Restaurateur de mannequins anciens, Frank Zito est un jeune homme que l'on imagine fragile, plutôt solitaire et introverti. Mais au-delà des apparences, il est également et surtout un individu sérieusement dérangé, prompt à brandir son énorme couteau et à s'en servir sur de jeunes demoiselles. En guise de souvenir, Frank récupère alors des scalps dont il garnit ses mannequins, projections macabres de ses fantasmes...
C'était en 1980 que William Lustig nous balançait son MANIAC en pleine gueule. Glauque, violent et emprunt de la folie morbide de son assassin, le film connaîtra un certain succès et deviendra même un métrage phare pour beaucoup d'amateurs de cinéma horrifique. Les années 2000 étant manifestement celles des remakes saignants, il fallait donc bien s'attendre à ce qu'une resucée de MANIAC voit le jour tôt ou tard. C'est aujourd'hui chose faite et ce par le biais d'un duo qui connaît bien son sujet, à savoir Alexandre Aja et Grégory Levasseur. Rappelons qu'ensemble, ils ont scénarisé entre autres HAUTE TENSION (ponctionnant largement le roman «Intensity» de Dean Koontz), 2E SOUS-SOL, le remake de LA COLLINE A DES YEUX, celui de INTO THE MIRROR et celui de PIRANHA via le sexy PIRANHA 3D. Une collaboration qui aura donc engendré une poignée respectable de films d'horreur, et surtout pas mal de remakes ! Or, enchainer les resucées de la sorte a bien évidemment des avantages, mais aussi des inconvénients. Tout d'abord, cela simplifie le processus d'écriture puisqu'on dispose déjà d'un matériau et d'un univers sur lesquels se baser. L'inconvénient, c'est cependant que les trentenaires ou quarantenaires ont, avec les années et les échecs artistiques, développé une allergie au fait de voir fleurir des remakes de leurs films «cultes».
Le duo Aja / Levasseur a malgré tout un atout en manche que les autres n'ont pas forcément. A savoir que sur LA COLLINE A DES YEUX ou PIRANHA 3D, ils ont su prendre le recul nécessaire et apporter suffisamment de sang neuf pour créer des oeuvres autonomes, dotées d'une personnalité et de qualités propres. Réjouissons-nous donc, car le constat s'avère être le même pour ce MANIAC sauce 2012 ! Ainsi, dès les premières images, le contraste avec l'oeuvre de William Lustig est assez saisissant. Finies la photographie crasseuse, les ruelles sordides et les prostituées peu engageantes. Ici, nous faisons place au quartier de Downtown (Los Angeles) avec son architecture un peu rétro et sa vie nocturne constituée d'une jeunesse qu'on nous décrit comme proprette, voire «bobo». Et c'est dans cet univers qu'évolue un tueur à la stature pour le moins inattendue. En effet, là où Joe Spinell incarnait il y a plus de trente ans un colosse au physique inquiétant, le rôle est ici confié à «la plus innocente des créatures», un acteur qui restera sans doute à jamais le Frodon du SEIGNEUR DES ANNEAUX. Pourtant, Elijah Wood semble vouloir briser cette image d'individu fragile. Dans HOOLIGANS par exemple ou, encore plus franchement, dans SIN CITY en 2005...
Reste que le tueur qui nous est proposé ici n'a rien de celui, exubérant et bondissant, qui nous était révélé dans le métrage de Robert Rodriguez. Non. Celui de MANIAC est un jeune homme contrarié, déstabilisé et capable d'une grande empathie. Mais cela, ce n'est bien évidemment qu'une facette du personnage, celle du sensible restaurateur de mannequins anciens. L'autre facette, celle qui prend le dessus lorsque les pulsions sexuelles se réveillent et que l'image d'une mère nymphomane refait surface, c'est celle d'un meurtrier agile et dénué de compassion, collectant les scalps. Et là, autant dire que le monstre a de quoi inquiéter ! Très habilement mise en scène, cette dualité est fort bien restituée par un Elijah Wood tour à tour tendre et inquiétant, mais également par un procédé auquel nous ne nous attendions pas. Entendez par là que MANIAC est filmé à 99% en vue suggestive. Oui, vous avez bien lu. Cette idée curieuse qui consiste à placer le spectateur dans la peau du personnage, afin de voir ce qu'il voit et, par extension, de vivre ses agissements. LE VOYEUR et STRANGE DAYS par exemple s'étaient essayés au procédé avec succès alors qu'un DOOM nous avait imposé dix minutes de supplice. Mais MANIAC va aujourd'hui plus loin et fait surtout bien mieux. Nous admettrons cependant que tout n'est pas parfait, et qu'il arrive sur certaines séquences que le procédé «frustre», «énerve» ou même lasse. Mais d'une manière générale, nous mettre dans la peau ce tueur aux allures de monsieur-tout-le-monde est une riche idée qui apporte une véritable identité au film.
D'autant que la mise en scène s'adapte réellement et propose une belle brochette de séquences intéressantes. Le psychopathe se regardant dans le miroir, les tremblements qui sont les siens lorsqu'une demoiselle entreprenante le ramène chez elle, le nettoyage des mains et du couteau, les petits jeux de cache-cache... Autant de scènes qui impliquent le spectateur davantage encore que dans le film original, et rendent le jeu d'un Wood (quasi-invisible de fait) très subtil, très gestuel. Aucun doute, le réalisateur Franck Khalfoun (et sans doute Alexandre Aja sur son épaule) fait preuve d'une belle inventivité et nous offre un panel particulièrement intéressant de ce que le procédé peut offrir. Assez éloigné finalement des films de «found footage» tels que [REC] et autres CHRONICLE qui inondent actuellement les écrans...
Curieusement, ce remake se montre donc plus attentif à l'égard de son mortel protagoniste. On lui offre une nouvelle personnalité, mais également un passé, ainsi qu'une «psychose» plus compréhensible, moins brouillonne. Du fait du gabarit du personnage, les agressions sont également moins «bourrines» et moins gores. Inutile donc d'espérer retrouver ici l'équivalent du double-meurtre du couple en voiture, avec l'explosion de la tête de Tom Savini ! Le film de Franck Khalfoun est clairement méchant, mais il est indiscutablement plus posé, mieux pensé. De cela découlera tout de même quelques soucis de rythme, voire de vraies longueurs en seconde partie. Le spectateur pourra alors se focaliser sur l'excellente bande-originale composée par «Rob», toute en synthé et guitare, rappelant par exemple les travaux récents du groupe «Double Dragon» (BLACKARIA). Voilà qui finit de brosser la personnalité d'un métrage décidemment bien différent de son ainé et aux choix artistiques osés qui lui vaudront sans doute d'être boudé par une partie du public. Pour notre part, le bilan s'avère tout de même bien positif !