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Critique du film
FRANKENSTEIN'S ARMY 2013

 

Pendant la seconde guerre mondiale, un groupe de soldats russes progresse en Allemagne. Ils sont filmés par un soldat nommé Dimitri (Alexander Mercury) chargé de réaliser un film de propagande pour l'occasion. La douzaine d'hommes tombe dans un village reculé où les habitants sont terrorisés par une horde de monstres créé par un mystérieux docteur, Viktor Frankenstein (Karel Roden).

Et voici le énième avatar du cycle de films dit de «Found Footage». A savoir basé sur de faux «vrais morceaux de films», façon documentaire, montés bout à bout pour en faire un métrage. De BLAIR WITCH PROJECT en passant par PARANORMAL ACTIVITY ou TROLL HUNTER, il y a choix. Du moins bon comme du meilleur. La firme Dark Sky Films a donc épaulé le réalisateur batave Richard Raaphorst pour élaborer ce nouveau projet hybride. Reste à savoir comment apporter du sang neuf à un genre qui commence à sérieusement donner du mou dans la créativité ?

Avant d'avoir affaire à cette «armée de Frankenstein», il faudra tout de même avaler près de trente minutes de palabres et errements en tous genres. Entre la présentation des protagonistes, le fait de comprendre que la caméra est tenue par un soldat russe documentant pour la mère Patrie la campagne de cette colonne de soldat en terre allemande et la progression vers le village, on s'ennuie ferme. On passera sur quelques incohérences bien senties : chaque soldat parle en anglais avec un accent soviétique parfaitement grotesque. Un parti-pris habituel, pratique pour la vente à l'étranger. Ce qui n'est pas le cas d'un autre «Found Footage» russo-finlandais, vu au Marché du Film en cette même année 2013, le très sympathique SHOPPING TOUR. La caméra supposée filmer en format 16mm... et avec du son. Pourtant, la prise de son n'apparait nulle part dans la manière dont Dimitri s'y prend pour filmer. Et il est où, le micro, hein ? Et les ruptures brutales de sons ou autres fausses griffures ne donnent pas vraiment le change sur la crédibilité du concept.

La progression en terre allemande avec exercices divers, blablabla devant la caméra, je marche dans la nature désolée, je rampe par terre et j'attaque les méchants nazis : c'est très long. La campagne tchèque où a été tourné le film fait bien son effet de désolation type champ de bataille avec les maigres figurants au combat. La médiocrité du rythme imposé ne garantit pas une attention permanente à ce qu'il se passe à l'écran car franchement, on s'en fiche. Aucun scénario digne de ce nom, juste quelques saynètes mises bout à bout qui n'augurent rien d'une évolution narrative. Vaguement reliées par la progression des soldats. Les personnages restent inintéressants au possible, hormis Karel Roden qui donne une impulsion inespérée à Viktor Frankentein.

Cependant, dès qu'arrivent les premières créatures biomécaniques imaginées par le réalisateur, on relève la tête. Pas de zombies à la DEAD SNOW ou de néo-OUTPOST. Clairement, ce mélange de zombies et de robots appelés «Zombots» et bricolés avec des morceaux de ferrailles, scaphandres, moteurs et autres armes en tous genres faisant office de bras sont excitants ! Les plus rapides pourront également y voir quelques clins d'œil, notamment à ROBOCOP via un ED-209 «première génération» quelque peu rouillé trainant sur une étagère. La brutalité des attaques dans l'église ingénieusement amenées, réveillent méchamment. On arrive alors sur le fameux médecin taré, Viktor Frankenstein (Karel Roden) un digne descendant de la famille. Qui a amélioré et poussé à l'extrême, pour 1944, les principes de son illustre prédécesseur. Avec les inévitables débordements attendus pour un film de genre sans quoi l'identité propre de ce FRANKENSTEIN'S ARMY sombrerait dans un oubli bienséant. A croire que le film n'a été créé que pour mettre en scène les créatures sorties d'un cerveau en proie à une imagination délirante. On pourra également effectuer un rapprochement avec l'épisode «La Sibérie» des DOCUMENTS INTERDITS (1989) sur les expériences biomécanique réalisés pendant la guerre Froide en ex-URSS. A ceci près que FRANKENSTEIN'S ARMY n'exerce aucune réflexion sur le pouvoir de l'image. Bien au contraire.

Un très bon point : l'ensemble des effets spéciaux font fi du numérique. Ce sera des effets mécaniques, des vrais. Et force de constater qu'ils sont la force principale du film. Ces robot-zombies restent à des années lumières des créations du Dr O'Brien de LA TERREUR DES ZOMBIES mais avec une finalité pas si éloignée. En finir avec la guerre, rien de moins. Une nette influence steampunk, un aspect bricolo de génie, filmé avec une énergie peu commune afin de donner le change qui pointe vers une folie furieuse zoomant vers un nawak total sur le dernier quart d'heure. Il s'agit par ailleurs du meilleur moment du film, où l'on sent que le réalisateur se laisse complètement aller. Il y a toujours aussi peu de trace de scénario, mais ce bordel généralisé qui ressemble à un jeu video grandeur nature a finalement de la personnalité. Mention spéciale au neo-zombie dont le cerveau est composé d'une moitié communiste et une moitié nazie pour qu'ils puissent finalement s'entendre ! Et rien de tout cela ne serait efficace sans des décors spectaculairement glauques, très bien mis en évidence.

Si une caméra en mouvement perpétuel ne vous fait pas mal aux yeux et aux neurones, FRANKENSTEIN'S ARMY est fait pour vous. Attention, ça reste quand même assez fatiguant à subir, même si l'on sent poindre une certaine originalité dans le propos. L'autre plus qui maintient l'intérêt est le gore à plein baquets. On se croirait revenu aux belles heures de l'Italie des années 80 avec ses trépanations, ses décalottages crâniens, ses boyaux au kilomètre, ses grands décors abandonnés aux membres éparpillés partout. Le quota d'hémoglobine atteint son summum, là aussi dans le dernier quart d'heure.

Reste un métrage bancal, bavard, long à démarrer et qui devient de plus en plus drôle, barré et quasi-stupide à la fin. Mais un film d'exploitation qui ne ressemble à aucun autre du fait des Zombots. On se croirait revenu au bon vieux temps de GOLDORAK et son armada de Golgoths à l'identité et aux fonctionnalités bien définies. On a quand même des noms comme «Machete Zombot» ou encore «Protobot» selon le réalisateur. Ajoutant une louchée de gore désarticulé et de caméra tremblotante à la mode, il devrait assurer une présence sur notre sol mais uniquement en festival ou en vidéo. Le film reste néanmoins très limité et oubliable dans la forme comme dans le fond. Il faut que les auteurs du film se posent des questions sur la nature de leur écriture lorsque les humains, chair à canon habituelle, sont moins intéressants que les créatures rapiécées. La satire tourne court et le côté répétitif des attaques finit par lasser.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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