Header Critique : ONE SHOT

Critique du film et du DVD Zone 0
ONE SHOT 2004

 

Afin de remporter des élections locales, le politicien Walinsundera (Wilson Karunaratne) envisage de faire sauter un bus rempli d'enfants qui se rendent à une excursion. L'acte terroriste devrait permettre de pointer les manquements en matière de sécurité de son opposant Pushpakulmara (Sunil Perera). Mais c'est sans compter sur Vijy (Ranjan Ramanayaka), une montagne de muscles, chanteur des rues et adepte de la non-violence. Celui-ci sauve les enfants et se faisant remarquer, une partie des témoins ont l'impression de reconnaître One Shot, un héros défenseur de la démocratie et ennemi des politiciens corrompus. Toutefois, ce héros ne fait plus partie des vivants ce qui mène à se poser la question de savoir si Vijy est la réincarnation de One Shot...

Attention, ovni cinématographique ! On connaît assez mal, voire pas du tout le cinéma du Sri Lanka et à fortiori le cinéma d'action et de genre cinghalais. A base de mélodrames ruraux et de drames policiers, le cinéma à destination du marché local n'avait pas effectué de percée notable avant ONE SHOT. Et si l'on excepte le tout récent SPANDHANA, le film d'horreur demeure inexistant. Le réalisateur, scénariste, acteur, producteur et dialoguiste Ranjan Ramanayaka ("Ramanayaka" sur la jaquette du DVD), superstar locale ! Avec son nom complet, Sadda Vidda Rajapakse Palanga Pathira Ambakumarage Ranjan Leo Sylvester Alponsu est aussi un opposant actuel du gouvernement cinghalais. Il décide donc de mettre en chantier le plus gros budget de l'histoire du cinéma local pour un film d'action politico-musical militant aux confins du fantastique et de la bande dessinée. Rien que ça !

ONE SHOT est, tout d'abord, le premier film cinghalais tourné en format large type CinemaScope (2.35:1) avec piste sonore en DTS mixée au prestigieux studio indien 70mm Prasad. Et on sent bien que Ranjan Ramanayaka a mis le paquet : cascades explosives (dont un train qui percute un bus), vastes travellings latéraux, centaines de figurants... Le métrage est d'ailleurs une véritable ode à son personnage et à sa propre personne. Il faut voir l'acteur se mettre en scène le long de près de deux heures et demie de projection. De stature impressionnante, il passe son temps à marcher devant la caméra au ralenti, avec ses pectoraux en avant ou tout simplement torse nu, chevelure au vent, bandant ses muscles. Et si cela ne suffit pas, il se promène aussi en débardeur, courant toujours au ralenti, jump cut à l'appui, ou se faisant vénérer, embrasser et caresser par ses admirateurs. Pour bien enfoncer le clou, le cinéaste chante au soleil couchant, reprenant une chanson hispanisante dans la droite lignée d'un Ricky Martin. Ranjan Ramanayaka s'aime beaucoup, et le fait savoir. Il n'a par ailleurs rien trouvé de mieux que de repiquer le thème principal de TERMINATOR 2 composé par Brad Fiedel pour montrer sa forte détermination. Qu'il soit en Vijy ou en One Shot, tête rasée seulement couvert d'un manteau de cuir, on entendra le morceau musical une bonne cinquantaine de fois pendant toute la durée du film et ce à chacune de ses apparitions héroïques. Ahurissant !

Il faut néanmoins laisser sa conception du cinéma à l'occidentale au vestiaire (mais il ne faut pas l'oublier non plus, comme aurait pu dire Richard Balducci) et ses préjugés au même endroit. Ceci afin d'appréhender au mieux cette expérience filmique qui se révèle être une violente charge contre les politiques locaux ainsi que la corruption généralisée de la police. En remettant le film dans son contexte, Ranjan Ramanayaka a pris de sacrés risques et il s'attendait même à ce que le film soit censuré à sa sortie dans les salles de cinéma en mai 2005. Si la manière de cibler les politiciens et flics véreux en tous genres paraît naïve, primaire et parfois ridicule à nos yeux, la charge n'en est pas moins violente. ONE SHOT s'avère un des premiers films sri-lankais parlant ouvertement de pressions politiques, d'attentats et de détournements de vote... Le métrage évoque même la complaisance concernant l'enlèvement de jeunes filles à destination de la prostitution à destinations des contrées arabes. Dans un pays alors en proie à des crises démocratiques et autres affrontements ethniques, Ranjan Ramanayaka ose le jusqu'auboutisme en pointant les ennemis intérieurs ou extérieurs de sa propre nation. Il le montre sans aucune ambigüité dans un long monologue téléphonique où Pushpakulmara indique que pour maintenir la disparité entre les riches et les pauvres, et donc garder le pouvoir, il faut que les élites aillent faire leurs études à Oxford, à Cambridge ou à la Sorbonne (!), parler anglais et ainsi continuer à dominer les masses ignorantes. Certes, on parle français à la Sorbonne, mais le récit s'en contrefiche. Cette Sorbonne est tellement appréciée qu'une seconde méchante lance à la caméra que les députés du parlement sont bien des idiots : elle a fait des études dans notre bonne vieille université française pour le savoir, avant de tourner le dos à l'audience et s'éloigner au ralenti. La pratique de l'anglais s'identifie également comme une langue parlée par les jeunes aisés, dont l'usage est pointé du doigt comme, à plusieurs reprises, à l'encontre de la fille de Walinsundera qui s'amourache, au passage, de Vijy.

ONE SHOT repose sur un scénario particulièrement complexe, voire compliqué. Pour tout dire : bordélique au possible ! Mixant des danses, des chansons, des scènes d'actions, de bagarres, de comédies et de romance, le tout coupé brutalement par des moments autres comme ce serviteur venant observer le cul à l'air une danseuses se déhanchant furieusement devant Pushpakulmara. Dans le même genre, Walinsundera releve son sarong pour s'énerver contre ses troupes et les pousser un à un à l'eau. Des ruptures de tons entrecoupées de cris, de bruitages et de morceaux de chansons faits pour introduire de nouveaux personnages, des levages de guiboles/tatanes hasardeuses ou des rebondissements de situations. L'histoire est racontée presqu'à rebours, entrelardé de flash-backs placés à la va-z-y-comme-j'te-pousse fourmillant de sous-intrigues... Il y en a tellement qu'on vous fera grâce de tout citer. Il y en a tellement que certaines sont simplement mises de côté, ne servant plus à l'action. Le film expliquera les origines de One Shot en fin de parcours, y compris sa finalité et le pourquoi de son retour, accompagné de grands éclairs zébrant le ciel, conformément à la prophétie. Il ne faut pas attendre ou chercher de la logique à ce salmigondis scénaristique... Le mieux étant simplement de se laisser porter par le spectacle à l'écran.

Du côté de la mise en scène, le réalisateur appuie méchamment le trait. Outre la glorification de One Shot, traité comme un quasi-dieu par moments, notamment lors de sa crucifixion par les sbires de Walinsundera, on se dit que l'auteur, de confession catholique, ne recule devant rien pour se mettre en avant ! One Shot est aussi une sorte de super-héros de bande dessinée que rien n'atteint. Un corps de béton qui fait plier les seringues à son contact et dont les balles ne réussissent pas à entamer l'épiderme. De toutes façons, les balles, le héros les choppent avec sa bouche et les recrachent à ses adversaires. Le cinéaste et son double héroïque sont littéralement invincibles. Filmé à grands renforts de zooms avant/arrière sauvages qu'un Jess Franco n'aurait pas renié, la mise en images se paie une multitude de ralentis glamour, des tas de jump cut dans les scènes de castagne ou encore de nombreuses contre-plongées affolantes sur les plastiques des danseuses aux tenues moulantes. Des effets audio forçant les éclairs, à chaque surprise ou cliffhanger jusqu'aux bagarres et effets comiques tendance Terence Hill/Bud Spencer, notamment avec son sidekick qu'Alvaro Vitali aurait pu aisément remplacer.

Vous souvenez-vous de Sybil Danning qui arrache son bustier plusieurs fois dans le générique de fin de HORROR ? On a les mêmes effets de répétition ici, sur les grimaces de fureur de Vijy ou lorsqu'il balance sa crinière chevaline pour se retourner face à la caméra avec en prime ses scènes accélérée façon Benny Hill pour les poursuites et les pleutres qui urinent de peur à plusieurs reprises –avec une golden shower inopinée !-, on obtient un mélange improbable, condensé des thématiques cinghalaises contenues dans le cinéma populaire. Viol, meurtres, attentats, faveurs, sexuelles, malversations, intimidations, bagarres homériques, le tout dans un populisme de bon aloi faisant gloire au bon sens du peuple contre des élus corrompus jusqu'à l'os. Si la non-violence à la Gandhi ne marche pas, une bonne solution : faire tout péter, tuer tout le monde, et revenir seul. Voire le dernier quart d'heure où entre autres gâteries surréalistes, One Shot saute sur sa moto tout en canardant ses poursuivant qui finissent criblés de balles. Un vrai Superman !

Une autre particularité surgit du film, intéressant à la lumière de la culture du Sri Lanka. Le pays parlant cinghalais à 70% est composé de plusieurs confessions religieuses : une majorité bouddhiste, puis hindouiste (la population tamoul), une minorité musulmane et enfin catholique, centrée sur la partie ouest de l'île, via la région de Negombo d'où est originaire Ramanayake. ONE SHOT pratique une étonnante tolérance dans son récit. Surtout à la lumière des affrontements avec les rebelles séparatistes Tamouls qui ont ensanglanté le pays jusqu'en 2009. Les trois meilleurs amis au sein de la police sont tous de confessions différentes, avec le pote musulman qui finit par marier une bouddhiste. Idem lors des scènes de sauvetage des enfants ou du meurtre du gangster à la solde des politiciens, One Shot est vénéré par tous, y compris par deux personnages gays. Le héros apparaît clairement comme le sauveteur de toutes les composantes de la population sri-lankaise, bernée par ceux qui détiennent le pouvoir.

Conclusion : les lecteurs de Telerama ou les amateurs de cinéma raffiné peuvent passer leur chemin, ONE SHOT va les rebuter. Par contre, les cinéphiles de tous poils souhaitant expérimenter un cinéma radical, louchant gentiment vers le cinéma indien mais en gardant une identité propre, dans un contexte politique frontal aux moments comiques d'une grâce éléphantesque et à l'action sauront trouver leur bonheur filmique. ONE SHOT possède une ambition évidente, il faudra juste ne pas regarder les détails, la lourdeur de la mise en scène, le sur-jeu de tous les acteurs et les effets de manche dédiés à la gloire de son auteur. ONE SHOT accède au statut de plaisir coupable, véritable curiosité délirante qui promet moult galanteries visuelles. Si l'on ne recommande pas forcément la qualité du DVD, comme nous allons le voir, le film mérite quant à lui le détour !

Le DVD cinghalais sorti par Torana Home Video en 2006 est hélas d'un autre âge. Disponible dans une collection «Budget Pack» à 200 roupies (environ 1,25 euros !), on a surtout droit à un DVD-R pressé en Malaisie et de qualité médiocre. Il émanerait d'un VCD que cela ne surprendrait guère. Le film reste néanmoins au format cinéma respecté (2.35:1) mais sans l'apport du 16/9. Aucun menu ni chapitrage, le disque ne renferme pas non plus de bonus. La copie offre de multiples poussières et griffures tout au long du film. L'image souffre aussi de la néfaste présence permanente du logo Torana en haut à gauche de l'écran. Ce qui donne au final une compression dramatique, une définition pitoyable et des couleurs parfois délavées pour les scènes en plein jour. Alors que celles de nuit laissent transparaitre de très jolis éclairages nimbant le cadre de teintes bleutées du plus bel effet. Ca fourmille tout le long du film et les contours des personnages laissent franchement à désirer. Depuis que nous sommes habitué à la précision des Blu-ray, visionner ce DVD brûle la cornée, il faut le savoir avant l'achat !

Côté son, deux pistes sonores : les deux en cinghalais, avec celle venant visiblement du mixage DTS original. Dommage, ce ne sera que du Dolby Digital 5.1, avec néanmoins un réel travail sur les effets sonores, explosions en tous genres. Les canaux arrières sont largement sollicités, tout comme les enceintes avant avec de jolis effets stéréophoniques réguliers. Les coups de poings font ainsi échos de manière inattendue ! Les anglophiles y trouveront leur compte car la galette offre des sous-titres anglais amovibles (ainsi que des sous-titres tamouls). La piste en simple stéréo, manquant singulièrement de relief, demeure anecdotique.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
ONE SHOT DVD Zone 0 (Sri Lanka)
Editeur
Torana Home Video
Support
DVD (Double couche)
Origine
Sri Lanka (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
2h26
Image
2.35 (4/3)
Audio
Sinhalese Dolby Digital 5.1
Sinhalese Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
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      Aucun
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