La célèbre actrice et belle Anna Fritz (Alba Ribas) vient de décéder. A la morgue, le gardien Pau (Albert Carbò) prépare son corps lorsque deux de ses potes, Javi (Bernat Saumell) et Ivan (Cristan Valencia), arrivent et souhaitent s'amuser un peu avec le corps. Après le second viol du cadavre, Anna revient mystérieusement à la vie. Les trois amis décident de la tuer une deuxième fois afin qu'elle ne révèle rien. Mais entre les trois amis, les dissensions montent et Javi désire surtout sauver Anna.
Petite production espagnole se déroulant quasi intégralement dans une morgue, EL CADAVER DE ANNA FRITZ est tout ce qu'un budget infinitésimal en endroit clos doit être. Interprété de manière percutante, allant droit au coeur du sujet, ne reculant devant aucun compromis (on a quand même droit à deux viols sur un cadavre !) tout en maitrisant parfaitement son suspense. Et sur 78 minutes toutes mouillées, certaines scènes réussissent parfaitement leur contrat en faisant monter la pression.
On pense inévitablement à un bon paquet de films prenant comme cadre une morgue avec une ambiance quelque peu délétère. Du VEILLEUR DE NUIT (version originale, bien sûr) d'Ole Bornedal ou même aux scènes de L'AU DELA de Lucio Fulci... mais pour mieux s'en éloigner, ne gardant que le décorum - et faisant le choix de se concentrer sur les relations/tensions entre les quatre personnages principaux et ce même si une partie du sujet ressemble quelque peu au pénible DEADGIRL de Marcel Sarmiento et Gadi Harel.
Avec un choix bien particulier pour les rebondissements et étranges situations. Anna est ainsi atteinte de rigidité cadavérique l'empêchant de se mouvoir mais pas de s'exprimer. Et donc de jouer sur son métier d'actrice afin de faire passer (ou pas) les messages adéquats à ceux qu'elle croit ne pas vouloir sa seconde mort. Tout en ménageant certains effets et retournements de situation, certes pas au coeur de la narration, qui maintiennent des éléments quasi fantastiques. Cadavre ambulant ? Mort suspendue ? Morte vivante ? EL CADAVER DE ANNA FRITZ prolonge ceci jusqu'au bout. Depuis l'absurdité du comportement des trois jeunes hommes en mal de sensation jusqu'au manque d'explication réelle de la situation, le film baigne joyeusement dans un répulsif d'apparence qui hélas se délite quelque peu sur la fin.
Un aspect intéressant étant celui du statut d'actrice glamour/personnification de la beauté figée d'Anna, réduite à l'état de chair morte dont profitent les quidams qui fantasmaient sur elle étant vivante. Revenue à la vie, elle retrouve ses facultés d'actrice dont elle joue afin de sortir de l'ornière de sa situation. Dommage que le scénario ne fasse qu'effleurer le sujet de la célébrité et de son statut à part au milieu des cadavres sans nom. Alba Ribas habite Anna de manière franche, combattante : voir sa scène d'échappée douloureuse où Hector Hernandez Vincens réussit à faire ressentir de manière directe la souffrance et l'endurance du corps en cavale.
Avec sa photographie aux aspects cliniques, EL CADAVER DE ANNA FRITZ rejoint la cohorte de films aux hôpitaux dotés de couloirs désespérément vides pour le grand malheur de la victime (HALLOWEEN II, anyone?). Le récit ne s'évade que très peu de son huis clos : on compte deux sorties hors de la morgue et deux seconds rôles à minima. Si l'ouverture brutale et quelque peu dégénérée secoue - c'est pour mieux s'installer dans les sillons de la bataille psychologique. Pas ce que le film fait de mieux par moments, ca on en pressent assez rapidement l'issue quelque peu logique. On notera une scène de suspense quasi DePalmesque où le ralenti de l'action (à l'instar de CARRIE ou FURIE, par exemple) génère ce qu'il faut pour se maintenir collé à l'écran.
Des éclairs sanglants bienvenus sur le final complètent le tableau d'un long métrage certes pas franchement innovant. En termes d'offense publique, le film ne franchit pas spécialement de nouvelles frontières, pas plus que DEADGIRL d'ailleurs. Mais, malgré son sujet, EL CADAVER DE ANNA FRITZ s'avère assez frais, maitrisé, bien rythmé et joliment dirigé avec des acteurs à l'énergie communicative. Il n'y a probablement aucune chance de sortie salle en France et ce sera, peut-être, une éventuelle sortie vidéo qui permettra de faire découvrir dans notre pays cette série B imparfaite mais au-dessus du panier.