Des extras-terrestres ont décidé d'envahir la Terre afin de pouvoir survivre à leur planète mourante. A la tête de l'expédition scientifique, un professeur (Michael Rennie) et deux autres humains revenus d'entre les morts, dont Marelva kerstein (Karin Dor). Ils décident de réveiller des monstres comme le Vampire Meirhoff (Manuel de Blas), Le Loup-Garou Waldemar Daninsky (Paul Naschy), La Momie Tao-Tet (Gene Reyes) et le monstre de Farancksalan ( !) (Ferdinando Murolo) pour éradiquer les terriens.
Vous qui enfournez le DVD Zone 2 français Artus films de celle pellicule venue d'outre-tombe/profondeurs de l'espace/rayez la mention inutile, perdez toute raison. Perdez tout, en fait. Vos clés, votre virginité cinématographique, votre conscience… car LOS MONSTRUOS DEL TERROR, connu en Gaule sous le titre DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN, a tout de l'expérience filmique « autre ».
Tourné en Espagne et en Allemagne, cette co-production ibéro-transalpino-teutonne a connu visiblement bien des soucis. Tournage interrompu, apparemment pour des questions budgétaires, il a été visité par au moins deux réalisateurs, Hugo Fregonese en grande partie, dont un seul crédité au générique, le pourtant médiocre Tulio DeMichelli. (ou Demicheli, selon les films). Le film rencontrera un succès mitigé en Espagne, la première contre-performance de Naschy, ici en 6e position du générique. Il remontera très largement la pente en 1971 avec LA FURIE DES VAMPIRES, réalisant presque trois fois plus d'entrées que cette curiosité horrifico-science-fictionnelle.
Côté technique, nous avons à faire à du Totalvision, format anamorphique 2.35 :1 (avatar de l'UltraScope principalement utilisé en Allemagne dans les années 60), puis gonflé en 70mm pour sa sortie espagnole. A noter que le procédé technique disparait du générique du DVD français – mention pourtant bien présente sur le générique espagnol. Une sortie française en 1972, puis quelques sorties internationales sous différents noms : ASSIGNMENT TERROR, DRACULA Vs FRANKENSTEIN, DRACULA ZEIGT FRANKESTEIN, OPERATION TERROR, THE MAN WHO CAME FROM UOMO… un vrai festival du slip. En fait, titres comme histoire, ce film est une corrida celluloidale, allant bon gré mal gré tête baissée dans des endroits sombres, se prenant des murs, des portes mais continuant encore et toujours sa progression dans le nawak le plus total.
Un casting hétéroclite vient témoigner d'un budget plus important que la suite des aventures de notre loup-garou ibère préféré. En plus d'un format Scope utilisé à bon escient, de nombre de décors, du soin des costumes, des endroits de tournage… l'apport de Michael Rennie n'est pas négligeable. Ce grand acteur anglais, révélé au grand public dans le rôle de Klaatu dans LE JOUR OU LA TERRE S'ARRETA 20 ans auparavant, aura eu finalement une carrière relativement courte. DRACULA CONTRE FRANKENTSEIN sera son dernier film, il meurt en effet peu de temps après à l'âge de 61 ans. Le rôle principal féminin échoit à Karin Dor, bien connue des amateurs de bis allemand. Héroïne de plusieurs Krimi d'après Edgar Wallace, d'UPPERSEVEN d'Alberto de Martino ou TOPAZ d'Alfred Hitchcock, on la reconnait aisément en manipulatrice James Bondienne de ON NE VIT QUE DEUX FOIS. Deux acteurs qui ont assuré la vente du film et sa diffusion dans les pays anglo-saxons et en Allemagne.
Les plus observateurs auront tôt fait de repérer certains décors ayant déjà servi/qui serviront à d'autres films. Comme l'escalier du château, provenant directement de LA MARCA DEL HOMBRE LOBO, les ruines de l'église reprendront du service pour LE BOSSU DE LA MORGUE et quelques templiers morts-vivants de la saga d'Amando de Ossorio… (saga qui devrait d'ailleurs débarquer sur notre territoire d'ici peu !).
Coutumier du fait dans les précédents épisodes poilus du sieur Daninsky, DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN souffre d'abord d'ellipses assez spectaculaires et de fautes de continuités. A se demander si la durée de 83mn n'est pas tronquée! Comme s'il manquait certains plans ou scènes… on se surprend même à regretter l'absence d'érotisme même timide , pourtant une récurrence chez Naschy. Existerait-il une autre version, comme pour le BOSSU DE LA MORGUE ?
Le bordel généralisé est cependant mis en images de manière assez généreuse. Un Scope adroit qui évite les pièges d'un format comme le Techniscope. On ne peut décemment pas dire que les actrices soient les meilleures du monde (le meurtre de la prostituée est à se rouler par terre dès qu'elle montre un semblant de frayeur), mais le sujet semble l'apanage de chacun. Les séquences de torture mentale permettent un concours de cris aigues du plus bel effet. On sent une volonté de prolonger les états d'âme du cinéma gothique des années 60 avec ses souterrains, son château lugubre, sa pleine nuit menaçante et ses éclairages à propos, via l'utilisation de couleurs agressives. Là où le film demeure plus discutable, ces sont les effets spéciaux. Si la transformation lycanthrope fonctionne, tout comme la Momie inquiétante, le maquillage de la créature de Farancksalan est parmi les plus ridicules qui soient. Un petit insert de stock-shot d'opération chirurgicale à cœur ouvert (à 15mn19, et à deux reprises au cas où on aie pas vu !) rajouté à la sauce pour épicer le tout et hop, vous pouvez servir chaud ! Enfin, Il serait criminel de laisser passer le travail sur les maquettes finales, qui restent de toute beauté.
On ne comptera aucun Dracula ni de Frankenstein dans le film. Prenant probablement peur d'éventuelles poursuites d'Universal (on va pencher pour cette explication !), nous auront donc droit à un rocambolesque monstre de « Farancksalan » en lieu et place de Frankenstein. Après vérifications dans chacun des doublages présents sur la galette, pas de trace du monstre de Mr Victor… Idem pour Dracula, devant le comte De Meirhoff. Le numéro d'équilibriste ne s'arrête pas là. Naschy apparait aux manettes du scénario. Il veut visiblement faire son hommage aux monstres d'Universal jusqu'au bout, sans parler de la sempiternelle énamourée de service du beau loup-garou. Et de ce fait, il fourre tout ce petit monde fantastique façon HOUSE OF FRANKENSTEIN, avec un argument ahurissant : le coup des extra-terrestres. Avec un assez joli -bien bisseux et aux dialogues très WTF- récit gothique, cette histoire de science-fiction colle assez mal à l'ensemble. On sent un plâtrage maladroit, sorte de fil rouge obligatoire afin de trouver une raison de montrer momie, vampire et compagnie. On songe à ce que le Toho effectua, entre autres, avec LES ENVAHISSEURS ATTAQUENT en 1968. La structure du scénario et l'argument de base se ressemblent rudement ! Mais les influences/hommages qui abondent (on pense aussi fatalement aux SURVIVANTS DE L'INFINI) forcent plutôt la sympathie. Le résultat est tellement bancal et démesuré qu'on respecte les choix frisant l'abus de substances illicites.
Le DVD français de chez Artus Films est codé zone 2. Double couche, Il offre un format Scope 2.35 :1, 16/9e d'une durée complète de 83mn09. Via un digipack reprenant l'affiche originale, et en intérieur, deux reproductions d'affiches française (hideuse !) et allemande. En fait, il semble qu'il s'agisse du même master qui a fait surface en Allemagne en 2013 lors de la sortie DVD chez Dynasty sous le titre DRACULA JAGT FRANKENSTEIN : même pré-générique et titre en allemand, puis reste du générique en français. Par rapport à la source 70mm pour la première aventure de Waldemar Daninsky, on se trouve un net cran qualitatif en-dessous. Les contours des personnages ne sont pas toujours bien définis et les teintes de peau peu naturelles par moments. Maintenant, si on compare au visuel émanant d'un DVD comme celui du BOSSU DE LA MORGUE, il n'y a pas photo. C'est infiniment mieux, avec des couleurs chatoyantes, les accents gothiques rouges et bleus sortent du lot. Les gros plans apportent un certain soin dans le détail (par exemple celui sur le visage de la momie et sa paupière tirée par un crochet à 35mn47). C'est malheureusement assez sombre avec des noirs bouchés, Quelques scènes de nuit révèlent des contrastes pas très heureux, mais la copie s'en sort relativement bien au final, sans trace de compression notable.
Côté audio, Artus offre pas moins de trois doublages. Allemand, espagnol et français, tous trois encodés en dolby digital sur deux canaux. Mon lecteur OPPO BDP 103-D les détecte comme étant des pistes stéréo, mais il n'en est rien : il s'agit de dolby mono sur deux canaux. A noter que le film est sorti en 70mm en Espagne : il doit donc exister un mixage en 6 pistes stéréophoniques… que le temps a du détruire depuis, hélas. Vu les différentes langues parlées par l'ensemble des acteurs, difficile de savoir quelle piste audio est vraiment originale. Il vous reste les sous-titres français optionnels afin de pouvoir suivre le doublage qui vous siera, les environnements et dialogues étant généralement plutôt audibles. La piste française est la plus étouffée des trois, toutefois. Il est surtout amusant de constater les différences de tons (aigues/graves) des doubleurs en fonction des pays et des acteurs/actrices! La piste espagnole présente un chouïa plus de parasites que ses deux comparses, mais le degré de précision de l'environnement sonore est plus important. Le meilleur choix s'avère le doublage allemand, dénué de souffle dérangeant, aux dialogues précis et à l'environnement sonore préservé. Ce qui n'empêche pas que certains bruitages sont en effet absents des doublages français et allemand (ex : la scène du laboratoire à la 25e minute). Il reste la musique déplacée de Franco Salina : très difficile de provoquer le suspense et générer l'épouvante avec un jerk endiablé ou du jazz… Elle perce remarquablement les oreilles aux moments opportuns. Et la VF d'époque est un must, croquignolette à souhait.
En bonus, le générique espagnol (même musique, mais au visuel de la foire totalement différent, y compris au niveau des informations diffusées), une intervention de près de 38mn d'Alain Petit autour du film et des acteurs/actrices… ainsi que les habituels films-annonces de l'éditeur, concernant la collection Ciné de Terror dans lequel s'inscrit vaillamment DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN.
Le menu fixe s'inscrit en droite ligne de ce qu'effectue Artus depuis plusieurs années, la recette n'a pas changé d'un pouce, aucune surprise. Un accès chapitré fixe permet de choisir les scènes découpées toutes les dix minutes.
Stroboscopique, psychédélique, barbiturique, psychotronique : Vous l'aurez compris. DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN demeure une œuvre à part. Pour les amateurs de Bis, il doit impérativement faire partie de votre collection. Tout en sachant pertinemment maintenant, de quel poil se chauffe Daninsky et Paul Naschy. Le DVD français tombe à pic : pas un grand film (très loin s'en faut!) mais fun à voir et doté d'une jolie édition! Un hommage bâtard et amoureux à un cinéma dépassé qui avait été quelques peu enterré dans un passé lointain… un oubli bis enfin réparé !