Le Docteur Michael Rhodes est un spécialiste de la parapsychologie. Il étudie plus particulièrement les perceptions extrasensorielles puisqu'il est, lui-même, doué de ce type de faculté. S'il est entouré de nombreux sceptiques, il utilise tout de même ses dons pour élucider d'étranges histoires où l'on croise de faux médium, des tueurs en série, un groupuscule satanique, une sorcière et autres manifestations de l'au-delà…
N'ayant que peu d'opportunité de carrière en tant que comédien, Anthony Lawrence se met à écrire des scénarios pour des séries télévisées alternant thriller policier, drame et Western en passant par le fantastique. Il écrira ainsi deux épisodes de la série AU-DELA DU REEL. Curieusement, il va même être engagé pour faire de la réécriture sur les scénarios de trois films mettant en scène Elvis Presley : L'HOMME A TOUT FAIRE, PARADIS HAWAIEN et TROIS GARS, DEUX FILLES… UN TRESOR. Au début des années 70, il écrit le scénario de SWEET, SWEET RACHEL. Ce téléfilm mettait en scène un docteur (Alex Dreier), spécialiste en parapsychologie, qui va aider une jeune femme aux prises avec un tueur assez particulier puisqu'il se sert de ses dons télépathiques. Les audiences s'avèrent très bonnes et Universal a l'idée de transposer l'idée de départ sous la forme d'une série télévisée le plus rapidement possible. Anthony Lawrence devient ainsi le créateur de THE SIXTH SENSE (LE SIXIEME SENS en France) qui commencera sa diffusion à peine quelques mois après SWEET, SWEET RACHEL. Mais c'est peut être cet empressement opportuniste qui va rapidement sonner le glas de la série. Anthony Lawrence va être rapidement en désaccord sur la direction à prendre avec le producteur Stanley Shpetner avec lequel il avait pourtant collaboré sur SWEET, SWEET RACHEL. Universal fait aussi appel à Harlan Ellison pour chapeauter dans l'ombre l'écriture des histoires mais l'écrivain claquera la porte du studio très rapidement et ce même avant qu'un seul épisode ne soit diffusé ! De son côté, le créateur du SIXIEME SENS n'aura en réalité signé que les deux premiers épisodes et jeté l'idée de l'histoire du dernier épisode de la première saison pour s'orienter vers d'autres séries.
Pour une série télévisée du début des années 70, le premier épisode, «I do not belong to the human world», affiche un ton très surprenant dès son introduction. Une nuit, une jeune femme a la vision de son ex-petit ami, mort au Vietnam, qui implore son aide avant un simulacre de pendaison. LE SIXIEME SENS ne prête pas à rire et se montre donc particulièrement sombre dès le départ ! Ce premier épisode fait d'ailleurs partie des meilleurs de la série. Il est aussi pourtant d'une cohérence très relative mais il place des bases qui seront répétées dans quasiment tous les épisodes qui vont suivre. C'est d'ailleurs certainement l'énorme défaut du SIXIEME SENS. Il ne s'agit pas d'une série télévisée à regarder d'un seul tenant sur une période trop courte sans quoi l'overdose est assurée. En effet, la répétition d'histoires souvent très similaires casse l'originalité de la série. Heureusement, certains réussissent à sortir du lot soit par leur mise en scène ou bien en y injectant de nouveaux éléments à même de sortir la série de sa trop grande routine. Par exemple, les épisodes mettant en scène John Saxon («Lady, lady, take my life») ou Lee Majors («With this ring, I thee kill») offrent des adversaires inattendus. De même, l'épisode «Eye of the haunted» se montre particulièrement malin en mettant notre héros en présence d'une médium qui n'a aucun pouvoir mais qui use de la crédulité des gens, y compris son propre fils. Mais ce type d'idée se montre finalement assez rare alors qu'elles donnent une véritable profondeur à l'univers exploré par la série. Citons aussi «Whisper of evil» où le destin de deux sœurs risquent de prendre un virage tragique au contact avec une secte satanique. Cet épisode marque l'introduction d'un inspecteur de police faisant preuve d'une grande ironie et donnant un côté plus amusant au héros. Mais ce personnage ne réapparaîtra finalement que lors de deux épisodes, dans la seconde saison, sans développer quoi que ce soit… Cela met d'ailleurs assez bien en lumière les conflits qui ont émaillé les débuts de la série mettant hors jeu les forces créatrices originelles qui auraient éventuellement pu faire évoluer LE SIXIEME SENS au fil des épisodes.
La première saison de la série ne compte que treize épisodes et alignent pas mal de personnalités. Parmi les réalisateurs, on peut ainsi trouver John Badham ou encore Richard Donner, les deux cinéastes n'étant pas encore reconnus. Des metteurs en scène plus chevronnés tiennent la barre de quelques épisodes comme Robert Day ou Daniel Haller. Devant la caméra, on peut aussi voir John Saxon, Bradford Dillman, Henry Silva, Stefanie Powers, Cloris Leachman ou William Shatner qui donne la réplique à Gary Collins qui incarne l'imperturbable Docteur Michael Rhodes. En effet, le héros n'est jamais réellement désarçonné ou touché par ce qui lui arrive. S'il peut ressentir du stress ou de l'inquiétude, chaque épisode se termine avec le sourire, limite flirtant avec l'héroïne éphémère de l'épisode. Dans le genre, après que sa petite amie a été assassinée, l'épisode se termine avec de jolie sourire à la sœur de la défunte quelques jours plus tard. Tout est bien qui finit bien dans LE SIXIEME SENS !
L'aspect routinier de la série a du mal à s'imposer sur les petits écrans lors de sa diffusion sur ABC au début des années 70. Mais plutôt que lâcher l'affaire, une deuxième saison est tout de même commandée. La logique aurait été de se remettre en question. Ce n'est pas vraiment le cas. En réalité, il n'y a que le générique qui va changer. Dans la première saison, une présentation ensoleillée des activités scientifiques et universitaires du Docteur Rhodes plantait le décor. Dans la deuxième saison, le générique se fait étrange et énigmatique, limite inquiétant. Pour le reste, on reprend les mêmes histoires, certaines étant plus réussies que d'autres en tentant d'apporter de rares innovations. Dans «With affection, Jack the ripper», l'esprit de Jack l'éventreur s'insinue, à sa façon, dans notre univers contemporain. Le spectre de «Once upon a chilling» fait aussi son petit effet ! Mais la deuxième saison propose aussi trois histoires où le héros n'apparaît pas du tout. Ou plutôt, le comédien Gary Collins explique qu'il va regarder l'épisode avec nous et on ne le retrouvera qu'à la toute fin pour une ridicule interview avec l'actrice principale au cœur de l'histoire. Ce choix paraît des plus curieux surtout que les histoires ne renouvèlent pas vraiment le type d'histoire. A ce propos, on notera que la perception extrasensorielle de Gary Collins est défectueuse puisqu'en s'adressant à Sandra Dee, il lui dit qu'il pressent que lors de sa prochaine venue dans la série, ils apparaîtront sûrement en duo. La série s'étant arrêtée un peu plus tard, cette prédiction ne se réalisera jamais. Cela donne aussi l'occasion à Gary Collins de discuter avec Joan Crawford, à la fin de son épisode qui marquera la toute dernière apparition à l'écran de la comédienne...
Malgré ses défauts, la série n'est pas dénuée d'intérêt. Pas dans son ensemble, bien sûr… Les épisodes sont très inégaux. Mais la série s'avère particulièrement étonnante dans sa façon d'aborder la parapsychologie de façon sérieuse tout en s'égarant le plus souvent vers des ambiances inquiétantes voire carrément horrifiques. Plus de quarante ans plus tard, cela peut sembler un peu désuet mais certains épisodes fonctionnent encore plutôt bien pour peu que l'on n'ingurgite pas la série en visionnant les histoires les unes après les autres. Mais il est intéressant de se rendre compte que LE SIXIEME SENS, bien que peu connu, a influencé ou en tout cas devancé pas mal de séries télévisées et films de cinéma !
En France, seul six des épisodes seront diffusés en France, ce seront d'ailleurs les seuls qui ont été doublés dans notre langue. Aux Etats-Unis, la série va aussi rencontrer un sort peu enviable. Les vingt cinq épisodes vont être raccourcis de moitié pour intégrer l'anthologie NIGHT GALLERY dont chaque histoire ne dépasse pas la demi-heure. Cette décision fut prise de manière à augmenter artificiellement le nombre d'épisodes de la série de Rod Serling, lui permettant d'être proposée aux chaînes de télévisions américaines pour des rediffusions au long cours. Rod Serling sera d'ailleurs engagé pour enregistrer des présentations donnant l'illusion que les vingt cinq histoires supplémentaires faisaient réellement partie de la production originale de NIGHT GALLERY...
L'arrivée en DVD de la série LE SIXIEME SENS est un petit événement qui risque de passer un peu inaperçu. En effet, outre le fait que la majeure partie des histoires n'ont jamais été vues en France auparavant, l'intégralité des épisodes nous est aussi proposée dans leurs montages d'origine alors qu'ils sont invisibles depuis de nombreuses années, y compris aux Etats-Unis. Cette édition salvatrice, on la doit à Elephant Films qui propose donc tous les épisodes dans un coffret cartonné contenant deux boîtiers DVD, un pour chacune des saisons. A l'intérieur de chacun des boîtiers, on trouve d'un côté cinq et de l'autre quatre DVD. Petit bémol, ils sont empilés les uns sur les autres ce qui ne rend pas leur accès aisé.
La série a été tournée à une époque où le 16/9 n'existait pas et on peut donc retrouver tous les épisodes dans leur format d'origine en plein cadre et 4/3. Il n'y a clairement pas eu de nouveaux masters puisque la source laisse apparaître des défauts symptomatiques d'anciennes bandes vidéo. Cela s'avère très net sur certains épisodes alors que d'autres ne laissent rien transparaître. Autre petit point gênant, l'image n'est pas toujours d'une grande fluidité avec de petites saccades qui sont peut être dû à un souci de transcodage. Difficile à dire ! Il faudra donc peser le pour et le contre dans cette opportunité de redécouvrir une série devenue rare.
Le son s'en tire bien mieux. Cela reste des pistes en mono d'origine, quelques rares pets sonores se font entendre ici ou là. Mais compte tenu de l'âge de la série, il n'y a rien à redire à ce niveau. On retrouve aussi les doublages français pour les six épisodes qui ont été traduits dans notre langue. Des doublages anciens et qui sont ici surtout intéressant d'un seul point de vue historique. Evidemment, tous les épisodes sont pourvus de sous-titrages en français mais on notera qu'une petite poignée d'épisodes contiennent des coquilles alors que les autres en sont totalement dénués.
Les suppléments ? A vrai dire, il n'y en a pas vraiment. Le seul ajout n'a pas grand chose à voir avec LE SIXIEME SENS. Il s'agit de la première partie d'un épisode de la série télévisée EARTH 2. Sa présence reste nébuleuse alors qu'il aurait peut être été plus judicieux de donner un avant-goût d'une autre série fantastique l'éditeur proposera prochainement, DOSSIERS BRULANTS.