Trois jeunes désoeuvrés entrent en possession des clefs de la villa du Marquis Lanzi (Pepe Servillo, frère de Toni) et décident d'y passer le weekend. Beuveries, musique à fond et... quelque chose dans la cave : une femme enchaînée nommée Sabrina (Francesca Cuttica) qui supplie Simone (Lorenzo Pedrotti) de partir. Le retour impromptu du marquis va précipiter les événements.
Sorti au cinéma en Italie au mois de juin 2012, le film fut tourné à 90% en 3D via la caméra Panasonic 3D Camera AG-3DA1. Il y rencontra un sévère échec public. Ce qui écourta sa durée de vie et demeure pour le moment invisible sur la scène internationale. Les auteurs, les Mannetti Bros, appellation de scène des deux frères Marco et Antonio Manetti, n'en étaient pas à leur coup d'essai avec le film de genre, l'ayant déjà exploré avec ZORA LA VAMPIRA il y a quelques années.
PAURA restera surtout pour un générique de début animé de manière impressionnante, ce qui s'avèrera le meilleur moment du film. Juste avant, une séquence prégénérique ridicule qui souhaite clairement montrer que les réalisateurs prennent la direction du film d'horreur. Ceci via un canevas éculé, mais visiblement toujours vendeur auprès des producteurs : la femme humiliée, à poil et enchaînée au bon vouloir de la gente masculine. Malgré tout, on va devoir subir un premier tiers languide, à base de jeunesse banlieusarde italienne en voie de garage. Justement, il y a dans le lot un mécanicien nommé Ale (Domenico Diele) qui s'occupe de jolis bolides - dont un justement au marquis Lanzi. Ce qui provoque une belle théorie des dominos, entrainant ses potes magouilleurs musiciens/loosers dans l'aventure. Assaut de musique urbaine/rap italien sur la vie difficile en périphérie de Rome et du heavy metal à pleins baquets. On sent la volonté d'enraciner sociologiquement l'histoire. Mais difficile de faire pire dans les stéréotypes pêle-mêle casquette/casse-couille/fumette/rap/magouille/destruction.
Après 35 minutes de palabres, dégustations de champagne, caviar, de pollution du luxueux salon de la splendide villa, de plongée de la piscine –oui, la caméra ne nous épargne rien des belles aventures des riches de ce monde- vient enfin l'odyssée souterraine dans la cave et la découverte d'une femme nue menottée et baillonnée, sur laquelle plane l'ombre tragique de Natascha Kampusch. On se dit qu'il ne manquait décidément plus que cela : PAURA rejoignant la cohorte de films d'exploitations à base d'avilissement de la femme – louchant vers le torture porn. Les frères Manetti adjoignent un peu plus tard un homme enchainé à côté, à qui il sera évité de se mettre à poil. Les auteurs ne vont pas se mettre à dos la majeure partie du public à qui s'adresse le film, quand même.
En fait, PAURA se rabiboche avec les thèmes fetiches du cinema Bis transalpin, maintes fois déclinés dans le Giallo. A savoir que le mal se niche au creux de l'aristocratie. Sous des apparences de goût subtil, de richesses en tous genres, de bonnes manières, se nichent les pires travers et perversions. Ca n'est pas nouveau mais le film évite soigneusement en ce sens les leçons de morale que les SAW et autres DIE ont récemment aligné.
Au rayon boucherie, pourtant made in Sergio Stivaletti, PAURA n'offre pas un étal bien achalandé. Le but se trouve ailleurs, mais les frères Manetti gratifient de quelques plans bien sentís entre un crochet de boucher qui transperce une gorge ou une tête explosée. On aura droit à une torture en direct avec le téton d'un des protagonistes arraché à la tenaille. Il s'agit bien du seul moment qui en fera tortiller plus d'un sur son siège.
Alors vient la question : si l'histoire ne transpire pas l'originalité, si les effets sanglants sont à minima, le film porte-t-il bien son nom ? PAURA = Peur en VF. Manqué. Le métrage marche sur des plates-bandes de suspens en vase clos, à la MAISON DE LA TERREUR, entre autres. On n'osera pas nommer LA PRISONNIERE, qui se situe à des milliers de kilometres qualitatifs. Et il ne parvient que très rarement à susciter le suspense, le malaise ou justement, la peur. PAURA demeure trop anecdotique, ressemble à trop de films déjà sortis. Et la narration n'aide en rien avec ses personnages réunis par une insatisfaction commune, rapidement insupportables – même sur le plus sensible des trois, Simone. On a juste une seule envie : qu'ils y passent tous, et plus vite que ça. Malheureusement, le film met 105 minutes pour arriver à destination. Il faut donc faire avec les inévitables revirements, fuites, questionnement moraux, fausses fuites, retour à la maison, course dans la forêt... Tout a déjà été vu ailleurs, et en mieux.
La relation tordue entre le marquis Lanzi et Sabrina ne trouve son essence qu'après le début du générique final, via une courte scène genre «home movie». Qui explique en partie le déroulement des événements. La fin ne surprend qu'à moitié quand à son retournement tardif, du à une interprétation mediocre des protagonistes donnant dans la surenchère : dommage. Le scénario semble surtout s'intéresser aux manies du marquis, dont l'une est de raser les poils pubiens de sa prisonnière – via une doublure d'une actrice de films X pour la scène -. Scène totalement gratuite et sur laquelle s'attarde bien la caméra. Perception artistique des auteurs, explication psychologique ou pur exhibitionnisme cinématographique ? Allez savoir. Toute velleité anticonformiste ne reste qu'en surface, la narration empruntant les mêmes travers que les énièmes films d'horreur/torture porns dont PAURA prétend s'éloigner. Pire encore, on a surtout l'impression d'un sujet de court-métrage étiré inutilement.
PAURA décevra les amateurs de films d'horreur car il y en a assez peu. Egalement les fans de torture porn car à des kilomètres de HOSTEL ou autres SAW. Les vagues espérances d'une identité italienne volent en éclat quant à la pauvreté du récit et des prétentions sociologiques (ACAB est à cent coudées au-dessus de n'importe quelle minute du métrage ici présent). Quelques idées surnagent, Pepe Servillo assure grandement dans son rôle. Trop léthargique et un indice de frousse en berne, PAURA n'a malheureusement aucune chance de sortir du lot et partira rapidement dans la cohorte de films zoomant vers l'oubli.
Nous avons découvert le film sur une version DVD plate, nous ne pourrons ainsi parler de l'utilisation de la 3D – qui semble bien générer des effets spécifiquement étudiés pour jaillir en pleine figure du spectateur. L'édition sortie par la Medusa fait 105 mn 07 en format 1.77 :1 respecté avec 16/9e. Un menu animé permet l'accès aux différentes scènes via 15 chapitres, par groupes de 3. Le rendu visuel reste médiocre : couleurs tristouilles, contrastes mal gérés dans les scènes extérieures, noirs parfois bouchés. Pas de trace de compression notable à l'horizon, on pourra quand même apprécier une définition agréable. Mais qui ne justifie en rien un achat quelconque.
Il faudra vous armer de votre meilleur italien pour découvrir cette édition, car seule la piste sonore italienne en 5.1 s'offre aux spectateurs. Avec des sous-titres amovibles en italien pour sourds et malentendants pour aider dans la tâche. Un mixage qui privilégie les canaux avant, sauf dans les cas de musique au début du film où les raps et autres morceaux metal sont poussés sur tous les canaux, le caisson de basse bien sollicité. Peu d'effets atmosphériques, de bruitages en arrières : ceci ne devient efficace que dans la dans la scène de poursuite en forêt. Il s'agit d'un DVD à quasi minima, car la partie suppléments ne bénéficie que de deux options. Le film annonce officiel et un making of de 4 mn 17 qui montre le tournage du film, les réalisateurs au travail et l'exécution d'effets spéciaux mécaniques réalisés devant la caméra. Rien qui ne permet cependant de reconsidérer un tant soit peu le film.