Alors qu'elles viennent de perdre leurs parents, deux sœurs jumelles sont placées sous la garde de leur oncle. L'homme est un fanatique religieux qui dirige une confrérie tentant d'éradiquer de manière aveugle les suppôts de Satan. Mais pendant qu'ils brûlent d'innocentes victimes, le Comte Karnstein essaie de son côté de pactiser avec le diable. Se faisant, il va surtout provoquer le réveil d'une créature tout aussi dangereuse…
Tudor Gates participe à plusieurs métrages en Italie, dont quelques films de Mario Bava ou encore BARBARELLA, avant de revenir en Grande Bretagne. Là, il va se joindre à Harry Fine et Michael Style pour monter Fantale Films, «Fantale» étant la contraction de «Fantastic Tale». L'idée de Harry Fine est de créer une adaptation cinématographique de «Carmilla» de Sheridan Le Fanu. La petite maison de production officialisera sa création en passant un accord avec la Hammer pour ce qui deviendra THE VAMPIRE LOVERS. Suite au succès du film, Fantale Films continuera sur la même lancée en proposant une suite intitulée LUST FOR THE VAMPIRE et il apparaît évident de poursuivre le cycle avec un autre métrage. Fantale Films, toujours dans l'ombre de la Hammer, planche sur VILLAGE OF THE VAMPIRES. Le métrage aurait dû suivre des tueurs de vampires qui se vengent de villageois radins en livrant leurs filles au maléfique Comte Karnstein. On envisage de donner le rôle de l'aristocrate vampire à Peter Cushing mais un événement très inattendu va modifier l'idée de départ... Lecteur de Playboy, Michael Style découvre les photos dénudées de deux sœurs jumelles dans le numéro d'octobre 1970 du magazine. Il a tout de suite l'idée d'intégrer des jumelles dans le film. VILLAGE OF THE VAMPIRES devient alors TWINS OF EVIL et ce concept plaît aux dirigeants de la Hammer et de la Rank qui assurera la distribution du film tout en apportant une partie du financement. Et si Michael Style n'envisageait pas forcément de prendre les jumelles vues dans Playboy, la Hammer contacte le magazine et engage Mary et Madeleine Collinson ! Mais pour intégrer au mieux ces deux nouveaux personnages, il faut abandonner le scénario de départ pour en écrire un autre...
Si un article de Playboy sonne le glas de VILLAGE OF THE VAMPIRES, un autre événement risque d'handicaper sérieusement LES SEVICES DE DRACULA (TWINS OF EVIL). L'épouse de Peter Cushing décède au mois de janvier 1971 au moment même où la Hammer Films annonce ses deux nouvelles productions en partenariat avec la Rank : LES SEVICES DE DRACULA et LA FILLE DE JACK L'EVENTREUR. Le film repose en partie sur le comédien, la production s'inquiète donc du moral de l'acteur en pensant qu'il risque de renoncer au film. Mais son agent rassure la production, Peter Cushing sera bel et bien présent sur le tournage. Le comédien vient de perdre l'amour de sa vie et il préfère travailler à corps perdus plutôt que de se morfondre en ne faisant rien, seul chez lui. En 1971, il va ainsi tourner à la suite LES SEVICES DE DRACULA, HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE, DRACULA 73, SUEURS FROIDES DANS LA NUIT, LE RETOUR DE L'ABOMINABLE DR PHIBES et TERREUR DANS LE SHANGAI EXPRESS avant d'enchaîner les films de manière aussi effrénée durant les années suivantes. Deux mois après le décès de son épouse, Peter Cushing commence donc les six semaines de tournage des SEVICES DE DRACULA aux studios Pinewood. Le film profite des décors de COMTESSE DRACULA, ces derniers étant déjà, eux-mêmes, un recyclage de ceux d'une grosse production Universal, ANNE DES MILLE JOURS. Cela donne une certaine ampleur et un aspect plus fortuné à cette production Hammer qui ne manque déjà pas de charmes ! Les mêmes décors seront d'ailleurs une nouvelle fois utilisés par la Hammer dans LE CIRQUE DES VAMPIRES.
Le personnage interprété par Peter Cushing nous est présenté comme un fanatique religieux prompt à torturer et brûler des innocents accusés de pactiser avec le démon. Cela rappelle évidemment LE GRAND INQUISITEUR, LE TRONE DE FEU, LES CROCS DE SATAN ou encore LA MARQUE DU DIABLE. Plusieurs films tournés juste avant et qui ont à l'évidence influencer LES SEVICES DE DRACULA. Mais ce personnage apporte ici un contrepoint inattendu dans ce qui n'aurait pu être qu'une resucée de DRACULA ET LES FEMMES et UNE MESSE POUR DRACULA. Les deux jumelles de l'histoire se retrouvent ainsi tiraillée entre deux visions de la vie moralement extrêmes. D'un côté, il y a donc une figure paternelle et autoritaire, imposant des règles strictes. Alors que de l'autre, le vampire est un aristocrate libertin et dépravé à la recherche des plaisirs ultimes. Du coup, les deux jumelles sont comme les deux facettes d'une adolescente qui entrent dans le monde des adultes. Encore obéissante à ses parents, comme une enfant, mais aussi à la recherche de nouvelles expériences en échappant au contrôle familial et en transgressant les limites qui lui sont imposées. Pour modérer le propos, LES SEVICES DE DRACULA nous présente le frère d'une enseignante, homme éclairé et bien de sa personne qui se heurte à l'obscurantisme. Malheureusement, cette idée ne va servir au final qu'à délivrer un message profondément moralisateur. Ce concept sera d'ailleurs utilisé de nouveau dans DRACULA 73 où l'on nous dépeint une jeunesse futile qui ferait bien mieux d'écouter sagement leurs parents. Enfin, si l'on doit lister les quelques défauts du métrage, LES SEVICES DE DRACULA force parfois les expressions au point de flirter avec le ridicule. De même que lors de l'épilogue, le chassé croisé avec le vampire dans le souterrain menant dans un cimetière n'a rien de très convaincant... Et si une grande partie de la distribution fait illusion à l'écran, Damien Thomas, le comédien incarnant le vampire, frise par moment le comique involontaire.
Néanmoins, LES SEVICES DE DRACULA n'en reste pas moins un film d'épouvante assez réussi. Grâce aux décors et aux costumes mais aussi par le soin qui est apporté sur la mise en image. Pourtant, le film est réalisé par un jeune cinéaste qui n'a réalisé jusque là qu'un seul long-métrage et quelques épisodes de séries télévisées. John Hough va d'ailleurs apporter avec lui quelques comédiens qu'il a déjà dirigé auparavant. C'est le cas de David Warbeck qui incarnait Robin des bois dans une production télévisuelle mise en scène par John Hough. Alors quasiment inconnu, David Warbeck donne une véritable épaisseur à son personnage de jeune premier. Sauf, peut être, lorsque celui-ci se met à chanter. Le film aurait dû proposer un autre intermède musical, avec toujours David Warbeck faisant semblant de jouer du clavecin, mais la scène n'a jamais été mise dans le montage original. Ce qui n'est pas plus mal ! Enfin, LES SEVICES DE DRACULA se lâche dans l'horreur et la violence mais aussi, et surtout, dans l'érotisme. A l'écran, cela s'avère de nos jours plutôt gentillet et on notera surtout un plan plutôt osé et suggestif lorsqu'une jeune femme se met à branler littéralement une chandelle alors qu'elle est en plein ébat avec son amant. De la même façon, une jeune vampire se jette sur la poitrine d'une victime pour la mordre. Autant de passages qui seront coupés lors de la distribution du film aux Etats-Unis mais qui seront bien sûr conservés tels quels en Europe ! Si LES SEVICES DE DRACULA n'est clairement pas l'un des chefs d'œuvre de la Hammer Films, le métrage est tout de même une belle production d'épouvante produite au moment où la maison de production britannique va entamer son déclin... En dehors des pays anglo-saxons, plusieurs pays européens vont changer le titre du film de façon à créer un lien avec le plus connu des vampires, Dracula. Un titre plutôt mensonger qui n'est, en fait, pas sans rappeler ce qu'avait déjà fait la Hammer elle-même avec LES MAITRESSES DE DRACULA ou COMTESSE DRACULA, deux films qui n'ont pas de grands rapports avec le fameux personnage inventé par Bram Stoker.
En France, LES SEVICES DE DRACULA était déjà sorti en DVD chez TF1 Vidéo. Mais il n'était pas si simple de mettre la main dessus, l'éditeur l'ayant surtout utilisé pour des opérations à petits prix dans les supermarchés. Elephant Films approche le métrage de manière plus respectueuse avec une édition DVD mais aussi un Blu-ray. Notons que si vous optez pour le Blu-ray, vous trouverez aussi dans la boîte le DVD. Dans les deux cas, le film bénéficie d'un nouveau transfert en haute définition. Sur le Blu-ray, il n'est hélas pas proposé en 1080p/24 mais dans une version entrelacée. Cela ne respecte donc pas le défilement original du film mais, pour le reste, nous sommes bien face à une très belle image détaillée avec une résolution 1920x1080. Si la plupart du temps, les couleurs sont magnifiques, on peut aussi noter que dans plusieurs scènes le contraste est un peu mollasson. Ce détail était déjà présent sur la précédente édition DVD et on peut en déduire qu'il s'agit de la retranscription de ce qui a été tourné à l'origine. Pour sonoriser le film, il est possible d'opter pour la version originale sous-titrée ou le doublage français datant de l'époque de sa sortie dans les salles. Les deux sont proposées en DTS HD Master Audio en mono et encodées sur deux canaux.
En complément, le Blu-ray et le nouveau DVD des SEVICES DE DRACULA nous permettent de voir une très courte galerie d'une demi-douzaine de clichés. A côté, on peut aussi visionner les bandes annonces de COMTESSE DRACULA et LE CLUB DES MONSTRES ainsi que celle de la collection dont fait partie LES SEVICES DE DRACULA. La bande-annonce du film dont il est question ici est par contre absente. Mais l'éditeur a tout de même produit un véritable supplément dédié aux SEVICES DE DRACULA. Il s'agit d'une présentation d'Alain Schlockoff, créateur du magazine l'Ecran Fantastique. Une vingtaine de minutes durant laquelle il remet dans son contexte le film sans oublier de parler des comédiens et du réalisateur avec plusieurs anecdotes en prime.