Cycle, quand tu nous tiens. Non, on ne parle de la petite reine mais bien de l'aspect cyclique du cinéma. Prenez le film catastrophe. Popularisé par AIRPORT en 1969, il connaitra le summum avec TREMBLEMENT DE TERRE ou LA TOUR INFERNALE afin de connaître (début de la fin) une première parodie avec THE BIG BUS et descendra gentiment vers le néant créatif et l'absence de spectateurs avec LE JOUR DE LA FIN DU MONDE. Entre-temps, et cette fois-ci avec un bon train de retard (et pas celui de L'INEVITABLE CATASTROPHE, autre beau nadir du genre), les italiens vont raccrocher au wagon, comme ils l'ont toujours fait avec les genres à la mode. Mino Loy et Luciano Martino vont ainsi mettre en chantier en premier THE CONCORDE AFFAIR (ou CONCORDE AFFAIRE '79), devenu en France SOS CONCORDE (et distribué par UGC!) pour tenter de battre sur la ligne d'arrivée le 4e AIRPORT qui lui aussi met en scène un Concorde en perdition.
Lors d'un vol d'essai entre Londres et Caracas, un Concorde est saboté et s'écrase en pleine mer non loin de la Martinique. Derrière cela, Milland (Joseph Cotten) un riche homme d'affaires dans l'aéronautique, qui craint la concurrence du Supersonique. Il y a une survivante, Jean Beneyton (Mimsy Farmer), qui se fait de suite enlever par de curieux hommes de main faisant pression sur Milland. Un témoin de la catastrophe appelle en parallèle le journaliste Moses Brody (James Franciscus) qui arrive sur place pour trouver sa source d'information assassinée.
Tout d'abord, il faut préciser que Concorde est un avion franco-britannique et comme deux projets de film virent le jour quasiment en même temps, vint une dispute sur les droits d'utilisation de l'image de l'avion. La France et la Grand-Bretagne mirent leur veto pour le film de Ruggero Deodato mais donnèrent leur assentiment cinq mois plus tard pour AIRPORT 80 CONCORDE de Jerry Jameson, un projet visiblement plus classe - sur le papier. Malgré cela, l'équipe italienne pu utiliser des images d'avion en vol. Mais sans couleur de compagnie. C'est en cela que le film ne montre que l'avion prototype, sans aucune couleur de compagnie aérienne, via des stock shots fournis par British Aerospace, et facilement décelables du fait de la couleur changeante de la pellicule. A noter que ces scènes ont été filmées avant 1979, le prototype ayant cesser de voler début 1976. Deodato et son équipe ont également eu accès aux scènes des ateliers de construction de Filton et des essais Concorde pour les scènes purement techniques.
Ruggero Deodato emballe ce film catastrophe mâtiné de thriller exotique tourné à la Martinique. L'auteur multi-talent s'est déjà attaqué au film de cannibale, au poliziesco, au mélodrame et il prend de front une production somme toute ambitieuse aux vues des moyens mis en oeuvre. Comme à l'habitude des rip-off transalpins à vocation internationale, il faut un casting reconnaissable. James Franciscus, héros du SECRET DE LA PLANETE DES SINGES et du CHAT A NEUF QUEUES continue sa carrière italienne. Rejoint par la jolie Mimsy Farmer, connue sur la scène mondiale à l'époque pour le MORE de Barbet Schroeder - et qui possède aussi la particularité de partager deux points communs avec Franciscus. A savoir une carrière en Italie via LE PARFUM DE LA DAME EN NOIR et FRISSONS D'HORREUR, mais aussi d'avoir tourné avec Dario Argento - pour 4 MOUCHES DE VELOURS GRIS. La caution "vieil Hollywood", d'habitude remporté par John Huston ou Shelley Winters (appelée aussi Dieu par les intimes), c'est ici Joseph Cotten qui s'y colle - à peine sorti d'un autre avion sous la mer via LES NAUFRAGES DU 747. Aux manettes de l'avion : Van Johnson. qui enquillera ensuite CRIMES AU CIMETIERE ETRUSQUE et KILLER CROCODILE au pays du chianti. Un bon film à la saveur bis ne saurait en outre s'apprécier sans des " gueules " : les habitués auront donc facilement reconnu l'acteur/cascadeur Ottaviano dell'Acqua, qui a trimballé sa belle dégaine dans LES GUERRIERS DU BRONX ou encore 2019 APRES LA CHUTE DE NEW YORK. Mais c'est surtout l'indispensable Venantino Venantini qui retient l'attention dans le rôle du salopard de service!
Pour l'équipe technique, hormis l'inusable scénariste touche-à-tout Ernesto Gastaldi, Deodato s'entoure de solides professionnels. Gianlorenzo Battaglia pour la magnifique photographie sous-marine, les effets spéciaux de maquette et autres explosions sont réglées par Angelo Fattoracci et Fabio Traversari. Fattoracci est connu par ailleurs pour avoir réalisé d'autres maquettes, comme celles de BLUE TORNADO d'Antonio Bido, et avoir élaboré une caméra sur dirigeable qui a servi dans SNAKE EYES et AU-DELA DES REVES. Traversari demeure à ce jour un des meilleurs spécialistes d'effets spéciaux en Italie, ayant oeuvré au début de sa carrière sur SOTTO IL VESTITIO NIENTE 2, ALLAN QUATERMAIN ET LA CITE DE L'OR PERDU, VERCINGETORIX (aïe), mais aussi les CUORE SACRO et SATURNO CONTRO de Ferzan Ozpetek. La musique revient à un autre Dieu, à savoir Stelvio Cipriani. Alors en pleine gloire rutilante et travaillant d'arrache pied, il enchaine les films marins. Ce qui s'en ressent avec ses compositions, l'un des thèmes de SOS CONCORDE ressemblant furieusement à l'un de ceux élaborés pour TENTACULES. Heureusement que nous sommes en pleine mode disco, ce qui octroie à la partition un thème principal swinguant comme seul Stelvio en a le secret. Quel rythme!
Côté effets spéciaux, si Deodato met la pédale douce avec la violence - on mentionnera à peine un bouillon de sang lors du passage d'un hors-bord sur le corps d'un pêcheur, c'est un déchainement de maquettes en tous genres! Sous le mer, dans les airs et sur la terre ferme, les créateurs de miniatures se sont visiblement donnés les moyens de leurs ambitions. Non pas que tout soit réussi : l'explosion en pleine mer sur la faille sous-marine fait peine à voir en HD. Malgré tout, il y a un soin du détail qui honore les efforts. Il faudra juste passer sur la crédibilité de l'ensemble car un supersonique à Mach 2 ne se comporte pas comme un 737 de Ryanair (ou Pulkovo Airlines, au pire) en pleine approche d'atterrissage. On va dire que c'est l'effet magique du cinéma!
Le scénario manie habilement les thèmes en vogue et se trouve dynamisé par une approche de solide actionner: un Deodato en grande forme! Bien sûr le film catastrophe aérien avec l'ajout du Concorde comme attrait commercial. Une touche d'espionnage industriel avec un pays exotique en toile de fond qui ressemble aux sous-James Bond qui pullulèrent sur les écrans européens. L'exotisme était aussi très mode - sans parler des cannibaleries, mais aussi à travers des oeuvres comme CONTAMINATION ou AU TROPIQUE DU CANCER. Au moins, l'équipe de SOS CONCORDE tente de renouveler un genre presqu'exsangue en tentant une structure multigenre. Mais surtout, il y va franco : au lieu de faire languir le spectateur sur une éventuelle catastrophe, il fait couler un Concorde dès les cinq premières minutes... et s'attaque à un second. Pas question de mentir au spectateur : on va en avoir pour notre argent. Il faudra passer sur les clichés habituels, entre présence féminine accessoire, noirs de services qui meurent au passage, méchants industriels, politiques incapables, etc. 95 minutes emballées au taquet, aux cascades bondissantes, au rythme qui va crescendo. Franciscus y joue pour beaucoup. il assure méchamment en journaliste américain en perdition. Séduisant, hâbleur, physique et des plans maillots de bain à faire pâlir Daniel Craig de jalousie.
Ayant distribué le film au cinéma en Allemagne à l'époque, Ascot Home Entertainment sort un Blu Ray qui se trouve être le premier au monde pour SOS CONCORDE. Sorti dans sa collection "Cinema Treasures" sous le titre DAS CONCORDE INFERNO, l'éditeur propose le film en 1080p sur un Blu Ray BD 50 au format respecté de 2.35:1 et d'une durée complète de 95mn21. Au lancement, trois films annonce sans aucun rapport avec le métrage, mais émanant du catalogue récent de chez Ascot. On peut aisément éviter de les subir en pressant le bouton " suivant " de la télécommande pour arriver au menu principal (fixe) qui offre entre autre choix des langues, un accès par chapitres.
Quand on parle de Blu Ray allemand pour les films de genre, on pointe hélas généralement la médiocrité des résultats. Les efforts effectués par des boites comme DigiDreams (qui va sortir les 4 NEMESIS d'Albert Pyun) ou des éditions 3D illusoires, on prend peur. Pas de miracle pour DAS CONCORDE INFERNO, mais un relatif soin qui place la copie un cran au-dessus de la moyenne. On sent qu'elle n'a pas forcément été nettoyée de manière optimale. Des poussières apparaissent de manière régulière le long du métrage. Les couleurs sont naturelles et si la copie d'origine -et la pellicule utilisée par ce type de production- accusent certaines faiblesses, on peut dire que le passage en HD fait de son mieux avec ce qu'il a comme matériau de base. Pas de solidité dans la gestion des contrastes : les scènes se déroulant de nuit ne transparaissent pas au mieux à l'écran, exception faite de la scène du bateau avec Franciscus & Farmer. La copie ne révèle pas de précision dans les détails. même si les gros plans font preuve de clarté. On a donc affaire à une copie moyenne mais Ascot ne s'en sort pas trop mal avec une compression adéquate. On apprécie en ce sens tout particulièrement les séquences sous-marines de découverte de la carcasse du Concorde et de chasse à l'homme.
Deux pistes sonores : la version anglaise en DTS HD MA 2.0 mono et le doublage allemand sur le même mode. Sans jouer les puristes, on va préférer largement la piste anglophone, au débit binaire plus important et plus régulier. Les effets sonores se détachent correctement des dialogues et même si cette piste non compressée n'atteint pas un summum de pureté - un petit souffle se détecte de temps à autres-, cela reste très agréable à l'oreille. En tendant l'oreille à la version teutonne, le son parait plus étouffé, plus terne. Les dialogues doublés semblent plus au-dessus de l'environnement sonore, totalement en retrait. Pas très agréable. Qui plus est pour les audiophiles, la partition disco-orchestrale de Maestro Cipriani s'avère plus efficace en version anglaise, ce qui ponctue l'action au mieux. Il ne faut donc pas espérer d'effets sonores en rafale et des baisses qui vont défoncer les enceintes. Le film ayant été enregistré en mono, la transcription anglaise semble ainsi la plus fidèle
Et comme il semble presque d'habitude pour ce type d'éditions, aucun sous-titres. L'expérience cinéphile s'arrête presque là, puisque la galette donne en seule guise de bonus une galerie de photos d'exploitation du distributeur allemand... et les fameuses bandes-annonces mentionnées ci-avant. Très bizarre de voir DON JON ou METALLICA THRU THE NEVER en compagnie de DAS CONCORDE INFERNO! A moins que l'éditeur allemand ne considère que les acheteurs du film de Ruggero Deodato soient des clients potentiels pour des films parlant de concert de musique métal ou d'un homme addict au porno? Votre chroniqueur s'en tiendra à Deodato, et recommande néanmoins cette édition Blu Ray pour les amateurs de rip-off italiens des 70,es fans de films catastrophes, les complétistes de Deodato, les amoureux de Mimsy Farmer... qui maitrisent l'anglais.