolby Atmos.
BØLGEN (LA VAGUE en traduction littérale) présente quelque peu les mêmes soucis que LE SECRET DE RAGNAROK. A savoir l'utilisation d'une spécificité typiquement norvégienne via un mode narratif qui emprunte largement aux codes de blockbusters américains. Difficile de ne pas établir un parallèle avec la structure du récit du PIC DE DANTE auquel BØLGEN présente plus qu'une ressemblance. Notamment sur le scientifique voulant avertir chacun de l'imminence du danger, et que son responsable ne veut pas entendre. La trajectoire des deux hommes est similaire, tout comme la montée en puissance des éléments qui se déchaînent. Egalement, le film emprunte un chemin déjà largement couvert par LA FOLIE DES HOMMES de Renzo Martinelli, relatant la rupture du barrage de Vajont en 1963, dont une gigantesque vague a submergé la ville au nom éponyme. Partant de ceux deux principes, l'originalité n'est certes pas de mise. Kristian rapproche justement Vajont de ce qui arrive sur la ville de Geiranger en termes d'activité géologique.
Ceci posé, les scénaristes s'attachent beaucoup plus au parcours de Kristian, de sa découverte jusqu'à la recherche de sa famille perdue. Avec un moment pivotal : l'arrivée d'une vague de 80 mètres de haut qui va tout détruire sur son passage. Il s'agit peut-être du plus gros challenge du film. Pas de révélation à proprement parler : on est venu pour assister au désastre. Il faut donc construire autour de cette calamité naturelle une histoire suffisamment crédible pour tenir 105 minutes. D'autant que la vague se déclenche au beau milieu du film. Que faire une fois que le climax attendu est passé?
C'est à ce niveau que BØLGEN fonctionne bien. Certes, tout est cousu de fil blanc (on échappe au chien sauvé in extremis!), prévisible de bout en bout. Malgré cela, Uthaug réussit son coup : faire grimper graduellement la pression. construire un suspense crédible, qui parvient à faire agripper le fauteuil dès lors que le décompte des dix minutes avant l'horreur est arrimé à l'écran. BØLGEN devient haletant! Uthaug ne s'embarrasse pas de détails quant au nombre de morts, pas plus que du caractère assez peu plausible de la réunion de la famille disloquée. Force est de connaitre que la première partie du film, construisant le tissu relationnel entre chaque intervenant, s'avère adroit et plaisant.
En fait, il possède un certain, savoir-faire dans la manière d'amener à ce qu'on s'intéresse vraiment à la presque déchirure familiale. Tout repose aussi sur le jeu très crédible de l'ensemble du casting. Via un scénario qui attache autant d'importance aux seconds rôles qu'aux premiers. Par exemple le fils (Jonas Hoff Oftebro) qui souhaite surtout rester dans son environnement montagneux et ne pas céder aux sirènes de la ville. Mais qui ne peut pas s'empêcher de coller son lecteur MP3 sur les oreilles à grand coup de rap au moment inopportun. Encore un beau cliché du film catastrophe (i.e : il n'entendra bien évidemment pas l'avertissement supposé le faire déguerpir au plus vite). Il s'agit d'ailleurs du plus gros souci du film : ce que les auteurs gagnent en humanité dans la première partie, ils le perdent en sacrifiant aux codes usuels des blockbusters à la con. Pas aussi débile que SAN ANDREAS, heureusement. Mais on a droit au moment-Shelley Winters, au fiston en danger, aux individus bloqués par les eaux montantes, aux scientifiques punis pour leur incrédulité… un vrai catalogue égrené pour plaire à l'international tout en évitant de sortir trop du lot. Mais la grosse différence par rapport aux films d'outre-atlantique demeure le sens de l'autre. Un altruisme qui trouve toute sa place ici : Kristian et sa femme Idun (excellente Ane Dahl Torp) font tout ce qui est en leur pouvoir afin d'aider leur prochain - et pas que leur famille. Le récit sécurise cette humanité via des scènes résolument poignantes. Non pas avec des victimes potentielles non identifiées. Bien au contraire!
Et dès qu'il s'agit de rentrer dans le vif du sujet, Uthaug emploie les grands moyens. A faire rougir certains cinéastes américains (ou français) qu'avec aussi peu de moyens (à peine 6 millions d'€), il réussisse à larguer des moments de tensions et de destructions aussi spectaculaires. Qui renvoient dans leurs buts les récentes tentatives hollywoodiennes bourrées de billets verts. Uthaug dynamise les stéréotypes en place, sans chercher à s'en éloigner. Même l'habituelle scène de sauvetage après une noyade se révèle dure, surprenante. On en connait bien évidemment l'issue, mais l'exercice est passé haut la main. Y compris lorsque la caméra est placée au coeur du tourbillon qui s'abat sur Geiranger. Ces fameuses dix minutes de décompte avant le tsunami géant demeurent parmi les plus efficaces mises sur écran. Un caractère éminemment réaliste du choc créé, focalisé sur le drame humain. Pas d'intervention militaire superflue ni de discours nationaliste d'un quelconque politicien… l'humain sans artifice prévaut. Ajouté à cela à une splendide photographie capturant à merveille les magnifiques décors naturels qui se prêtent à l'action. La nature contre l'humain : BØLGEN sait se réduire à cette simple expression de l'inégalité du combat, sans gras inutile venant polluer le récit.
BØLGEN ne révolutionne en rien le genre catastrophe. Il reprend simplement à son compte les règles, en les adaptant à la géographie du lieu et aux enjeux locaux. Mais la mise en scène parfois ingénieuse, la qualité des effets spéciaux et du jeu des acteurs le transforment le tout en un moment de cinéma popcorn tout à fait agréable. A y regarder de plus près, BØLGEN reste tout simplement l'un des meilleurs films catastrophe réalisés ces 20 dernières années. Efficace, bourré de suspense tout en demeurant humain.
Pour le moment, seul un Blu Ray norvégien permet de voir le film, même si on peut suspecter de prochaines sorties sur le continent européen. Le film a d'ailleurs été présenté en ouverture du festival des Arcs en décembre 2015; Reste à espérer qu'il ne subira pas le sort du SECRET DE RAGNAROK où l'éditeur Pathé ! nous a gratifié d'une seule VF sur la galette. Une vraie honte.
Concernant le Blu ray été par Nordisk, il offre un BD 50 en 1080p, au format 2.40:1 et d'une durée complète de 104mn55. Il est codé en région B. Un agréable menu animé, doté d'une des mélodies du film, offre un accès via la langue nordique de votre choix : norvégien, danois, suédois ou finlandais. Il permet d'accéder au choix d'accès du film sur 12 chapitres. Le film se déroulant une bonne partie de sa durée dans une certaine pénombre, voire dans le noir complet, il fallait une édition qui puisse faire ressortir le peu de couleurs choisies. En plein dans le mille : les noirs sont précis, les contrastes quasi parfaits et le peu de touches de couleurs réussissent à ressortir de l'ensemble avec aisance. Ce qui n'empêche pas les scènes tournées en extérieur (au début du film et au final) d'éclater à l'écran: précision de détails, couleurs de peau naturelles… du très bon boulot.
Pour le son, deux pistes sonores s'offrent à l'audiophile averti. Toutes deux en norvégien, avec des sous-titres de la même langue. Tout d'abord celle Dolby Atmos 7.1. Une première pour le pays. N'ayant pas le matériel pour tester, j'ai hélas du faire l'impasse. La piste DTS HD MA 5.1 reste cependant ébouriffante! Un festival de sons, bruitages, environnement sonore des plus audacieux. Une puissance maitrisée, qui propulse le spectateur au coeur de l'action. Même hors action, en ayant la musique de Magnus Beite - le collaborateur régulier de Roar Uthaug sur ses films- en fond sonore, la précision et la spatialisation parfaite sont au rendez-vous. Préparez-vous à un bombardement de basses si vous possédez un caisson!
Pour les suppléments, encore moins de chance puisqu'aucun sous-titre n'accompagne les bonus. Grand dommage, car le responsable des effets spéciaux prend la parole pour expliquer la manière de travailler et l'incrustation des effets dans le film. En trois parties, le superviseur des effets spéciaux visuels Lars Erik Hansen s'étend assez largement sur les processus mis en place.. Puis un «vrai» making of, avec des images du tournage et l'intervention du réalisateur (sur le tournage spécifique de la scène de fuite des habitants), du producteur Martin Sundland et du directeur de la photographie John Christian Rosenlund sur la complexité tournage en extérieur. Puis sur l'élaboration du gigantesque décor de la scène finale, tournée en Roumanie, tout comme celle de l'immersion de la voiture percutée par la vague. Il faut voir l'appareillage servant à faire refermer la paroi sur les deux alpinistes se risquant au creux de la faille! Deux films annonces, du premier teaser jusqu'à la version longue (vivement déconseillée, car sur 2mn34, cela réussit de poiler entièrement le récit!) complètent cette édition.
