Au Nouveau Mexique deux enfants et un adulte (Vincent Schiavelli) sont témoins de l'apparition d'un vaisseau extraterrestre. 25 ans après, Jennifer une scientifique spécialiste en satellites (Cybill Shepherd) est dépéchée dans ce même endroit afin de comprendre certains signaux émis. Elle y rencontre un sheriff alcoolique (Jan Michael Vincent), et font face tous deux à des mutilations d'animaux... et bientôt d'humains.
Greydon Clark ! Les cinéphiles sursautent, tapent du pied, envoient des disques carnivores en l'air, entament une lambada effrénée, balancent du skinhead en pleine tête de Barbara Bain, osent le biker sadique ou caressent un chat possédé. Toutes ces frénésies celluloïdales sont l'œuvre du réalisateur Greydon Clark. Ancien assistant d'Al Adamson. Scénariste de PSYCHIC KILLER. Auteur, réalisateur et producteur de films comme TERREUR EXTRA-TERRESTRE, LAMBADA : LA DANSE INTERDITE, SKINHEADS, LE CLANDESTIN, SATAN'S CHEERLEADERS, BLACK SHAMPOO… Un pan entier du Bis et de la série B ricaine dans toute son indépendance, sa misère splendide, ses tournages à la va-vite et son bonheur de tourner plus vite que son ombre.
Greydon Clark cherchait un sujet à part tomba pile poil sur le scénario dont il ajouta quelques éléments personnels. Car THE RETURN ne ressemble pas vraiment à quelque film que ce soit. Jamais sorti au cinéma en France, il ne fut disponible qu'un temps en VHS chez Videofilms… et tomba dans l'oubli. Le film possède en outre la singularité d'avoir été écrit par un duo inattendu : Jim et Ken Wheat. Les scénaristes ayant d'abord réécrit LE SILENCE QUI TUE, mais surtout auteurs du CAUCHEMAR DE FREDDY, LA MOUCHE II ou encore PITCH BLACK et sa première suite.
Greydon Clark réussit à s'adjoindre les services d'acteurs au passé prestigieux. Il s'agissait d'une pratique courante dans des productions de série B : prendre des acteurs en perte de vitesse au niveau de leur carrière, mais dont le nom assurait une reconnaissance immédiate dans la tête des spectateurs. Roger Corman était coutumier du fait (voir entre autres AVALANCHE avec Rock Hudson et Mia Farrow !). Ici, la production se paye Cybill Shepherd, perdue depuis TAXI DRIVER et THE LAST PICTURE SHOW avant que CLAIR DE LUNE ne la relance en 1985. Elle ne semble pas d'ailleurs avoir beaucoup de bonnes choses à dire du film, selon le peu de commentaires qu'elle en a fait. On gage qu'une actrice hollywoodienne pur jus doit regarder avec condescendance ses années de vaches maigres. Jan Michael Vincent commençait lui aussi à descendre non seulement la pente après LE FLINGUEUR, LES SURVIVANTS DE LA FIN DU MONDE ou GRAFFITI PARTY, mais aussi la bouteille. Ce qui causa pas mal de souci pendant de tournage, selon Greydon Clark. Un alcoolisme qui le perdra d'ailleurs après la série SUPERCOPTER pour s'enfoncer dans des séries Z de tout ordre. Egalement Raymond Burr, toujours en verve après PERRY MASON et L'HOMME DE FER, qui imposera à Greydon Clark l'utilisation d'un téléprompteur pour réciter ses dialogues. On terminera par des gueules, des vraies : Martin Landau, dont Greydon Clark vante le professionnalisme à toute épreuve dans les bonus, et avec qui il travailla aussi dans TERREUR EXTRA-TERRESTRE. Puis le tonitruant Neville Brand, encore tout marqué par son interprétation dans LE CROCODILE DE LA MORT.
Avec un tel casting, un scénario un poil plus ambitieux que la moyenne, THE RETURN ne donne cependant pas un vrai grand film B. Greydon Clark produit là peut-être son oeuvre la mieux emballée, mais le rythme languide prend le pas sur les scènes d'actions qui ponctuent la narration. THE RETURN apparait bicéphale. Tiraillé entre une aspiration de récit de SF, très à la mode en 1980. LA GUERRE DES ETOILES et RENCONTRES DU 3e TYPE sont passés par là. Et chacun cherche à tirer parti du thème. Plus ou moins raccroché au wagon comme THE BEING ou THE DARK de John Bud Cardos. Ou pleinement SF pour THE RETURN. Le côté noir de la force reste son ambivalence bissarde. Autant le traitement peut se révéler intéressant, tout comme dans sa conclusion très étrange… autant certaines scènes paraissent totalement incongrues. Le couple de cow-boys qui se fait agresser par Vincent Schiavelli et sa barre lumineuse (très «Luke, je suis ton père») ne sert strictement à rien dans l'histoire. Pire : le ridicule survient, adjoint d'un ralenti quelque peu déplacé dans la chute de l'actrice. Ensuite: comment une activité extra-terrestre peut-elle se nicher au fond d'une grotte lovée dans une cabane minière ? Abscons et incohérent. Mais comme nous avons affaire à du cinéma qui demeure lui-même dénué de toute velléité logique, on dira que tout cela est bien normal !
La scène d'ouverture met le paquet sur le visuel d'un vaisseau spatial et du mystère qui entoure son apparition. Malgré un tournage rapide en 3 semaines et un budget assez bas : 750 000 $ dont 400 000 pour le seul casting, le film se permet des effets spéciaux d'excellente tenue, très professionnels ! Qu'il s'agisse du vaisseau spatial, des cascades ou de l'espèce de vortex/portail sur une autre dimension, Greydon Clark se laisse aller à un mélange de genres qui rend son film quelque peu inclassable. On y ajoute du gore, des boyaux, des animaux éventrés, des membres arrachés… un belle collection de bizarreries. THE RETURN hésite entre un SF dramatique mainstream et un film d'horreur qui tâche. Greydon Clark montre ses limites et parvient rarement à élever le propos, et ne sait pas choisir quelle direction prendre.
On aura compris assez rapidement que les deux enfants du début sont en fait le duo Cybill Shepherd / Jan Michael Vincent : il est toujours regrettable que le public ait déjà un temps d'avance sur le scénario ! Mais à compter de ce moment, il est difficile de saisir ce qu'il se passe réellement. Entre des dizaines de questions sans réponse : pourquoi ont-ils agit de cette manière concernant les personnages de Jennifer et Wayne ? Que veulent les extra-terrestres ? Qui sont–ils ? Mystère total qu'aucun des auteurs ne veut ou ne peut élucider. Comme les raisons qui poussent les aliens à venir sur Terre à deux reprises à 25 ans d'écart. Les mutilations semblent servir un propos, mais lequel ? En fait, on ne sait pas bien si le scénario écarte volontairement toute explication ou si les auteurs ne sont pas embarrassés du tout de logique afin de mener à bien leur entreprise.
Le couple aura bien affaire aux bouseux du coin, dont un «riche» propriétaire en la personne de Neville Brand qui reste persuadé que la jeune scientifique est responsable de la mort de ses animaux. Dont une séquence nocturne d'attaque de Jennifer par un groupe de jeunes excités. Curieusement, une des scènes les mieux orchestrées du film, très joliment photographiée. Il reste seulement dommage pour la crédibilité de l'ensemble que Cybill Shepherd joue comme une huitre plombée au mercure. C'est-à-dire mal.
Il existe une belle brochette d'inepties dans le film mais le spectateur a le choix : soit il passe sont temps à compter les erreurs (techniques ou autres) soit il profite du spectacle ‘autre' qui s'offre à ses yeux. On pourra gloser sur les soucis d'éclairages ça et là : au moment où Vincent Schiavelli agresse Jan Michael Vincent (75e minute), la luminosité change radicalement d'un plan à l'autre. Impensable que personne n'ait vu cela au montage final ! Mais en même temps… comme le film ne fait aucun sens, est-ce vraiment si important que cela ? Au même titre que l'absence de logique du récit et des actions des aliens.
Notre réponse : afin de profiter au mieux de l'étrangeté de THE RETURN : il faut prendre conscience que, oui, le film n'est pas bon. Oui, THE RETURN possède un ton définitivement à part. Oui, il faut appréhender les erreurs, atrocités de jeu, non-sens, les trous béants du scénario et les prendre pour ce qu'ils sont. Et, oui, il faut se caler confortablement devant son écran, se laisser aller et ne pas prendre trop au sérieux l'entreprise. Tout en gardant à l'esprit qu'il vaut beaucoup mieux que la réputation peu flatteuse qui le précède. THE RETURN garde un esprit bis indéniable – mais avec ce supplément d'âme qui le tire vers le haut. Curieusement, ce sont ses défauts qui en font le charme principal.
L'édition DVD (non zonée) proposée par Scorpion Releasing s'avère de toute beauté pour les amateurs que nous sommes. Cet obscur film se permet une seconde vie. Mais de belle manière, en plus. Nouveau transfert HD en provenance du négatif original, format 1.78:1 et mono d'origine en Dolby 2.0, d'une durée complète de 90mn11. Il faut exprimer deux regrets : à un temps où les ventes DVD de films de genre s'effondrent et où l'intérêt pour le support même décroit à vitesse grand V ? Scorpion n'offre aucun Blu-ray. Pourtant, l'éditeur est désormais coutumier du fait, en lâchant DAY OF THE ANIMALS, DOGS ou encore GRIZZLY en haute Définition. L'autre regret demeure l'absence de quelconques sous-titres. Il faudra donc maitriser la langue anglaise pour apprécier pleinement THE RETURN. Enfin, aspect curieux, le menu ne propose pas d'accès par chapitres.
La photographie a été élaborée par Daniel Pearl : auteur de celle chez Larry Cohen pour LES ENFANTS DE SALEM ou LA VENGEANCE DES MONSTRES mais aussi sur VENDREDI 13 et de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, les remakes, voire de ALIENS VS PREDATOR : REQUIEM. Et bonne pioche ici : la copie offerte s'avère très agréable à regarder, et le travail précis de Daniel Pearl dans les scènes de nuit et d'intérieur s'en trouve magnifié. Très beaux éclairages mis en valeur, couleurs lumineuses, belle définition des personnages, teintes de peau naturelles. On notera quelques poussières noires ça et là, notamment sur des plans de ciel ou d'effets spéciaux optiques (voir le vaisseau au début du film): cela dénote un nettoyage pas complètement optimal. Mais c'est chipoter un peu, car l'ensemble reste plus que regardable. Surtout aux yeux d'éditions récentes de films des années 80 comme ARENA ou AMERICA 3000 en DVD chez Shout!, avec des telecinemas tout bonnement abominables, comme émanant de VHS pétrifiées par le temps. Rien de tout cela ici, où on respecte beaucoup mieux le spectateur. Pas mal de scènes se déroulent dans la pénombre et de nuit, et la copie présentée n'offre pas toujours des contrastes de bon aloi. On penchera plutôt sur une question du matériau d'origine que du travail du transfert-même.
La piste audio anglaise en mono est mixée sur deux canaux. Limpide, aux dialogues clairs, elle permet à la musique de Dan Wyman de s'épancher facilement au-delà des effets sonores. Un point négatif : un souffle parfois agaçant fait irruption lors des plages de calme à l'écran. Mais l'équilibre du mixage reste une évidence et l'on obtient le meilleur son qu'il soit possible de produire pour le film.
Scorpion a prolongé l'expérience cinéphile en effectuant une interview avec Greydon Clark qui revisite sa carrière, tout en précisant certains faits sur le tournage de THE RETURN. Le plus intéressant demeure le commentaire audio de Greydon Clark. L'exercice y est vivace, drôle et Greydon Clark possède suffisamment de souvenirs précis pour rendre l'ensemble très instructif. On y apprend ainsi plusieurs anecdotes sur les acteurs, actrices, techniciens… mais également ses influences, ou il reconnaît justement celle de RENCONTRES DU 3e TYPE pour le vaisseau. Il y parle de nombres de détails, comme son jeu d'acteur (43e minute) en référence à BRONCO BILLY, l'un des investisseurs du film jouant le clochard à la 76e mn,, la chanson marmonnée par Vincent Schiavelli, venant des RAISINS DE LA COLERE de John Ford, l'explosion de la 77e minute a paralysé la ville ! Egalement, Greydon Clark mentionne des aspects inattendus : religieux, comme la Sainte Trinité (les 3 lumières séparées du vaisseau), ce qui ajoute encore un peu plus de chaos à l'incompréhension générale du film. Il possède cependant une mémoire extraordinaire du tournage et l'entendre égrener les moindres recoins de sa créativité pour faire fonctionner le tournage en aussi peu de temps avec le peu d'argent restant, c'est un vrai plaisir.
Il est également possible de voir le film en mode «Katarina's Nightmare Theater» (réalisé par un certain Alan Smithee !). ou Pas. A la manière d'Elvira, K. Leigh Waters fait sa présentation du film et offre nombre d'informations sur les acteurs et participants du film. Tout comme elle offre également une conclusion caustique après le générique de fin ! Pour terminer, le DVD donne à voir une importante collection de films annonces de l'éditeur.
Même s'il n'existe pas d'édition Blu-ray à ce jour, ce DVD de THE RETURN vaut largement le détour afin de redécouvrir un film hélas tombé dans un oubli immérité. Recommandé.